Intelligence artificielle

Pourquoi les entreprises hésitent-elles à investir ?

Pôle mondial de la recherche en intelligence artificielle, le Québec accuse un retard important quant au transfert en entreprise de cette technologie. Pourquoi ?

Trop cher

Les entrepreneurs croient à tort qu’un projet d’intelligence artificielle (IA) coûte les yeux de la tête, dit Claude Guay, directeur général des services d’affaires mondiaux d’IBM Canada.

« Or, avec une simple connexion WiFi dans un Starbucks, une carte de crédit et des fractions de cent, on peut avoir accès à notre solution en ligne Watson. Et ce, aujourd’hui même », dit-il.

« Dans le passé, les projets d’intelligence artificielle étaient réservés à des clients de l’envergure de la Banque Nationale, du Mouvement Desjardins ou d’Air Canada. Alors qu’aujourd’hui, c’est à la portée d’une start-up. »

Une équipe de deux ou trois personnes, sur une période de six à huit semaines, peut suffire à implanter un projet doté d’un retour sur l’investissement de huit à seize mois, assure-t-il.

Trop compliqué

Les entreprises considèrent aussi à tort que les problèmes qu’elles veulent résoudre à l’aide de l’intelligence artificielle sont un handicap, explique Richard Chénier, directeur du Centech, un incubateur d’entreprises associé à l’École de technologie supérieure qui compte plusieurs projets liés à l’IA.

« Ces problèmes sont plutôt la matière première que recherchent les start-ups. Elles souhaitent s’y attaquer pour pouvoir développer des solutions qu’elles pourront ensuite mettre en marché », dit-il.

Trop difficile

Seulement 43 % des entreprises québécoises estiment qu’il est facile de retenir leurs experts en intelligence artificielle, et elles sont à peine 23 % à vouloir investir dans ce domaine, avance une étude de la firme NOVIPRO publiée plus tôt cette année dans La Presse.

« En apprentissage machine ou profond, c’est très difficile de retenir ces gens-là, et les jeunes se font rares », dit Yves Paquette, PDG de NOVIPRO.

Or, curieusement, une équipe d’informaticiens n’est pas toujours nécessaire pour mener à bien un projet d’implantation en intelligence artificielle.

« On a mis en place des interfaces clients pour des entreprises sans jamais parler à personne du département informatique, seulement aux spécialistes du service à la clientèle », assure Claude Guay, d’IBM Canada.

Pas assez payant

Plusieurs entrepreneurs ont été échaudés par les promesses que l’innovation technologique n’est pas parvenue à tenir depuis le début du siècle, affirme Éric Nguyen, directeur principal de la pratique en intelligence artificielle au cabinet comptable RCGT.

« L’innovation n’est pas une fin en soi, dit-il. Il faut qu’elle amène de la valeur à l’entreprise, soit en accroissant les revenus ou en réduisant les dépenses. Or, les innovateurs se sont souvent trop intéressés par le passé au développement de solutions qui n’amenaient pas des bénéfices tangibles. »

Même dans le cas des données massives et des chaînes de blocs, on recense peu de cas où des profits réels ont été enregistrés, dit-il.

« Et on parle dans ces derniers cas de technologies qui datent d’au moins cinq ans. »

Pas le bon timing

Un nombre important de petites et moyennes entreprises se trouvent à la croisée des chemins en matière de relève, ce qui nuit possiblement à l’adoption de nouvelles technologies, pense Éric Nguyen, de RCGT.

« Beaucoup de propriétaires de PME au Québec ont atteint un âge où ils pensent surtout à vendre ou transférer leur entreprise », dit-il.

« Le timing n’est donc pas nécessairement le bon pour eux pour effectuer un investissement important, alors qu’ils songent plutôt à la retraite.

« Ce qu’il faut faire pour aider les entreprises à adopter l’intelligence artificielle, c’est surtout éduquer la jeune génération. »

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