LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

Les cabinets de curiosités LGBTQ+

La diversité a bien meilleur goût

À l’occasion de Fierté Montréal, le Centre international d’art contemporain de Montréal (CIAC) présente, jusqu’au 20 août à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), une exposition sur la diversité sexuelle. Les cabinets de curiosités LGBTQ+ explore l’univers des gais, lesbiennes, queer, etc., dans les domaines artistique, politique et social au Québec. 

C’est au Centre international d’art contemporain de Montréal (CIAC) que l’on doit l’organisation des sept premières Biennales de Montréal, de 1998 à 2011. Aujourd’hui, Claude Gosselin continue de diriger le CIAC, qui diffuse l’art québécois, canadien et étranger. Mais l’on sait moins qu’il a été, au Québec, un militant homosexuel de la première heure afin que les gais prennent leur place, avec respect, au sein de la société. Il a même été arrêté en 1972 pour avoir participé à une soirée gaie sans avoir demandé de permis d’alcool aux autorités.

À 73 ans, il a décidé d’organiser sa dernière exposition de groupe en montrant les contributions de personnalités et d’artistes qui ont fait avancer la société québécoise sur la question de la diversité sexuelle. S’inspirant du cabinet de curiosités, il a rassemblé des œuvres et des artefacts, en collaboration avec le Centre de diffusion et d’expérimentation des étudiants de maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’UQAM (CDEx) et la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM. 

Photographie 

La photographie est largement représentée dans cette expo, notamment avec deux belles images de jeunes homosexuels prises par Chromogenic Curmudgeons, le duo de « grincheux chromogènes » constitué par Evergon et Jean-Jacques Ringuette. Trois photos de Kent Monkman, dont We Agreed to Share, Not Surrender (2011), évoquent la diversité identitaire (être autochtone et transsexuelle) et intellectuelle (interpréter différemment la colonisation du Canada). 

Deux immenses et magnifiques photos de JJ Levine permettent de mesurer à quel point le genre peut se révéler différent en fonction des vêtements et avec un maquillage bien fait. Dans chacune des deux photos de sa série Alone Time, un même homme joue son propre rôle et celui de sa compagne. Fascinant. 

Un îlot comprend des photos tirées de la revue bilingue de l’organisation lesbienne québécoise Lez Spread The Word (LSTW). Photos signées Kelly Jacob, Julia Marois, Suzanne Girard et Florence Gagnon. Claude Gosselin a aussi accroché dans la salle des documents et des photos reliés au premier mariage gai au Québec, soit celui de Michael Hendricks et René Leboeuf, en 2004. 

Artefacts

Les visiteurs sont invités à ouvrir les tiroirs d’une commode dans laquelle ont été placés des œuvres et des artefacts d’artistes, ainsi que des documents d’organismes comme Archives gaies du Québec, Émergence, la Fondation Jasmin-Roy, GRIS-Montréal et RÉZO. Un tiroir comprend le tapuscrit original des Feluettes de Michel Marc Bouchard et le manuscrit des Cendres bleues de Jean-Paul Daoust. Un autre renferme des objets du danseur québécois Vincent Warren, en partie liés à sa relation avec le poète américain Frank O’Hara.

Cinéma

Des affiches de films évoquent la production cinématographique d’artistes LGBTQ+ comme Chloé Robichaud (Sarah préfère la course) ou Rodrigue Jean (Hommes à louer). D’ailleurs, la programmation de l’expo propose des projections de films et des conférences tous les jours de 17 h à 19 h. La version en anglais des Feluettes sera projetée demain, un film de Marie Brodeur sur le danseur Vincent Warren, le 8 août et Sarah préfère la course, le lendemain.

Parmi les conférences, à noter celle de Jonathan Sardelis (Y a-t-il un art queer ?), le 10 août, et Regard queer sur l’architecture, par l’architecte Olivier Vallerand, le 17 août. On peut consulter sur place des ouvrages de référence et regarder des vidéos, par exemple Kooples, film d’Oz Yilmaz sur les couples gais, dont celui formé par Claude Gosselin et Pierre Pilotte, les deux créateurs de la Biennale de Montréal.

Campagne de sociofinancement 

Cette expo est intéressante, mais modeste. Rien à voir avec Fugues se souvient : 30 ans d’homosexualité au Québec, une belle réalisation que l’Écomusée du fier monde avait présentée en 2014, ou d’autres expos créées à l’étranger et dont Claude Gosselin veut s’inspirer, par exemple Homosexuality_ies, montée en 2015 au Schwules Museum, musée LGBT de Berlin, ou encore Sex in Vienna, l’automne dernier au Wien Museum, en Autriche. 

Car Claude Gosselin désire que son exposition s’enrichisse d’autres œuvres et que sa prochaine version circule au pays. Pour cela, il a d’ailleurs ouvert une campagne de sociofinancement sur Yoyomolo. 

« Quand Donald Trump décide que les transgenres ne sont plus bienvenus dans l’armée et que la Hongrie et la Turquie briment les droits des LGBTQ, on voit bien qu’il n’y a encore rien de gagné, dit-il. Ce genre d’exposition est encore nécessaire pour parler de tolérance et d’ouverture à l’égard de la diversité sexuelle. » 

À l’UQAM (405, rue Sainte-Catherine Est, angle Saint-Denis), jusqu’au 20 août. Du lundi au jeudi, de 12 h à 20 h, et les vendredis, samedis et dimanches, de 12 h à 18 h. Entrée gratuite.

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