Science

La musique, entre nos deux oreilles

Siffler des mélodies est un langage pour certaines communautés, écouter de la musique ravive les souvenirs de personnes atteintes d’alzheimer, et même le cosmos a son propre chant ! Le journaliste scientifique et musicien Michel Rochon creuse ces choses intrigantes et plusieurs autres dans Le cerveau & la musique.

Neurologie, biologie cellulaire, anthropologie et même astrophysique : quand Michel Rochon dit qu’il aborde la musique sous un angle scientifique, il ne laisse aucun territoire inexploré. Savant, son essai Le cerveau & la musique ? Assurément. Compliqué ? Pas tant que ça, non. L’ancien journaliste, qui a notamment travaillé pour les émissions Découverte et La semaine verte, est un excellent vulgarisateur et son bouquin n’est pas du genre à donner des maux de tête.

« J’ai pu tout mettre autour de la musique », se réjouit-il. En effet, si l’essentiel de son bouquin creuse la façon dont les sons se mêlent pour nous faire vibrer le ciboulot, il raconte aussi des choses étonnantes sur ce qui se passe sur terre et dans l’univers. Saviez-vous, par exemple, que le cosmos émettait sa propre musique, que l’astrophysicienne Wanda Diaz Merced décortique pour mieux comprendre les étoiles ? Plus terre à terre, mais tout aussi intrigant : les habitants d’une île des Canaries tiennent des conversations dans un langage sifflé, le Silbo, qui est même enseigné à l’école !

« On a développé une oreille assez fine pour des raisons de survie », explique Michel Rochon, en évoquant la nécessité de se protéger des prédateurs et de débusquer de la nourriture. Et la musique, elle ? Madonna l’a déjà chanté, dans sa chanson Music : pour rassembler les gens. Il semble en effet que sa fonction première ait été de participer à la cohésion sociale. Bien avant de véritablement parler, nos ancêtres auraient émis des sons organisés, voire des chants, pour se donner le courage de se battre ou de chasser, et pour des jeux de séduction destinés à favoriser l’accouplement.

Le chant, ainsi, aurait précédé le langage.

« On sait maintenant que les structures langagières sont basées sur la mélodie. Les linguistes s’entendent pour dire que ce qui sous-tend chaque langue, c’est la musique. » — Michel Rochon

Un révélateur du cerveau

Mais si autant de scientifiques s’intéressent à la musique, c’est qu’elle constitue « un modèle pour étudier le cerveau ». Ce que des chercheurs font, notamment en utilisant l’imagerie par résonance magnétique, une technologie qui permet de voir en direct ce qui se passe lorsqu’on écoute un concerto subtilement tourné ou une chanson pop qui nous a marqué.

Une trentaine de régions du cerveau sont impliquées dans l’écoute ou l’exécution de la musique, celles responsables du langage et de la motricité notamment. Elle active aussi le système de récompense, qui sécrète de la dopamine, neurotransmetteur entre autres associé au plaisir. Le fait que la musique soit « inscrite » à plusieurs endroits différents du cerveau explique pourquoi il est possible de raviver des souvenirs ou même de revivifier temporairement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer apathiques.

Non, par contre, écouter ou jouer de la musique ne rend pas plus intelligent, explique Michel Rochon dans son essai. Il n’y a pas d’effet Mozart. Jouer du Mozart, ou autre chose, a toutefois un impact sur l’apprentissage. « Jouer de la musique augmente la concentration, dit l’auteur. C’est très exigeant et cette capacité de concentration que ça demande a un effet durable. Elle peut améliorer la scolarité. »

Il insiste : la pratique de la musique a vraiment un effet positif sur le cerveau qui, on le sait, a la capacité de se modifier au gré des expériences et des apprentissages. Les musiciens ont ainsi plus de neurones dans les régions associées à la perception et à l’interprétation musicales. « C’est une vraie bonification de la matière grise ! s’exclame Michel Rochon, qui ajoute que c’est une bonne réserve pour prévenir la dégénérescence cognitive. Il n’y a aucun effet négatif à jouer de la musique, que du bon ! »

Le cerveau  & la musique

Michel Rochon

Éditions MultiMondes

272 pages, 19,95 $

Cerveau et musique en spectacle !

Michel Rochon ne se contente pas de transmettre sa passion par écrit : depuis deux ans, il trimballe un spectacle où il expose les liens entre la musique et ce qu’on a entre les deux oreilles. « Je distribue des cerveaux en plastique [aux spectateurs]. On s’amuse et j’essaie, du mieux que je peux, de faire comprendre les différentes régions du cerveau qui sont impliquées dans la perception musicale, explique-t-il. Je chemine en jouant des pièces connues et des improvisations. Pour moi, c’est une nouvelle forme de vulgarisation scientifique. » Son spectacle était présenté jeudi à l’UQAM. Les intéressés peuvent visiter sa page Facebook pour connaître les dates des prochaines représentations.

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