Au revoir, Patrice

La page a été tournée hier avec beaucoup d’émotions pour Patrice Bernier, le joueur professionnel. Mais son legs au soccer québécois est loin d’être achevé.

Les larmes du capitaine

Dans quelques années, les 20 681 spectateurs présents au stade Saputo ne se rappelleront peut-être plus ce résultat entre l’Impact et le Revolution de la Nouvelle-Angleterre (défaite de 3-2). Mais ils se souviendront d’avoir assisté, en une belle journée d’automne, au dernier match professionnel de Patrice Bernier. Et, plus particulièrement, de sa sortie du terrain à la 82e minute, avec les yeux embués de larmes.

« C’est difficile. Il y avait beaucoup d’émotions. Tu es triste parce que c’est fini, mais tu es également content d’avoir pu vivre une carrière comme ça, a ensuite indiqué Bernier. Tu tournes la page, mais c’est difficile quand c’est ce que tu fais depuis que tu es tout petit. »

Comme prévu, l’après-midi a été sous le signe de la communion et de l’affection réciproque entre un joueur irréprochable et son public. Accompagné de ses deux filles au moment d’entrer sur la pelouse, le capitaine ne pouvait pas rater les tifos derrière les deux buts. Il lui était également difficile de ne pas entendre les nombreuses ovations ou les chansons à son sujet au fil des minutes.

Et son match ? Cette semaine, il rêvait d’un penalty ou d’un coup franc bien placé pour inscrire un dernier but professionnel. Son souhait a été exaucé avec un penalty qu’il a transformé en toute fin de première période. À défaut d’une victoire, difficile de trouver une meilleure sortie pour le joueur de 38 ans. D’autant plus qu’il a pu célébrer devant ses parents, Jean et Gladys, qui ont fait retentir la cloche.

« D’habitude, je suis très, très calme, mais je n’avais pas tiré de penalty depuis le match contre Vancouver, où je n’avais pas marqué. Là, je pensais à plein de choses, alors que d’habitude, je ne pense pas à tout ça. En plus, je savais que mes parents étaient derrière le but. Mais j’ai marqué, je suis content […] même si je suis un compétiteur et que j’aurais préféré une victoire. »

Bernier n’a jamais été le joueur le plus démonstratif, que ce soit dans les bons comme dans les mauvais moments. Il y a quelques jours, lorsqu’interrogé par l’auteur de ces lignes, il n’avait aucune idée de la façon dont il allait émotivement vivre cet ultime rendez-vous. On l’a senti évidemment touché lors d’une cérémonie d’avant-match réunissant ses proches – ses parents, sa conjointe et ses enfants – ainsi que sa famille sportive représentée par Joey Saputo.

« Il a parlé dans le vestiaire, avant la rencontre, et c’était émouvant. Durant la semaine, je lui ai dit que [la réalité] allait le frapper de plein fouet à un moment donné. Et c’est arrivé quand il est sorti du terrain. »

— Mauro Biello

Au coup de sifflet final, Bernier a reçu le prix symbolique du joueur du match. S’emparant d’un micro, il a ensuite remercié un public qui n’a jamais cessé de le soutenir. « Montréal, ça a été une belle aventure », a-t-il dit avant d’ajouter qu’il n’allait « jamais oublier l’amour » reçu au fil des années.

La page est donc tournée. Désormais, Bernier apprendra le métier d’entraîneur à l’Académie, où il a déjà hâte de transmettre son expérience aux plus jeunes. Son legs au soccer québécois est donc loin d’être achevé même s’il prendra une forme différente.

« On verra mon héritage [de joueur] dans plusieurs années. Je serais juste content quand un jeune dit qu’il a été inspiré en venant au stade et en me voyant jouer. Je voulais performer, vendre le soccer, vendre l’Impact et faire réaliser que ce n’était pas qu’une place pour le hockey », a énuméré Bernier avant de quitter la salle de conférence. De l’autre côté de la porte, dans les bureaux du club, une autre ovation attendait le joueur...

Une défaite pour finir

Le résultat et la manière n’ont donc pas été à la hauteur de la sortie du capitaine. Auteur d’un bon début de match, l’Impact a, comme souvent, été emporté par la première difficulté, c’est-à-dire avec l’ouverture du score de Diego Fagundez (19e). En deuxième mi-temps, il n’a suffi que d’une vingtaine de secondes pour que l’équipe visiteuse reprenne l’avance à la suite d’une mauvaise passe en retrait de Samuel Piette. Matteo Mancosu (90e) et Kelyn Rowe (90+ 6) ont pimenté la fin de match.

« C’est décevant, mais ce match symbolise un peu notre saison. Il y a eu de bons moments, mais aussi des moments où l’on a donné des cadeaux, a regretté Biello. Ils ont eu cinq tirs cadrés et trois rentrent. Dans l’ensemble, ce n’était pas assez de notre côté. »

L’Impact finit la saison au neuvième rang de l’Association de l’Est avec une fiche de 11-17-6 et une récolte de 39 points. Après une dernière semaine consacrée à la sortie de scène de Bernier, l’attention va se rediriger vers cette saison compliquée et les nécessaires changements que la direction devra apporter. L’Impact procédera justement à son bilan de saison aujourd’hui, en début d’après-midi.

« On a célébré une grande carrière »

« On a célébré une grande carrière [hier] soir. Il mérite tout ça. Je suis content qu’il ait pu compter devant ses parents qui ont sonné la cloche. Avant le match, je lui avais dit de bien s’amuser. »

— Mauro Biello

« Ça fait six ans que je le côtoie et ça va être bizarre de ne plus le voir comme ça. Tous les jours, je le voyais dans le vestiaire et il affichait un large sourire, peu importe sa situation. »

— Evan Bush

« J’ai versé une petite larme sur son penalty. J’espérais vraiment qu’il marque devant les fans et sa famille. La boucle a été bouclée et il pouvait sortir avec les honneurs. Je suis vraiment très fier d’avoir pu jouer avec un joueur comme lui, mais surtout avec un homme comme lui. »

— Hassoun Camara

« Patrice est quelqu’un de très généreux. Il pense souvent aux autres avant lui. Si ça avait été un penalty pour la victoire et, comme Nacho [Piatti] est notre meilleur tireur, je suis certain que Patrice lui aurait laissé. C’est vraiment un gars d’équipe. »

— Samuel Piette

« Il y a un peu d’anxiété et de curiosité envers ma future fonction. […] Je suis excité de voir comment je vais pouvoir partager mon expérience et de voir comment l’Académie fonctionne. Ce sont de nouveaux repères à avoir. »

— Patrice Bernier

Propos recueillis par Pascal Milano, La Presse

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