Le courrier de la sommelière

Retour sur la minéralité et le terroir

Les dernières chroniques sur la minéralité et le terroir ont suscité beaucoup de commentaires ; pour la plupart, de gens contents d’en avoir une explication simple.

Je ne le répéterai jamais assez : le vin est un sujet très complexe. Mais ce n’est pas une raison pour en faire un sujet élitiste ni pour en éloigner ceux qui veulent simplement le boire sans se poser trop de questions. En revanche, rendre le vin accessible à ceux qui s’y intéressent ne veut pas non plus dire niveler par le bas. On doit pouvoir vulgariser sans pour autant faire des raccourcis.

Mea-culpa : dans le but de simplifier, j’y suis allée un peu trop vite. J’ai dit quelque chose de faux sur la minéralité et j’ai aussi répété une erreur qui est commise depuis longtemps. Et ce n’est pas parce qu’on affirme quelque chose de faux depuis toujours que ça devient vrai.

L’affirmation suivante de ma chronique est fausse : « Les minéraux présents dans un sol où pousse la vigne ne se retrouvent pas dans le vin qui en est produit. »

J’aurais plutôt dû écrire : « Les minéraux présents dans un sol où pousse la vigne se retrouvent en si petites quantités dans le vin qui en est produit qu’ils ne sont pas détectables à la dégustation. »

Ce que je voulais dire, c’est que les minéraux du sol où pousse la vigne ne sont pas responsables des arômes qu’on désigne avec le mot minéralité.

La deuxième erreur concerne justement ces arômes. Et là, ça se complique un peu, chimie oblige. Et comme la chimie, ce n’est vraiment pas ma force, j’ai demandé à Benoit Marsan, professeur de chimie à l’UQAM et passionné de vin, de nous expliquer ça simplement : « Minéral, ça ne concerne que des substances qui ne sont pas organiques, donc qui ne contiennent pas, le plus souvent, du carbone et de l’hydrogène. » Or, on qualifie depuis longtemps certains arômes de minéraux alors qu’ils font référence à des substances qui en contiennent, comme le carburant, par exemple, que j’ai mentionné dans cette même chronique. M. Marsan précise : « L’arôme d’hydrocarbure (ou de carburant ou de pétrole) ne serait pas minéral, puisque tous les hydrocarbures sont constitués de carbone et d’hydrogène, d’où leur nom. »

Pourtant, on qualifie depuis bien longtemps cet arôme, qu’on retrouve fréquemment dans les rieslings, par exemple, de minéral.

C’est que le mot a été utilisé très librement, pour définir de façon générale tous ces arômes qui ne rentraient dans aucune autre case (fruité, floral, végétal, animal, etc.). Le mot en est venu à avoir une signification sur laquelle s’entendent beaucoup de dégustateurs. Quand on parle de minéralité dans un vin, on se comprend. Mais le terme n’est pas toujours utilisé correctement, au vu de sa signification réelle, et ça, il faudrait faire l’effort de le corriger. Évidemment ce n’est pas chose facile : le mot minéralité est encore souvent utilisé à tort, et la plupart du temps, ce n’est vraiment pas de mauvaise foi, mais faute de savoir. Parce que l’on continue de l’enseigner ainsi.

Les connaissances dans le monde du vin évoluent aujourd’hui à une telle vitesse qu’il est impératif que les professionnels, et d’autant plus les enseignants, fassent les efforts nécessaires afin de rester à jour et de suivre ces évolutions.

Finalement, j’ai peut-être été un peu dure avec la dernière phrase de ma chronique sur le terroir, en disant que ceux qui en parlaient le plus étaient souvent ceux qui en avaient le moins.

C’est même Patrick Baudouin, vigneron de Loire que je citais dans cette même chronique, qui m’a gentiment écrit pour dire qu’il était d’accord avec tout le texte sauf cette dernière phrase. Et je comprends : il en parle sans cesse ! Le terroir est au cœur de toute sa démarche. Et en effet, beaucoup de vignerons qui élaborent de vrais vins de terroir en parlent beaucoup, et cherchent honnêtement à nous le faire comprendre et à le comprendre eux-mêmes. Et c’est une très bonne chose.

C’était un simple coup de gueule, un peu trop catégorique, j’en conviens, contre l’usurpation trop fréquente du terme pour vendre du vin industriel.

QUATRE VINS À DÉCOUVRIR

Stratus Riesling Moyer Road RR1 Niagara Peninsula 2015

Un très joli riesling, et une belle introduction à l’expression ontarienne du cépage. Élaboré par la maison Stratus dans la péninsule du Niagara, il exhibe le nez intense et appétissant du riesling, un des cépages les plus facilement reconnaissables, avec des arômes de pêche, d’agrumes, d’ananas et de fleurs blanches. Demi-sec à l’attaque, avec un fruit très mûr et juteux qui rappelle la pêche, la lime et les clémentines. Puis une acidité vive prend toute sa place, nettoie le palais de toute trace de sucre, et laisse une impression tonique et tranchante, avec une légère astringence qui rappelle la peau blanche des agrumes. Idéal pour l’apéro, avec des sushis, des poissons ou fruits de mer grillés, ou des tacos de poisson.

21,45 $ (13183432) 11,6 %

QUATRE VINS À DÉCOUVRIR

Concha y Toro Casillero del Diablo Devil’s Collection Valle del Rapel 2015

Un rouge d’un bon rapport qualité-prix, indéniablement chilien, et pas surfait (pas d’excès de maturité ni de bois). Plutôt classique, avec des arômes de poivre vert, de poivron, de cassis et de mûres, avec quelques notes de tabac et de feuille de tomate. La bouche est simple, mais franche, goûteuse, équilibrée. Sec et moyennement corsé, avec un boisé bien intégré et des tanins plutôt fondus. Parfait pour des viandes rouges ou des saucisses grillées ou simplement un bon hamburger maison.

14,55 $ (12152247) 13,5 %

QUATRE VINS À DÉCOUVRIR

Jean Foillard Beaujolais 2015

On pourrait penser que c’est un peu cher. Mais c’est tellement bon ! Eh oui, il y a une différence avec des Beaujolais corrects à prix moins élevé. Celui-ci fait preuve d’un tonus, d’une énergie, d’un éclat que n’ont pas les vins qui sont seulement techniquement bien faits, mais qui manquent d’âme. Un nez intense, affriolant, de petits fruits rouges, framboise surtout, avec une pointe florale. Une bouche fraîche, gourmande, gouleyante et peu tannique, qui appelle un deuxième verre. Il me semble beaucoup plus mûr et complet que le 2014. Au point où l’étiquette, que je n’ai jamais comprise, ne me dérange plus. J’ai tout simplement envie de me siffler la bouteille avec des amis.

24,05 $ (12454958) 12,8 %

QUATRE VINS À DÉCOUVRIR

Heinrich Blaufränkish Burgenland 2015

Délicieux rouge autrichien, élaboré entièrement avec le cépage autochtone blaufränkish, par un des meilleurs vignerons du pays. Cultivé en biodynamie (les vignes ici n’ont jamais vu d’herbicides ou de pesticides), il est d’une pureté remarquable, comme le sont très souvent les vins du domaine. Des tonnes de fruits noirs, des notes épicées, un petit côté sauvage et une immense buvabilité. Frais, tonique et savoureux, avec juste ce qu’il faut de tanins pour lui donner de la structure. À déguster avec des charcuteries, des grillades, un poulet rôti.

23,95 $ (10768478) 12,5 %

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