Éditorial

On n’en a pas assez parlé

Quatre sujets qui auraient mérité de retenir davantage l’attention des médias, estiment nos éditorialistes.

La crise des opioïdes

Entre janvier 2016 et mars 2019, le Canada a perdu plus de 12 800 personnes dans une épidémie sans précédent liée à la consommation d’opioïdes. Et l’hécatombe n’est pas encore terminée. La crise est encore plus sévère chez nos voisins du Sud, mais le Canada est le deuxième pays au monde le plus touché. Le principal coupable est le fentanyl, un opioïde synthétique puissant, qui était présenté comme un remède miracle lorsqu’il a été mis en marché, mais qui a vite montré son côté sombre. Si c’est la Colombie-Britannique qui est sur la ligne de front au Canada (la province a dénombré 3000 morts à elle seule en 2017 et 2018), la triste vague s’est déplacée vers l’Est. De janvier à mars seulement, l’Ontario a perdu près de 500 âmes. Le Québec pleure pour sa part la mort de 1000 personnes en quatre ans. Les autorités de santé publique ont déployé des ressources à travers le pays pour freiner l’hécatombe, mais une fois que la poussière sera retombée, il y aura beaucoup de questions à poser sur le rôle de l’industrie pharmaceutique et des médecins, qui ont parfois la prescription facile. Parce qu’à la base de cette épidémie, il y a une immense industrie qui se nourrit de la douleur des gens.

— Laura-Julie Perreault

Huawei et le 5G

La technologie 5G, c’est pour très bientôt. Avec une vitesse au moins 20 fois plus rapide que le réseau actuel, l’impact sera majeur pour une multitude de domaines, comme l’internet des objets. Mais une question très sensible se pose : le géant chinois Huawei devrait-il participer à la construction de notre réseau ? Plusieurs autres pays ont déjà répondu « non », comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Nos alliés craignent le cyberespionnage de Pékin. Au Canada, selon le Globe and Mail, le Centre de la sécurité des télécommunications voudrait exclure Huawei. Toutefois, les pressions commerciales pour donner le feu vert sont immenses – Telus et, dans une moindre mesure, Bell, soutiennent que bloquer la société chinoise augmenterait les coûts et les délais. Ce débat névralgique a été occulté par l’arrestation au Canada de Meng Wanzhou (directrice financière de Huawei) et par l’emprisonnement en Chine de Michael Kovrig et Michael Spavor. Il faudra en débattre en 2020, car le Canada pourrait regretter sa candeur s’il dit trop rapidement « oui » à la Chine.

— Paul Journet

La santé mentale des jeunes

Il y a bien eu quelques lettres ouvertes. Il y a eu un forum d’experts. Il y a même eu une annonce gouvernementale. Et pourtant, l’année 2019 se termine avec l’impression qu’on s’est peu attardés collectivement à la santé mentale des jeunes. En fait, on s’y est peu attardé… considérant l’ampleur de la crise. Car il y a bel et bien crise.

Il y a un an, l’Institut de la statistique du Québec a révélé que la détresse psychologique des jeunes était passée de 21 % en 2010-2011 à 29 % en 2016-2017.

Et en octobre dernier, on a appris grâce au premier portrait du bien-être des jeunes réalisé par la Fondation Jeunes en Tête que ce taux avait continué d’augmenter : aujourd’hui, ce sont plus de 37 % des adolescents (de 15 à 17 ans) qui déclarent avoir vécu un niveau élevé de détresse psychologique…

Plus du tiers des ados, imaginez !

Pourquoi une telle détresse ? Les écrans ? L’école ? La société de performance ? Les parents trop contrôlants ? Les avis sont aussi nombreux que les experts. Et les raisons demeurent donc nébuleuses.

Mais ce qui ne l’est pas, c’est qu’il s’agit manifestement d’une crise de santé publique dont il faut davantage parler.

— François Cardinal

Nancy Pelosi

On parle abondamment de Donald Trump aux quatre coins du monde et c’est parfaitement normal. Mais on aurait tout avantage à parler plus souvent de celle qui a prouvé, en 2019, qu’elle est la femme la plus puissante des États-Unis. Parmi les fonctions du Congrès américain, il en est une qui avait été négligée au cours des deux premières années de la présidence de Donald Trump : celle de contre-pouvoir. Les républicains ont carrément mangé dans la main du président. Lorsque les démocrates ont pris le contrôle de la Chambre des représentants en janvier dernier, avec à leur tête Nancy Pelosi, le changement a été radical. Il n’y a plus, désormais, de chèques en blanc. Au contraire. Le président est forcé de rendre des comptes, l’exemple le plus frappant étant la procédure de destitution. Si la tendance se maintient, Nancy Pelosi passera à l’histoire comme la politicienne ayant tenu tête à Donald Trump avec le plus d’aplomb.

— Alexandre Sirois

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