Les cryptomonnaies, et plus particulièrement la plus connue d’entre elles, le bitcoin, sont-elles une occasion d’affaires ou de la pure spéculation ? Ce débat, sur fond d’intelligence artificielle, était au cœur hier du Forum économique de la relève d’affaires, qui a réuni quelque 700 participants dans un hôtel du centre-ville de Montréal.
Pour Michael Albo, président et fondateur de l’Institut pour la science des données, un organisme international de formation, on peut voir le bitcoin comme « un système de croyances ». M. Albo était l’un des quatre experts qui ont donné hier un atelier qui s’est avéré être un exercice particulièrement réussi de vulgarisation des cryptomonnaies.
« Imaginez que le bitcoin est une religion. La puissance de cette croyance ne vient que de l’investissement émotionnel du groupe qui la reconnaît. C’est exactement ça que représente le bitcoin : l’objectif est de convaincre les gens que ç’a de la valeur. C’est tout ou rien. »
Non au bitcoin, oui à la technologie
Plus tôt en matinée, le président et chef de la direction de la Banque Nationale, Louis Vachon, avait fait part de son profond scepticisme à l’égard des cryptomonnaies. « Le modèle n’a pas prouvé sa résilience ; c’est clair qu’il y a énormément de spéculation. Je pense qu’une partie des cryptomonnaies sert à contourner les règles en matière de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale. Je ne dis pas qu’elles vont disparaître, elles vont rester, mais demeurer un marché de niche. »
Il a cependant qualifié la technologie derrière le bitcoin, la chaîne de blocs, d’« intéressante », mais estime qu’elle doit être suffisamment encadrée et sécurisée. « Quand on me dit que la blockchain ne peut être hackée, je cite un prophète beauceron qui a dit : “bullshit”… »
Pour Jonathan Hamel, président et fondateur de l’Académie Bitcoin et présent à l’atelier sur ce sujet en fin de matinée, cette insistance à séparer bitcoin et chaîne de blocs est « stupide ». De nombreuses entreprises importantes, notamment dans le secteur bancaire, multiplient en effet les investissements dans les chaînes de blocs depuis quelques années.
« C’est impossible que le blockchain fonctionne sans incitatif : ici, c’est le bitcoin, a-t-il expliqué en marge de l’atelier. Le bitcoin est une récompense attribuée à ceux qui s’assurent de l’intégrité du registre. Si vous créez un réseau fermé dans lequel vous avez confiance en tous les intervenants, vous n’avez pas besoin de blockchain. »
Pas de consensus
La volatilité extrême des cryptomonnaies, estime M. Hamel, est d’abord due à leur capitalisation relativement petite, quelque 434 milliards au total, une goutte d’eau dans la masse monétaire mondiale qu’on estime au bas mot à 90 400 milliards, selon MarketWatch.
« C’est un marché jeune et relativement restreint. Dans les premières années de l’échange de l’or, c’était probablement la même volatilité. » — Jonathan Hamel
La curiosité médiatique à l’égard du bitcoin et l’arrivée massive de nouveaux acheteurs peu informés expliquent également les fluctuations en montagnes russes du bitcoin, qui a frôlé les 20 000 $US en début d’année pour retomber à 7000 $US le 5 février dernier, a précisé Nick Chong, cofondateur de QUOINE+BLOCKWAVE. Cette fintech est née de l’association de deux entreprises japonaise et montréalaise spécialisées dans l’échange de cryptomonnaies.
« Beaucoup de gens s’intéressent au bitcoin et achètent pour la première fois : ça fait flamber les prix. Et dès que ça descend, c’est la peur de l’incertitude, ça descend. »
Alors, occasion d’affaires ou spéculation, le bitcoin ? Les experts n’ont évidemment pas dégagé un consensus en 90 minutes sur un débat qui fait rage depuis presque une décennie. Dans un exercice intéressant, Michael Albo a demandé aux personnes de l’audience de lever la main si elles étaient prêtes à investir leur fonds de pension dans des bitcoins. Aucune ne l’a fait.
Son collègue Jonathan Hamel a repris l’exercice, mais en demandant plus simplement qui serait prêt à acheter une somme raisonnable de bitcoins, comme un investissement à long terme. La majorité de l’audience a levé la main.
Le bitcoin en chiffres
Cours au 2 mars 2018 : 14 046 $*
Nombre d’unités en circulation : 16 895 950 (maximum de 21 millions atteint vers 2140)
Capitalisation : 237 milliards
11 511 004 comptes d’utilisateurs répertoriés
Sommet : 24 954 $, atteint le 16 décembre 2017
Cours le plus bas depuis un an : 1206 $, 24 mars 2017
* Toutes les sommes sont en dollars canadiens. Source : CoinDesk