Le Canadien Les 25 ans de la dernière Coupe Stanley

FACE AUX GRANDS RIVAUX

Il y a 25 ans ce printemps, le Canadien a réalisé l’un des triomphes les plus inattendus de son histoire : sa 24conquête de la Coupe Stanley. Récit, en quatre jours et quatre tours, par ceux qui l’ont vécu de l’intérieur.

Nordiques
contre
canadien

Un début de série difficile

Sur la longue route qui a conduit le Canadien à la conquête de la Coupe, le premier obstacle n’était pas le moindre : les Nordiques de Québec, qui avaient conclu la saison avec deux points de plus que leurs rivaux montréalais au classement de la division Adams.

La série s’amorce à Québec, avec un premier match dans un Colisée chauffé à blanc par des partisans assoiffés de victoires. On peut les comprendre : leurs favoris participent enfin aux séries, une première après une longue absence de cinq ans.

À Québec, à la suite de cette saison de 104 points – la meilleure de toute l’histoire du club –, les attentes sont élevées…

Stéphane Fiset

(gardien, Nordiques)

« C’est l’année où on aurait dû tout gagner… »

Pierre Pagé

(entraîneur-chef et DG, Nordiques)

« Pendant la saison, on avait une équipe aussi bonne que Montréal. Les deux équipes pouvaient marquer des buts. À Québec, on avait un plan de trois ans : gagner la Coupe Stanley en trois ans. Après 1993, Montréal n’a plus jamais gagné et à Denver, les Nordiques, devenus l’Avalanche, ont gagné deux fois la Coupe Stanley. On avait un bon plan. »

Vincent Damphousse

(attaquant, Canadien)

« Au moment où la série a commencé contre les Nordiques, on n’était pas les favoris, mais on n’était pas les négligés non plus. C’était deux bonnes équipes, qui avaient récolté plus de 100 points lors de la saison. »

Stéphan Lebeau

(attaquant, Canadien)

« On avait eu une fin de saison difficile, mais je me souviens aussi d’une série de victoires un peu plus tôt, et c’est là que je me suis dit : “Je pense qu’on peut gagner la Coupe.” Mais avant la Coupe, il y avait l’enjeu du Québec, à savoir qui allait passer un été merveilleux et qui allait passer un été d’enfer… »

Jean-Jacques Daigneault

(défenseur, Canadien)

« On jouait dans un système hermétique défensivement, et les gars avaient compris qu’ils allaient devoir sacrifier de leur production offensive pour gagner des matchs. Mais tout le monde a choisi d’embarquer… »

Éric Desjardins

(défenseur, Canadien)

« Au tout début de la saison, Jacques [Demers, l’entraîneur-chef] nous avait dit qu’on allait surprendre le monde du hockey. Il nous avait mis ça dans la tête. »

Patrick Roy

(gardien, Canadien)

« Quand Jacques a dit ça, on s’est tous demandé s’il avait bien regardé la formation qu’on avait… »

Kirk Muller

(attaquant, Canadien)

« On avait mal fini la saison et eux, ils avaient Sundin, Sakic, Foote en défense… on était clairement les négligés. »

La série commence mal pour le Canadien. Au terme des deux premiers matchs présentés au Colisée de Québec, les Nordiques détiennent une avance de 2-0 à la suite de victoires de 3-2 (en prolongation) et de 4-1.

Gilbert Dionne

(attaquant, Canadien)

« J’avais fait des petites déclarations dans les journaux, à savoir qu’on n’allait pas se laisser intimider par les Nordiques… peut-être que ça les avait fouettés un peu. Mais on est revenus à Montréal et c’est là que Mike Keane a dit : “Si on ne perd pas à la maison, on gagne la série.” »

Scott Young

(attaquant, Nordiques)

« Nous avions du talent, et nous avions obtenu de bons vétérans de Philadelphie dans le cadre de la transaction Eric Lindros. Avant le début de la série, j’avais apporté ma bague de la Coupe Stanley, que j’avais gagnée deux ans plus tôt à Pittsburgh. Je voulais juste montrer aux gars ce que nous allions avoir la chance de gagner. Il y avait des gars qui étaient vraiment très fébriles, comme Owen Nolan, qui n’avait jamais participé aux séries… En prolongation du premier match, j’ai marqué le but gagnant en faisant le tour du filet et en lançant la rondelle aux pieds de Patrick [Roy]. »

Brian Bellows

(attaquant, Canadien)

« Après le deuxième match, Jacques [Demers] était venu me voir pour me demander pourquoi on ne marquait plus. Je lui avais dit que le bon côté dans tout ça, c’est qu’on ne pouvait pas faire pire… »

Vincent Damphousse

(attaquant, Canadien)

« Je me souviens à quel point nous étions encore confiants, même à 0-2 dans la série, et ça, c’est quelque chose qui venait d’en haut, de la direction. »

Kirk Muller

(attaquant, Canadien)

« Après le deuxième match à Québec, on avait eu des problèmes mécaniques et il avait fallu rester là-bas. Et je revois encore Serge Savard à l’hôtel : il s’est assis et il nous a calmement expliqué que si on continuait à jouer de cette façon, on allait gagner la série… Ce fut un tournant. »

Serge Savard

(directeur général, Canadien)

« Il n’était pas question de blâmer personne. J’ai fait ça pour qu’on se regroupe. À mes yeux, nos chances de gagner la série étaient encore très bonnes. »

Patrick Roy

(gardien, Canadien)

« À 0-2, au retour à Montréal, Jacques Demers m’a convoqué dans son bureau. Dans ces moments-là, des fois, tu te mets à penser au pire scénario. Est-ce qu’il va me dire qu’il met André Racicot devant le filet à ma place ? Mais Jacques m’a dit : “Patrick, on va vivre ou mourir avec toi.” C’est difficile d’oublier ça… »

Stéphan Lebeau

(attaquant, Canadien)

« Avant le troisième match, j’étais dans un taxi avec Vincent Damphousse en direction du Forum, et le chauffeur nous avait engueulés parce que selon lui, perdre contre les Nordiques, c’était inacceptable… »

Scott Young

(attaquant, Nordiques)

« Le troisième match a commencé, et on a disputé une très bonne première période. On menait 1-0 après 20 minutes. Mais je trouvais que les gars étaient surexcités. Je le voyais très clairement dans le vestiaire après la première période : on se pensait meilleurs qu’eux, et on a commencé à se sentir un peu trop en confiance. Les gars étaient très relaxes et je me suis dit : “Ça, c’est pas bon…” »

Pierre Pagé

(entraîneur-chef et DG, Nordiques)

« Patrick Roy s’est mis à faire la différence. Et en plus, quand Daniel Bouchard est allé parler de la faille dans son jeu… Pauvre Dan, il voulait tellement bien faire, c’était un bon gars. Mais d’aller dire ça à 2-0 dans la série… »

Stéphane Fiset

(gardien, Nordiques)

« Quand on a su que Daniel Bouchard avait dit ça, on a tous été très déçus. On n’en revenait pas. Faut jamais offrir un élément de motivation supplémentaire à personne en séries, et surtout pas à Patrick… »

Kirk Muller

(attaquant, Canadien)

« Patrick était encore meilleur quand l’enjeu était plus grand. Ç’avait été difficile pour lui lors des deux premiers matchs, il jouait blessé. Mais à partir du troisième match… »

Éric Desjardins

(défenseur, Canadien)

« C’est certain que ce fut une erreur de la part de Bouchard, ce commentaire-là. C’était pas nécessaire de motiver Patrick de même… »

Patrick Roy

(gardien, Canadien)

« Je n’ai pas vraiment porté attention à la déclaration de Dan Bouchard, parce que mon assiette était déjà assez pleine comme ça. Je voulais juste me concentrer sur mon travail… Je n’avais aucune blessure et pas d’excuses. Je me suis seulement un peu blessé lors du cinquième match, après avoir reçu un tir à l’épaule. Mais je suis revenu rapidement. »

Le vent tourne

Pendant que Patrick Roy retrouve de sa superbe, le gardien des Nordiques, Ron Hextall, commence à perdre des plumes. Le Canadien l’ébranle en l’empêchant de faire sa routine d’avant-match lors de la troisième rencontre, au Forum.

Vincent Damphousse (attaquant, Canadien)

« Lors de l’échauffement, Hextall avait l’habitude de faire le tour du petit point au centre de la patinoire avec son patin, et en faisant ça, il était de notre côté. Ça, c’est une loi non écrite : tu n’as pas le droit de franchir la ligne rouge lors de l’échauffement d’avant-match. Alors Mario [Roberge] est allé voir Jacques Demers et il lui a dit : “Je sais que je joue pas, mais habille-moi quand même juste pour l’échauffement.” Mario est allé se planter sur le point central pendant 20 minutes… »

Guy Carbonneau

(attaquant, Canadien)

« C’est moi qui avais demandé à Mario Roberge d’aller se planter là lors de l’échauffement. Les joueurs de hockey, on a tous nos petites routines, mais ce que Hextall faisait là, c’était proscrit. Il venait de notre bord de la patinoire pour faire ça. En même temps, on voulait le déranger. Dans les séries, pour gagner, il faut gagner chaque petite bataille. »

Stéphane Fiset

(gardien, Nordiques)

« Ron, sur la glace, il devenait un autre personnage. Il avait développé des manies, il avait des superstitions. Le Canadien a décidé de jouer cette carte-là, mais je ne pense pas que ça l’ait affecté… »

Vincent Damphousse

(attaquant, Canadien)

« On avait réussi à lui jouer dans la tête. On ne peut pas dire que c’est à cause de ça qu’on a gagné la série, mais Hextall avait été moins solide ensuite… J’ai réussi le but gagnant [en prolongation] du troisième match sur une manœuvre que je peaufinais souvent à l’entraînement : un de nos joueurs lançait la rondelle en fond de territoire, j’allais la récupérer en tentant d’éviter la mise en échec du défenseur adverse. Dans ce cas-ci, c’est [Adam] Foote qui était là. Il a voulu me frapper, mais j’ai tourné sur lui et j’ai fait un tir du revers pour marquer… On a gagné les matchs 3 et 4, et je me rappelle que [Kirk] Muller avait battu Hextall avec un but le long de la glace en prolongation du cinquième match. Il n’était pas en position pour faire l’arrêt. »

Kirk Muller

(attaquant, Canadien)

« Les rapports de nos dépisteurs nous avaient fait état de sa tendance à se pencher sur le côté, et quand je l’ai vu faire ça en prolongation, je n’ai pas hésité et j’ai lancé… »

Serge Savard

(directeur général, Canadien)

« Ron Hextall était très chancelant. Le but de Muller a fait mal ; toi ou moi, on aurait pu l’arrêter ! Avant le début de la prolongation, j’étais dans le corridor du vestiaire au Colisée, je parlais à Jacques [Demers] et je pense que les joueurs m’ont entendu. J’ai demandé à Jacques de dire aux gars de lancer, de n’importe où, que ça allait rentrer parce que Hextall ne voyait pas la rondelle. »

John LeClair

(attaquant, Canadien)

« Le but de Muller s’est avéré énorme, parce que l’équipe qui allait prendre les devants 3-2 dans la série allait avoir un gros avantage. Avec chaque victoire, notre confiance allait en grandissant. »

Pierre Pagé

(entraîneur-chef et DG, Nordiques)

« Ma plus grande erreur, ce fut probablement de ne pas avoir pensé à préparer un autre gardien. Nos deux gardiens avaient fini la saison avec des moyennes autour de 3,50. »

Gilbert Dionne

(attaquant, Canadien)

« Hextall, c’était un des joueurs que je voulais déranger. Je fonçais au filet. J’allais lui parler lors des arrêts de jeu : “Hey, Ron, t’es sur le bord de laisser passer un but facile entre tes jambières…” [rires] »

Kirk Muller

(attaquant, Canadien)

« Mais Ron Hextall n’était pas notre plus grande préoccupation lors de cette série. Ce qu’on voulait vraiment faire, c’était de contenir les gros canons des Nordiques, comme Mats Sundin et Joe Sakic. »

Pierre Pagé

(entraîneur et DG, Nordiques)

« Certains de nos gros joueurs en attaque avaient été moyens lors de cette série-là. »

Kirk Muller

(attaquant, Canadien)

« Avant mon but en prolongation lors du cinquième match, je me suis mis à discuter avec Vincent [Damphousse] juste avant la mise en jeu dans notre territoire. On avait préparé un jeu d’avance, et ça a fonctionné. Je pense que c’est la seule fois de toute ma carrière où un jeu dessiné d’avance a marché ! J’avais demandé à Vincent de transporter la rondelle à l’aile [gauche] et de me la passer ensuite. D’habitude, ces jeux-là ne marchent jamais ! Mais ce fut comme ça au printemps de 1993 : tout tournait en notre faveur. »

Le coup de grâce

Le Canadien remporte donc le cinquième match grâce au but de Kirk Muller en prolongation. La table est mise pour le sixième affrontement, au Forum. Mais d’abord, les Nordiques doivent prendre une décision au sujet de leur gardien…

Stéphane Fiset

(gardien, Nordiques)

« Cette année-là, j’avais eu du succès contre le CH. Je ne sais pas ce qui serait arrivé si j’avais été le gardien partant lors de cette série. On ne le saura jamais… mais j’étais prêt en maudit. Après le cinquième match, Pierre Pagé est venu me voir pour me dire d’être prêt, que j’allais être le partant pour le sixième match. Mais le matin du sixième match, il m’a dit que ça avait changé… »

Serge Savard

(directeur général, Canadien)

« Je me demande encore aujourd’hui ce qui serait arrivé si Pagé avait choisi Fiset à la place de Hextall. »

Scott Young

(attaquant, Nordiques)

« On a eu du mal à oublier le cinquième match, ça nous a affectés, ce fut le coup de grâce. Il fallait connaître un gros début de match lors du sixième, mais ils ont marqué les deux premiers buts. En plus, le Canadien avait des gars moins connus, comme Paul DiPietro, des gars qui sortaient de nulle part. Il a eu combien de buts, DiPietro, au sixième match, trois ? C’est ce que je disais… »

Kirk Muller

(attaquant, Canadien)

« On a tous vu la crise de leur coach face à Mats Sundin lors du dernier match. Quand on a vu ça, on a compris que le vent avait complètement tourné. »

Vincent Damphousse

(attaquant, Canadien)

« Ce que Pagé a fait à Sundin en criant derrière sa tête comme ça, tu ne fais pas ça à un joueur vedette. »

Scott Young

(attaquant, Nordiques)

« J’ai vu un peu ce qui se passait sur le banc, je voyais bien que ça brassait, mais dans le feu de l’action, tu penses seulement à ta prochaine présence, alors personne vraiment ne s’est attardé à ça. Ensuite, quand on a tous revu les images à la télé… oui, c’était quelque chose d’assez grave. »

Gilbert Dionne

(attaquant, Canadien)

« On a bien vu que ça ne marchait pas pour eux quand leur coach a fait ça… »

Pierre Pagé

(entraîneur-chef et DG, Nordiques)

« C’est sûr que ce ne fut pas ma meilleure décision. Mats, je l’aimais, j’étais allé le chercher aux petites heures en Suède pour qu’il vienne jouer avec nous. Ce qui est arrivé, c’est un moment regrettable, mais on n’a pas perdu la série à cause de ça. J’ai réagi comme ça parce qu’à 3-2, il a oublié de couvrir son homme et ça nous a coûté un but. Ça lui arrivait de ne pas être responsable défensivement. »

Serge Savard

(directeur général, Canadien)

« Des choses comme ça, ça n’aide pas une équipe. Nous, avec nos joueurs, c’était tout le contraire. On les encourageait, on les motivait. »

Scott Young

(attaquant, Nordiques)

« Nous n’étions pas forts mentalement et nous ne savions pas comment gagner en séries. Eux, ils le savaient. Quand les Nordiques ont déménagé [à Denver], on a gagné la Coupe en 1996, surtout grâce à des anciens du Canadien, dont Patrick, Mike Keane, Claude Lemieux. Ces gars-là avaient grandi dans l’organisation du Canadien. Ils savaient comment gagner, et ils s’attendaient à gagner. »

Stéphane Fiset

(gardien, Nordiques)

« Après le sixième match au Forum, on était tous à terre. Personne dans notre équipe ne s’attendait à ce qu’on perde quatre fois de suite. On croyait vraiment en nos chances. Il aurait fallu aller chercher la troisième victoire, mais ce n’est jamais arrivé. Si on avait pu éliminer le Canadien, à mon avis, on avait de bonnes chances d’aller très loin. »

Pierre Pagé

(entraîneur-chef et DG, Nordiques)

« Ce que les gens oublient, c’est à quel point Patrick était motivé en 1993. Serge Savard avait évoqué publiquement l’idée de l’échanger, et à Montréal, il y avait eu une campagne de pub [des cartes Upper Deck] dont le slogan était “Échange Roy”. Patrick était super motivé. »

Serge Savard

(directeur général, Canadien)

« J’avais eu des discussions plus tard avec Pierre Lacroix [DG des Nordiques qui avait succédé à Pagé], quand Sundin a été placé sur le marché. Le nom de Patrick a peut-être été mentionné. Mais on était loin d’une transaction. »

Patrick Roy

(gardien, Canadien)

« Je n’avais pas connu une très bonne saison… Des hauts et des bas. Les deux premiers matchs à Québec, pour moi, ça n’avait pas été facile. Mais Jacques m’a apporté la confiance dont j’avais besoin à ce moment-là. »

Vincent Damphousse

(attaquant, Canadien)

« On a perdu les deux premiers matchs contre Québec, et ensuite, on a seulement perdu deux matchs pendant le reste des séries. On a gagné 11 matchs de suite après avoir pris un retard de 0-2 contre Québec, dont plusieurs matchs en prolongation. On était toujours du bon bord… »

Daniel Bouchard et la « faille » de Roy

Au printemps 1993, Daniel Bouchard fait parler de lui en raison d’une déclaration-choc : les Nordiques ont trouvé une faille dans le jeu de Patrick Roy. Encore aujourd’hui, ces mots ont une place de choix dans le grand livre de l’histoire du Canadien. Vingt-cinq ans plus tard, Bouchard accepte de revenir sur ce célèbre épisode, et sur une série qui aurait pu, à son avis, être remportée par les Nordiques.

« En 1993, j’étais l’entraîneur des gardiens des Nordiques, et pour moi, les souvenirs de cette saison-là, c’est assez simple : je me souviens que c’est [le gardien] Stéphane Fiset qui nous avait traînés pendant toute la deuxième moitié de la saison. Mais quand les séries ont commencé, juste avant qu’on affronte le Canadien au premier tour, on s’est tous réunis, les entraîneurs des Nordiques, et il fut décidé que c’est Ron Hextall qui allait être notre gardien partant. Ils n’ont pas voulu envoyer Fiset devant le but. Moi, je leur disais que c’est Fiset qui nous donnait la meilleure chance de gagner, mais les autres, et surtout Jacques Martin, ils voulaient tous voir Ron Hextall, qui avait été obtenu dans le gros échange avec Philadelphie contre Eric Lindros], et là, il fallait prouver qu’on avait réussi un bon échange. »

« Je demeure convaincu que si on avait envoyé Fiset devant le but, on aurait gagné cette série-là, sans aucun doute. »

« Alors la série a commencé, et Hextall était tout croche. Sur le dos, sorti trop loin de son filet. On a gagné les deux premiers matchs, mais en arrivant au Forum à Montréal pour le troisième match, Hextall passait son temps à regarder le plafond, tellement souvent qu’il pouvait lire ce qui était écrit sur les bannières en haut. Les gars du Canadien s’étaient tous passé le mot : en arrivant devant lui, sur l’aile, ils contournaient tous le filet pour aller le surprendre de l’autre bord, ou bien ils lançaient par-dessus lui parce qu’il était tout le temps couché. À un moment donné, ils ont réalisé que Hextall avait sa petite superstition d’avant-match : il fallait qu’il aille poser le patin sur le point central de la patinoire. Alors ils ont envoyé le gros [Mario] Roberge se placer sur le point, pour que Hextall ne soit pas capable d’aller là. Sur le banc, les gars riaient, mais moi, je trouvais ça triste. Qu’est-ce que ç’a à voir avec le fait d’arrêter des rondelles, ces conneries-là ? »

Patrick Roy « blessé »

« La déclaration avec Patrick [Roy], disons que ç’a été un peu déformé. Quand j’ai dit qu’on avait trouvé une faille, c’était en fait que j’avais remarqué qu’il jouait blessé. Je l’avais vu à l’entraînement : les gars du Canadien lançaient toujours du même bord. Ça me laissait croire qu’il y avait un problème avec Patrick. »

« Et j’ai su, par une connaissance, qu’il était allé passer des examens pour son épaule à l’hôpital Royal Victoria. C’était ça, la faille. Mais ç’a été récupéré, et à Montréal, on s’est beaucoup servi de ça pour motiver le Canadien. »

« Les joueurs du Canadien jouaient super bien dans leur territoire. Ils s’arrangeaient pour que le jeu se déroule d’un côté seulement, pour protéger Patrick. C’était brillant, ils n’ont pas gagné la série par hasard. Je me souviens d’avoir demandé à deux ou trois de nos joueurs d’aller foncer sur Patrick, pour voir jusqu’à quel point il était blessé à l’épaule.

« Dans le temps où je jouais contre le Canadien, au début des années 80, c’est ce que nos adversaires auraient fait ! Mais il n’y a pas un seul de nos joueurs qui a voulu aller faire ça… Patrick n’a pas souvent parlé de cette blessure, mais je pense que tout ça les a inspirés, au bout du compte. »

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