Le français en milieu de travail

Le jumelage linguistique s’implante à Sherbrooke

« Sherbrooke n’est pas une ville aussi multiculturelle que Montréal, mais les défis y sont très similaire pour les nouveaux arrivants qui souhaitent apprendre le français », affirme Wim Remysen, professeur de sociolinguistique à l’Université de Sherbrooke. Depuis l’automne dernier, des étudiants de l’établissement participent au programme « J’apprends le français » développé par la Chambre du commerce du Montréal métropolitain, permettant aux nouveaux arrivants de suivre des cours de français personnalisés sur leur lieu de travail. Voici comment le programme montréalais s’avère tout aussi pertinent en région.

Des défis linguistiques similaires

Sherbrooke étant une ville majoritairement francophone, les immigrants qui y exploitent des commerces de proximité ont davantage d’occasions de parler en français qu’à Montréal. Ils affrontent cependant les mêmes défis : de longues journées de travail et des responsabilités familiales qui leur laissent peu de temps pour suivre des cours de langue traditionnels. « On observe aussi que souvent, les employés sont issus d’une même communauté : ils échangent dans leur langue d’origine et ont peu d’occasions de pratiquer le français », ajoute le professeur.

En 2017, le linguiste a été invité à se joindre au comité pédagogique du projet-pilote de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il est rapidement été séduit par la simplicité de la formule et a proposé à l’Université de Sherbrooke d’établir un partenariat en vue d’implanter le programme dans la région.

« Nous sommes toujours volontaires pour les partenariats audacieux, ici comme ailleurs, et celui-ci représente une éloquente contribution au vivre-ensemble, qui fait partie de nos priorités de recherche et de contribution à la société. »

Pierre Cossette, recteur de l’Université de Sherbrooke

La première étape a consisté à définir les besoins à Sherbrooke. « En début de projet, après que les mentors eurent reçu une formation préalable, nous avons dressé une liste des petites entreprises tenues par des immigrants, surtout au centre-ville et sur les grandes artères, explique M. Remysen. La Chambre de commerce de Sherbrooke nous a également fourni quelques adresses à inclure à la liste. » Dépanneurs, salons de coiffure, restaurants, épiceries… L’étudiant responsable du recrutement a approché un à un les propriétaires de ces commerces pour leur présenter le projet et les aider à remplir la documentation nécessaire s’ils souhaitaient s’y inscrire.

Encourager les clients… à encourager les commerçants

Alors que l’apprentissage d’une nouvelle langue s’amorce souvent par l’écrit, M. Remysen croit que le choix de se concentrer sur le français oral fait la force du projet : « Pour un commerçant, ça peut être frustrant d’avoir de la difficulté à comprendre ses clients ou à s’exprimer. En travaillant d’abord sur les compétences orales, on peut rapidement aider les participants à développer leur autonomie. »

À ce chapitre, l’affichage de macarons et d’autocollants « J’apprends le français : encouragez-moi ! » dans les commerces remplit un double rôle. « Plutôt que de passer tout de suite à l’anglais, les clients comprennent que les employés sont prêts à faire des efforts pour apprendre la langue », précise le professeur Remysen. Cette information invite également à une plus grande tolérance.

« Lorsqu’ils ont droit à l’erreur, les commerçants sont plus à l’aise de s’exprimer publiquement en français, à mettre en application ce qu’ils apprennent »

Wim Remysen, professeur de sociolinguistique à l’Université de Sherbrooke

De premiers résultats encourageants

Comme l’initiative n’a été lancée que l’automne dernier, elle ne compte pas encore de résultats chiffrés. M. Remysen observe tout de même des retombées encourageantes : « Il y a une grande satisfaction des apprenants et un vif intérêt pour poursuivre les cours. » Les comptes-rendus hebdomadaires des mentors démontrent également qu’un lien de confiance s’installe entre ces derniers et les commerçants. « Cette dimension affective est importante et favorise l’apprentissage de la langue », note-t-il.

Toute personne souhaitant participer au programme à Sherbrooke – que ce soit pour accompagner des employés qui souhaitent apprendre le français ou pour proposer des commerces à soutenir – est invitée à communiquer directement avec le professeur Remysen.

Le programme s’étend vers de nouveaux territoires

Après une percée remarquée à Sherbrooke et grâce à l’appui financier du ministère de la Culture et des Communications, le programme de jumelage linguistique s’étendra prochainement à l’ensemble de la région métropolitaine de Montréal.

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