allégations d’agressions sexuelles

Les oblats de Marie-Immaculée face à une demande d'action collective

Une demande d’autorisation d’intenter une action collective contre les oblats de Marie-Immaculée, une congrégation religieuse qui a œuvré pendant des dizaines d’années dans les communautés innues de la Côte-Nord, a été déposée hier devant la Cour supérieure.

Selon l’avocat de la demanderesse, une trentaine d’Innus, dont une majorité de femmes mineures à l’époque, allèguent avoir été agressés sexuellement par le père Alexis Joveneau, un missionnaire belge, qui a notamment pratiqué dans les communautés isolées de Pakuashipi et Unamen Shipu, en Basse-Côte-Nord, de 1952 jusqu’à sa mort, en 1992.

La demande d’action collective, déposée par le cabinet Arsenault et Lemieux, vise « toutes les personnes, de même que leurs héritiers » ayant été agressées sexuellement par « tout religieux », et non pas seulement le père Joveneau, de la congrégation Les Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée depuis le 1er janvier 1950.

Une Innue de la Côte-Nord, Noëlla Mark, réclame d’obtenir le statut de demanderesse dans cette affaire. La femme qui habite Unamen Shipu a d’ailleurs brisé le silence pour une première fois devant la commission d’enquête fédérale sur les femmes autochtones disparues et assassinées lors de son arrêt à Mani-Utenam, près de Sept-Îles, en novembre.

Trois autres femmes innues avaient aussi allégué sous serment avoir été la cible du père Alexis Joveneau, qui exerçait une réelle emprise sur les communautés où il œuvrait. Plusieurs témoins avaient révélé qu’il était littéralement considéré comme « le chef du village » et « comparé à un dieu » sur la Basse-Côte-Nord.

L’avocat Alain Arsenault n’hésite pas à dire que les témoignages entendus lors de l’enquête nationale ont été « l’élément déclencheur » qui a incité d’autres victimes à se confier. « C’est un psychologue [de la communauté] qui m’a contacté en février pour voir ce qu’il était possible de faire [devant le nombre de dénonciations] », indique-t-il.

Agressions répétées

Dans la plupart des cas, les victimes auraient été agressées à plusieurs reprises.

« C’est assez significatif. Dans les différents cas, c’est environ toujours le même âge pour le commencement, autour de 8, 9 et 10 ans et jusqu’à 14, 15 et 16 ans. » — L’avocat Alain Arsenault

Il poursuit: « C’était assez régulier. On a vraiment un modus operandi majeur. »

Les agressions sexuelles se seraient le plus souvent déroulées à l’église ou à la résidence même du père Joveneau. Noëlla Mark allègue avoir été agressée dès l’âge de 9 ans et pendant sept ans. « Ces agressions prenaient la forme d’attouchements sexuels aux cuisses, aux fesses et aux seins », peut-on lire dans le document présenté à la cour.

Mme Mark a développé à la suite des gestes présumés des « graves problèmes d’anxiété », des problèmes de consommation d’alcool jusqu’à la trentaine et « une perte d’estime pour la religion et l’autorité en général ». Les dommages moraux réclamés par personne pourraient atteindre 300 000 $, indique MArsenault.

Pour l’heure, la trentaine de victimes qui se sont manifestées sont pour la plupart des femmes autochtones. « Il y a aussi des non-autochtones et des hommes », précise cependant l’avocat. Les gestes se seraient déroulés à Unamen Shipu et Pakuashipi. Un autre membre des oblats, qui pratiquait à Mani-Utenam, aurait aussi fait des victimes.

« C’est pourquoi on a décidé d’impliquer tous les oblats », soutient MArsenault, qui estime que l’action collective, si elle est autorisée, pourrait impliquer « facilement » entre 100 et 200 victimes. Les oblats de Marie-Immaculée n’ont pas rappelé La Presse hier.

« Dévastée »

Il y a cinq jours, la congrégation s’est dite « dévastée » et « bouleversée » à la suite de la publication de nombreux témoignages d’Innus de la Côte-Nord dans une enquête du Journal de Montréal. Les oblats ont également mis en place une ligne de dénonciation pour permettre aux victimes potentielles de dénoncer.

La nièce d’Alexis Joveneau, Marie-Christine Joveneau, est venue de la Belgique pour être à Montréal hier dans le but de soutenir les hommes et femmes autochtones qui, tout comme elle, auraient été victimes de son oncle. Mme Joveneau s’est elle-même manifestée une première fois en décembre sur les agressions sexuelles qu’elle aurait subies.

Le père Alexis Joveneau est aussi connu pour avoir réalisé quelques documentaires et films dans le but de faire connaître la culture et les mœurs de la nation innue. — Avec La Presse canadienne

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