FAIRE L’ÉPICERIE DANS LES POUBELLES

Vingt régimes de bananes dont certaines ne sont même pas encore mûres. Cinq cents biscuits dans un sac. Des pains expirés… la semaine prochaine. Des yogourts périmés, mais excellents au goût. Comme le font les dumpster divers montréalais, notre journaliste a fouillé dans les poubelles des commerces pendant cinq jours afin de récupérer de la nourriture pour préparer ses repas. Une expérience qui démontre de façon bien concrète l’ampleur du gaspillage alimentaire.

De la poubelle à la table

« Alors c’est bon, ta soupe aux vidanges ? »

Mon fils jette un œil suspicieux au contenu d’une marmite que je viens de cuisiner. Dans le potage d’un vert vif, ma foi plutôt alléchant, il y a des brocolis, du fenouil, du chou frisé. Tous ces légumes ont été récoltés dans le conteneur d’une fruiterie. Ils étaient non seulement comestibles, mais encore très beaux. Pourquoi les a-t-on jetés ? Mystère. Après cinq jours à écumer les poubelles, je suis encore éberluée par ce que j’y ai trouvé.

« Tu vas voir, le défi, c’est la gestion des quantités. » Les dumpster divers expérimentés, ces chasseurs de bennes qui fouillent les conteneurs des commerces et se nourrissent principalement des produits alimentaires qu’ils y trouvent, m’avaient bien prévenue. Je n’y croyais pas trop. Je me suis trompée.

En cinq jours de dumpster diving tout au plus deux heures par jour, sans trop forcer ni me salir et en utilisant les outils disponibles sur les réseaux sociaux, j’ai ramassé des monceaux de nourriture. La valeur de tout ce que nous avons recueilli en cinq jours de cueillette oscille entre 300 et 600 $, estime Sylvain Charlebois, professeur titulaire à la faculté de management et d’agriculture de l’Université Dalhousie. « Beaucoup d’argent jeté aux poubelles ! », lance le spécialiste.

Toute cette nourriture, c’était bien trop pour une seule personne, et même trop pour une famille. Soyez rassuré, nous n’avons rien gaspillé. Conformément à la règle d’or des dumpster divers, nous n’avons gardé que le nécessaire. Tous les surplus jugés consommables ont été donnés à des organismes communautaires montréalais.

Au cours de ces cinq jours, trois fois par jour, avec des ingrédients qui venaient à 95 % des poubelles, j’ai donc mangé ma désormais célèbre soupe aux vidanges, accompagnée d’un grilled cheese fait avec un pain de ménage trouvé dans les ordures. Avec les produits dénichés dans les conteneurs, j’ai pu cuisiner une salade de fenouil et de pommes aux amandes grillées, une compotée de pêches à la vanille, du pain doré aux pommes, une salade de betteraves au cumin, des pâtes au pesto de persil et citron avec rapinis sautés à l’ail, des aubergines grillées à la coriandre…

Certains aliments jetés dans leur emballage n’étaient même pas expirés, comme ces sept pains muesli – valeur : 4,99 $ chacun en épicerie –, cette boîte de quatre brioches aux raisins (4,99 $), cet emballage de quatre muffins aux bleuets (4,49 $). Oui, au cours de ces cinq jours, j’ai ajouté à cette récolte quelques aliments pigés dans mon frigo pour compléter les repas. Leur valeur totale s’est élevée à 21 $.

La géographie des non-lieux

La récolte est, la plupart du temps, d’une déconcertante facilité. Évidemment, il faut fouiner dans le fond des ruelles ou les recoins sales de l’arrière des commerces. Gabrielle Tanguay, qui a fait son mémoire de maîtrise en anthropologie sur les dumpster divers, les a baptisés des « non-lieux ». Pour l’œil du passant normal, ils n’existent pas. « Les divers ont une compréhension totalement différente de la géographie de Montréal. Pour eux, chaque ruelle a une personnalité, ils ont leur propre cartographie de la ville. »

Nul besoin d’un grand équipement pour partir à la chasse aux ordures. Une paire de gants et de bons souliers suffisent. À 5 ou 6 °C, la température était idéale pour cette virée : Montréal était littéralement un frigo à ciel ouvert.

Les dumpster divers les plus expérimentés sautent littéralement dans le conteneur, même ceux qui sont très hauts. « Une fois, j’ai failli rester pris au fond du conteneur d’un Dollarama. J’ai vu ma vie passer pendant une seconde », raconte sur Facebook un dumpster diver très actif à Montréal. Mais il n’est pas nécessaire de plonger aussi loin : les fruits, les légumes, les pains et les produits laitiers sont la plupart du temps accessibles, dans les poubelles sur roues des petits commerces, fruiteries, boulangeries, charcuteries.

Certains commerces sont très populaires auprès des chasseurs de bennes. Comme celui d’un gros distributeur de produits alimentaires. « SVP, refermez la porte du conteneur, sinon nous devrons mettre un cadenas », a-t-on écrit sur la porte de la grosse benne à déchets verte. « C’est une catastrophe de voir tout ce gaspillage. Les aliments sont encore super beaux. Les dumpster divers s’alimentent très bien », dit Gabrielle Tanguay.

Le gros lot du chasseur de bennes

Les dumpster divers interviewés dans ce reportage nous ont demandé de ne pas révéler le nom des commerces que nous visiterions. Car la « publicité » sur la qualité des poubelles d’un commerce se traduit souvent par une affluence qui dérange les clients et les commerçants et peut se terminer par une poubelle cadenassée ou, pire, arrosée d’eau de Javel. Je me bornerai donc à dire que les commerces visités étaient tous en territoire montréalais.

Comme cette fruiterie, par exemple, où j’ai déniché une dizaine de pots de yogourt, parfaitement scellés. Tous périmés, évidemment, et certains de plus d’un mois. Après les avoir goûtés, j’ai réalisé qu’ils étaient parfaits. Aucun impact sur le goût ni la texture. Ou cet autre commerce, qui avait largué à la poubelle une caisse complète de bananes, dont certaines n’étaient même pas encore mûres. Ici, huit aubergines. Là-bas, trois pizzas aux tomates, des piments, des citrons, une botte de chou-rave…

Mais la palme du gaspillage revient à cet épicier d’une grande chaîne, où je suis allée deux fois. La récolte y a été, chaque fois, fabuleuse. Dix-huit bottes de persil dont pas un brin n’était fané, quatre paquets de betteraves, quatre pieds de fenouil, des tonnes de chou frisé, des carottes en feuilles resplendissantes, sept pains, des viennoiseries… Les produits étaient souvent dans des boîtes, sur les conteneurs, isolés des autres déchets. À chaque visite, nous avons raflé le gros lot du chasseur de bennes en moins de cinq minutes. En commando, car l’employé croisé sur place nous avait bien prévenus. « Je ne peux pas vous laisser faire parce que chaque fois, je me retrouve dans le bureau du patron. Mais quand la porte est fermée… »

En général, les divers procèdent après les heures de fermeture. Nous avons choisi de le faire en plein jour, afin de tester la réaction des passants à l’opération. Résultat : un immense malaise. Fouiller dans les poubelles est un puissant tabou. C’est extrêmement gênant. Mais, bien franchement, on s’y fait. Tout comme on s’habitue à manger de la nourriture qui provient des poubelles. Tout le monde a évidemment son seuil de tolérance. De nombreux divers récoltent de la viande et même du poisson dans les bennes. J’avoue que j’aurais été incapable d’en consommer.

Gérer le « facteur dégoût »

Une fois la récolte terminée, le travail est loin d’être fini. Il faut d’abord laver avec soin les fruits, les légumes, et extraire les denrées des emballages souillés. Il faut trier les fruits fatigués, couper les parties non comestibles, sentir et goûter ce yogourt théoriquement expiré pour déterminer s’il est encore bon. Et puis, il faut cuisiner rapidement avec tout cela. Un bon dumpster diver doit donc avoir de bonnes capacités en cuisine. Que faire avec 18 bottes de persil, 15 casseaux de bleuets ou 20 régimes de bananes ? Du pesto, des muffins, des gâteaux…

Et une fois que c’est dans l’assiette ? Au début de mon expérience, le « facteur dégoût », comme l’a baptisé l’anthropologue Gabrielle Tanguay, était bien présent. Croquer dans cette pizza végé légèrement expirée ou ce sandwich tomates-feta trouvés – bien emballés – dans le conteneur d’une épicerie fine a été un défi. Mais une fois les pommes transformées en compote ou le persil en pesto, la chose devient beaucoup plus envisageable.

L’expérience de manger des denrées qui se trouvaient dans les poubelles demeure cependant une hérésie pour bien des gens. Nos trouvailles ont suscité la curiosité de nombreux collègues. « Il vient des poubelles, ce persil ? Mais il est moins beau que ça à mon épicerie ! » Question de se livrer à une petite expérience sociologique, nous avons servi aux collègues de La Presse un tiramisu fait avec les biscuits boudoir et le yogourt déniché dans les bennes à déchets d’une pâtisserie et d’une fruiterie. Nombreux ont été ceux qui ont passé leur tour, mais une trentaine de braves s’y sont risqués. Verdict général pour ce « tiramisu de poubelles » ? Excellent !

Chasseurs de bennes

Ils connaissent par cœur les meilleures poubelles en ville et les heures où elles sont pleines à ras bord, prêtes à être écumées. Ils ont leurs « conteneurs magiques » favoris, où se retrouvent des trésors comme du foie gras et du homard. Qui sont ces dumpster divers qui remplissent leur frigo dans les bennes à ordures des commerces ? Nous en avons rencontré trois.

LE KING DU CONTENEUR

Condo sur le Plateau, traducteur de profession, propriétaire d’une voiture. En apparence, la vie de Lany Chabot-Laroche ressemble à celle de bien d’autres Montréalais. À une exception près : Lany n’entre pratiquement jamais dans une épicerie. L’an dernier, il n’y a dépensé, en tout et pour tout, que 100 $. Il se nourrit presque exclusivement de la nourriture trouvée dans les conteneurs.

Son aventure a commencé il y a trois ans, en voyage à Barcelone. Ses amis et lui étaient dans une boulangerie. Ils ont vu le marchand jeter les pains et les pâtisseries invendues dans ses poubelles à la fin de sa journée. « Des choses en vente cinq minutes plus tôt se ramassaient dans un sac vert. On a récupéré le sac. »

De retour à Montréal, il a commencé à écumer les conteneurs. Il a acheté un congélateur. Il s’est impliqué dans la gestion d’une page Facebook consacrée au dumpster diving, qui compte maintenant pas moins de 13 000 membres. Et il a rapidement constaté qu’il lui serait impossible de consommer tout ce qu’il trouvait.

Il a ainsi mis sur pied une formule originale : celle du repas communautaire de produits trouvés dans les ordures. « Je mets tout ce que j’ai sur la table, on mange, on jase tout l’après-midi. J’ai fait 17 potlucks en deux ans. » Il peut parfois recevoir plusieurs dizaines de personnes lors de ces repas communautaires.

Les 200 photos de ses trouvailles qu’il a publiées sur son fil Facebook montrent l’ampleur de ses collectes. Sur l’une d’elles, il pose couché dans un bain… rempli de pots de vinaigrette trouvés dans les conteneurs. Lany trouve de tout dans les poubelles et son congélateur est rangé comme un jeu de Tetris. Il contient du canard, de l’agneau, du fromage.

« Le saumon fumé et le homard, j’en ai tellement mangé, je suis plus capable ! s’exclame-t-il en riant. Je n’ai jamais si bien mangé que depuis que je fais du dumpster diving. Il doit me rester encore une livre de foie gras à manger ! » A-t-il déjà été malade après avoir consommé des produits jetés ? « Une seule fois. Et j’aurais dû ne pas manger. Ça sentait bizarre et ça goûtait bizarre. »

Ses plus belles trouvailles ? Quatre cents livres de fromage dans un conteneur. Douze mille biscuits soda jugés « non conformes » par le fabricant. « On a fait deux voyages de voiture ! » Pendant un bon moment, il a récupéré une cinquantaine de livres de poisson par semaine chez un poissonnier. Et le jour où les frigos d’un supermarché ont lâché, il s’est retrouvé devant des dizaines de kilos de viande jetés aux ordures. « C’était dans le conteneur, il faisait - 30 ºC. On l’a prise ! »

CAMILLE ET SES COLOCS

Ils sont cinq jeunes adultes, ils n’ont pas beaucoup de sous. Ils ont trouvé une excellente façon d’économiser en fouillant les conteneurs. Camille et ses colocs ne dépensent que 80 $ par mois en épicerie. Pas mal pour nourrir cinq personnes. « On trouve de tout en fouillant dans les poubelles. Absolument tout ! », explique Camille.

La jeune femme, qui nous a demandé de ne pas être reconnue, a accepté d’être suivie par notre photographe l’espace d’une soirée de chasse dans les bennes à déchets. « Des fruits, des légumes, des tacos, une dinde congelée complètement, une cargaison de bananes complètement vertes, énumère-t-elle lorsqu’on lui demande ce qu’elle y trouve. Une fois, on a trouvé pour 700 $ de fromage. Une autre, 70 paquets de salami parfaitement scellés. Une poubelle sur roues pleine d’abricots. Cinq choux-fleurs encore bien beaux. »

En général, les cinq étudiants n’achètent que la nourriture sèche à l’épicerie, comme le riz ou les lentilles. « On mange très bien. Notre frigo et notre congélateur sont toujours pleins. C’est l’opulence, ici. »

Mais Camille et ses colocs ne font pas de dumpster diving strictement pour économiser. Pour eux, l’acte de récupérer de la nourriture consommable est aussi un geste de rébellion contre notre société d’hyperconsommation. D’ailleurs, la jeune femme publicise régulièrement sur Facebook des dépôts de nourriture consommable trouvée dans les poubelles.

« D’un côté, il y a des gens qui mangent de la scrap parce qu’ils n’ont pas d’argent et de l’autre, il y a des commerçants qui jettent », résume-t-elle.

« Ça fait mal au cœur de voir qu’il y a autant de bouffe dans les poubelles ! Avec tout l’effort qu’il faut pour préparer de la nourriture… qui finira aux ordures parce qu’il y a une petite poque sur le fruit. Tous ces efforts sont gaspillés. Les animaux sont élevés dans des conditions dégueulasses, ils sont tués, et tout ça pour rien parce que ça finit dans les poubelles… »

MONSIEUR RÉCUPÉRATION

Khalil Hassan achète très peu de choses. Les rares articles achetés neufs, chez lui ? La télé et quelques vêtements. Depuis qu’il est tout petit, il récupère des choses jetées par les autres. Il se définit comme un scavenger, un spécialiste de la récupération en tout genre. « Je ne suis pas contre le fait d’acheter. Mais j’essaie de réduire ma consommation le plus possible. »

Et c’est vrai aussi pour la nourriture qu’il consomme. Depuis cinq ans, il dépense rarement plus de 50 $ par mois en épicerie. « Jamais je n’aurais pensé qu’il y aurait autant de bouffe dans les poubelles. Et on n’a pas accès au dixième de ce qui est jeté parce qu’à plusieurs endroits, des supermarchés par exemple, ils ont des compacteurs, qui sont des machines à censure pour le gaspillage », fait-il remarquer.

Lors d’une tournée particulièrement fructueuse, il est tombé sur un commerce spécialisé en produits biologiques. « On avait une voiture. On l’a remplie complètement, y compris les banquettes. Environ 2 m3 de nourriture. De la belle bouffe bio ! » Le gaspillage qu’il constate en fouillant dans les ordures le hérisse. « Ça me fâche tellement ! On vit dans une société où il y a peu d’entraide et pas de cohésion. »

Il s’est très rarement fait prendre à partie par des commerçants mécontents. « Parfois, en demandant poliment, les gens te donnent leurs invendus dans des sacs. » Mais la plupart du temps, la chasse aux conteneurs ne suscite aucune réaction. « C’est très rare qu’on nous demande de partir. »

Dumpster diving 101

Maxime LeDuc a migré de la banlieue à Montréal il y a quelques années. Un jour, il est tombé sur un dépôt de nourriture dans un parc, probablement fait par un diver qui avait trouvé le gros lot. 

« Je me suis demandé si je pouvais prendre cette nourriture, étant donné que je n’étais pas dans l’extrême pauvreté. Je ne l’ai pas prise. Par la suite, j’ai réalisé qu’avec le gaspillage alimentaire qui a cours, même si je l’avais pris, ç’aurait été une goutte dans l’océan ! » 

Depuis ce jour, Maxime part régulièrement en tournée de dumpster diving. Il a même donné des ateliers sur le sujet dans des groupes communautaires. Il nous explique les règles non écrites de la chasse aux bennes.

Ne soyez pas gêné

« Il n’y a pas de honte à fouiller dans les poubelles. Et il n’y a pas non plus de revenus prédéterminés pour le faire. J’ai vu des gens qui vivaient de l’aide sociale et j’ai vu des gens qui gagnaient un salaire dans les six chiffres faire du dumpster diving. »

Gardez les lieux propres

« N’éventrez pas les sacs, ne répandez pas de détritus. Après votre passage, le commerçant ne doit pas savoir que quelqu’un est venu fouiller dans ses ordures. »

Soyez prêt à vous salir

Ayez des bottes, des gants, un manteau « pas trop beau », des lampes frontales s’il fait sombre, des draps pour protéger la voiture.

Restez courtois

Les commerçants et les employés sont rarement agressifs. Souvent, ils acceptent même de vous donner leurs invendus. Mais si on vous prend à partie, restez poli et quittez les lieux. « Mais personne ne s’est jamais fait arrêter par la police pour faire du dumpster diving ! »

Donnez au suivant

« Ne gardez que ce dont vous avez besoin. Le reste peut être laissé dans des parcs, près des métros ou dans des frigos communautaires. » De nombreuses pages sur Facebook sont consacrées au dumpster diving et ces dépôts de nourriture peuvent y être annoncés.

Après la récolte, lavez tout

Les recettes varient, eau et vinaigre ; eau et savon. Mais les fruits et légumes récoltés doivent être lavés, les emballages souillés, jetés.

Fiez-vous à votre odorat et à votre goût

« Les yogourts, par exemple, peuvent être consommés jusqu’à trois mois après la date s’ils sont scellés. Il faut y aller au goût et à l’odeur. Évidemment, si les contenants sont gonflés, on jette ça tout de suite. »

Prêtez attention aux rappels alimentaires

Si une grande quantité d’un même article se retrouve aux poubelles, il y a peut-être eu un rappel de Santé Canada sur le produit pour des raisons sanitaires. « C’est rare, mais ça arrive. » Cependant, de nombreux produits sont jetés parce qu’ils n’arborent pas le bon logo, que l’étiquetage a changé… « Toutes les raisons sont bonnes pour jeter ! »

Explorez

« Si vous trouvez un endroit payant, vous allez être abasourdi. Il faut le voir pour le croire ! C’est vraiment triste, ce gaspillage. »

Cuisinez

« Je me considère comme gourmet, j’aime cuisiner et j’ai parfois découvert des ingrédients peu communs avec le dumpster diving. »

La société du gaspillage

Quelle est l’ampleur du gaspillage alimentaire ?

Selon les chiffres de l’ONU, un tiers de la nourriture produite dans le monde est jetée. Au Canada, on parle de 1,3 milliard de tonnes par an : c’est 31 milliards de dollars jetés aux ordures. Cela représente entre 95 et 115 kilos de nourriture jetée chaque année pour chaque personne qui vit en Amérique du Nord et environ 1000 $ par foyer, précise Recyc-Québec.

Qui est responsable de ce gaspillage ?

Le gaspillage prend place tout au long de la chaîne de production alimentaire. Un organisme international, le Value Chain Management Centre, a évalué que le plus important gaspillage – 47 % de toute la nourriture jetée – se produit chez le consommateur. 10 % se produit à la ferme, 20 % dans la transformation, 4 % dans le transport, 9 % dans les restaurants et les hôtels et 10 % chez les détaillants.

Pourquoi les détaillants jettent-ils de la nourriture encore consommable ?

« C’est beaucoup plus simple de jeter que de réorienter la nourriture vers une banque alimentaire. C’est plus de travail et les détaillants n’ont souvent pas la main-d’œuvre ni l’espace pour le faire », répond Sylvain Charlebois, professeur titulaire à l’Université Dalhousie. Au Québec, 330 épiceries participent au programme de récupération en supermarché mis sur pied par les Banques alimentaires du Québec, qui transfèrent le tout aux Moisson des différentes régions. L’an passé, on y a récupéré 4 millions de kilos de nourriture et 20 millions de dollars. « On aimerait que ce soit 100 % de nos magasins qui participent, mais on va aussi vite que les Moisson sont capables d’embarquer dans le programme », résume Geneviève Grégoire, porte-parole de Metro. Quelque 125 marchés Metro et Super C participent. Le programme des Banques alimentaires du Québec reste cependant une goutte d’eau dans l’océan, puisque le Québec compte, au total, 4200 épiceries et 1800 commerces spécialisés en alimentation, selon le Conseil québécois du commerce de détail.

Pourquoi les supermarchés utilisent-ils des compacteurs à déchets ?

« On essaie de minimiser le plus possible ce qui finit au compacteur. On se fixe des objectifs pour réduire la proportion d’aliments jetés », dit Johanne Héroux, porte-parole de Loblaws, qui souligne qu’une centaine de supermarchés Provigo et Maxi participent au programme de récupération alimentaire. Les compacteurs sont utilisés pour optimiser le transport des déchets et suivre leur volume, indique Geneviève Grégoire.

Que peut-on faire pour contrer ce gaspillage ?

De nombreuses initiatives ont été mises sur pied au cours des dernières années. Au Québec, des entreprises transforment en confiture les fruits et légumes trop mûrs. Un microbrasseur a élaboré une bière faite à base de pain périmé. Des supermarchés ont maintenant des étalages de légumes « moches », autrefois écartés à la source par le producteur. En France, le gouvernement a rendu illégal le fait de jeter les denrées invendues. Au Danemark, on a ouvert des supermarchés où les tablettes sont remplies de produits officiellement périmés ou abîmés qui se seraient autrefois retrouvés aux ordures et qui se vendent de 30 % à 50 % moins cher.

Que puis-je faire personnellement pour limiter le gaspillage ?

Recyc-Québec offre sur son site internet un petit quiz pour mesurer votre « quotient » personnel de gaspillage. On y donne de nombreux trucs pour acheter, conserver et apprêter de la nourriture de façon plus avisée, notamment des précisions éclairantes sur la pertinence de la date de péremption de plusieurs aliments. Vous avez un surplus de nourriture ? Vous pouvez aller la déposer dans l’un des 15 frigos communautaires qui se retrouvent sur tout le territoire québécois, et elle sera redistribuée aux gens dans le besoin.

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