375e annivErsairE de Montréal

Des élèves voyagent dans l’histoire avec Minecraft

Noah a découvert qu’en 1745, en Nouvelle-France, on utilisait de la poudre d’os comme engrais. Charlotte a réalisé que les toilettes de l’époque étaient « vraiment dégoûtantes ». Emeric a appris à la dure qu’installer un toit de bois trop près d’un foyer peut faire des flammèches. Dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, des élèves du primaire ont utilisé le jeu vidéo Minecraft pour recréer la ville telle qu’elle était à l'époque de la Nouvelle-France. La Presse a assisté à ce voyage dans le temps.

« Si on veut avoir des fruits, on doit les planter. Les autres choses, il faut les fabriquer », explique James d’un air sérieux. D’une série de clics rapides, le garçon de 9 ans empile des blocs de pierre sur les murs de la maison qu’il est en train de construire.

« Il faut une fenêtre, n’oublie pas ! », lui rappelle Charlotte, qui surveille attentivement ce que fait son ami sur l’ordinateur portable qu’ils partagent.

Pour la prochaine heure, Charlotte et James ne sont plus des élèves de quatrième année de l’école primaire Pointe-Claire. Plongés dans l’univers virtuel du jeu Minecraft, ils sont cloutiers – ils fabriquent et vendent des clous – dans la ville de Montréal telle qu’elle était en 1745. Avec leurs camarades tisserands, brasseurs, chapeliers, orfèvres et tonneliers, notamment, ils participent à Mission 375 – un concours « technohistorique » lancé par la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) dans le cadre du 375e anniversaire de la ville de Montréal.

« Nous avons une politique pour faire ressortir les élèves doués et talentueux et on organise un concours chaque année en ce sens. Cette année, on a eu l’idée d’utiliser le jeu Minecraft, que les enfants aiment, mais en lui donnant une dimension sérieuse et académique », explique Julie Lavigne, directrice adjointe des ressources éducatives à la CSMB.

Minecraft est un jeu vidéo qui permet de créer des univers virtuels. Au départ, l’idée était de profiter du 375e anniversaire de Montréal pour demander aux élèves de recréer des bâtiments de la Nouvelle-France. Une façon de consolider les connaissances apprises dans le cours de géographie, histoire et éducation à la citoyenneté tout en utilisant la technologie. Mais c’était mal connaître les enfants.

« Les élèves se sont emparés du projet et l’ont poussé beaucoup plus loin. Ils nous ont dit : “On ne veut pas seulement faire des bâtiments. On veut être des personnages.” »

— L’enseignante Catalina Moreno

« Ça nous a poussés à faire des recherches sur le mode de vie des habitants de l’époque, quels noms de famille ils avaient, quels métiers ils pratiquaient, comment ils s’alimentaient, quelles étaient leurs habitudes d’hygiène… On a complètement dépassé le cadre », précise-t-elle.

Le projet a fini par déteindre autant sur les cours de français (écrire un récit autour du personnage) et de mathématiques (étudier les volumes qui entrent dans la fabrication des maisons) que d’éthique (expliquer pourquoi on ne doit pas détruire les habitations des copains).

Au feu !

Dans la classe, les élèves, concentrés, travaillent sur leurs constructions en petits groupes. À l’avant, sur une toile blanche, une carte virtuelle de l’île de Montréal montrant l’ensemble des habitations est projetée. Soudain, des cris fusent d’un coin de la classe. La ferme d’Amalia et Brenda est en train de brûler – un fléau, apparemment, en Nouvelle-France. La semaine dernière, c’est le manoir d’Emeric qui y est passé.

Les deux filles, à coups de clics frénétiques, balancent des seaux d’eau sur le toit.

« C’est la deuxième fois, déplore Amalia. On va mettre de la roche au lieu du bois. »

L’utilisation du jeu Minecraft dans cette classe de Pointe-Claire est un projet-pilote. Mais déjà, une quarantaine d’enseignants de la commission scolaire ont été formés pour pouvoir s’en servir. Dans chaque classe participante, deux élèves qui se démarquent par la qualité de leur construction seront choisis pour passer à une prochaine étape. Objectif : recréer un site historique de la métropole. Cette fois, les gagnants verront leur création reproduite avec une imprimante 3D.

« À travers des activités un peu différentes comme celle-là, où la créativité et la capacité d’adaptation sont sollicitées, on découvre des élèves talentueux qui ne se manifesteraient pas nécessairement autrement », explique Julie Lavigne, de la CSMB.

Et les élèves, eux, ils apprécient l’activité ? James nous regarde avec de grands yeux étonnés, un brin découragé de devoir répondre à une telle question. « Ben là ! On est à l’école et on fait du Minecraft ! »

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