Entrevue Sébastien Martinez

Superhéros de la mémoire

À 29 ans, Sébastien Martinez a encore une bouille d’étudiant et tout le temps devant lui pour emmagasiner des tonnes de données. Si la connaissance est le vrai pouvoir, le jeune Français a peut-être trouvé les clés qui ouvrent la caverne d’Ali Baba. Rencontre avec un athlète de la mémoire.

Dans son premier livre, le champion de France de mémoire 2015 présente des trucs infaillibles pour se souvenir de tout. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir un trou de mémoire au moment de nous décrire son emploi du temps pour cette tournée médiatique. Tiens donc…

« Je n’ai pas pris le temps de mémoriser ces données, s’excuse l’auteur d’Une super mémoire. On me demande souvent si je retiens tout. Mais non ! C’est juste que maintenant, j’ai le choix de faire entrer une information dans mon cerveau ou de l’externaliser en utilisant la technologie. »

Pour tout retenir, il n’y a pas de formule magique : il faut y mettre du temps et quelques efforts. Surtout, il faut en avoir envie, précise M. Martinez.

À partir de là, on peut se retrouver dans les couloirs de son propre cerveau, en y posant simplement certaines balises.

Devenir champion de la mémorisation

Ce qui branche Sébastien Martinez, c’est de faire des ponts. Sa formation d’ingénieur aurait pu lui permettre d’en construire de vrais. Mais ce qu’il aime surtout, ce sont ceux qui relient les informations et les souvenirs entre eux.

« J’avais une facilité en sciences, raconte-t-il. Par contre, quand venait le temps d’apprendre par cœur des matières comme les langues ou l’histoire, j’étais un élève très moyen. » Pour s’améliorer, il fait quelques recherches sur l’internet et met la main sur des exercices de mémorisation. Il se rend compte qu’avec une certaine technique, il arrive à mémoriser non plus 5 mots sur 20, mais tous les mots.

De fil en aiguille, l’étudiant met en place ses propres stratégies. « La plus-value que j’ai apportée, c’est de décomposer certains processus pour les structurer en étapes. J’y ai apporté cette partie plus pédagogique. » Ce sont ces outils que Sébastien Martinez dévoile dans son livre.

« Je suis convaincu que chaque année, on peut facilement apprendre une langue. » 

— Sébastien Martinez

Mémoire : mode d’emploi

Notre cerveau s’appuie sur la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. La première a une capacité de stockage très limitée, mais en faisant basculer l’information dans la mémoire à long terme, on tisse une toile d’araignée qui peut se déployer à l’infini et dont les ramifications sont autant de supports auxquels peuvent se greffer de nouvelles données. Car la mémoire fonctionne par associations.

« Il faut créer des liens. Soit on le fait de manière logique, soit on le fait de manière loufoque. L’idéal est de viser les deux à la fois pour créer des images percutantes qui s’ancreront dans la mémoire pour longtemps. » Qui ne se souvient pas, en effet, des conjonctions de coordination grâce à cette petite phrase : « Mais ou et donc Car ni or ? »

Tous égaux face à la mémoire

Plus facile à dire qu’à faire ? À ceux qui se défilent en prétextant leur âge ou leur mémoire défaillante depuis toujours, Sébastien Martinez offre une autre vision des choses. Le cerveau a un potentiel de mémorisation illimité, croit-il. C’est notre capacité à écrire sur ce disque dur qui évolue.

« La vraie question est de savoir quel temps on a envie d’investir dans de nouveaux apprentissages. Nous sommes tous capables de stocker de l’information. C’est dans la motivation et le temps dont on dispose pour le faire qu’on est inégaux. »

Nouvelle encourageante : en travaillant sa mémoire comme un athlète travaille son sport, on deviendrait plus efficace pour stocker de nouvelles informations. Ce qui, à notre époque, est non seulement utile, mais crucial, selon lui.

Apprendre à apprendre

Il y a 50 ans, explique-t-il, ce que nous apprenions durant nos études nous servait tout au long de notre carrière. « Aujourd’hui, nos connaissances sont vite obsolètes. Il faut être en mesure de se renouveler et d’apprendre constamment de manière efficace. » Dans ce contexte, de bons réflexes acquis dès le plus jeune âge sont un outil essentiel.

« Je pense que ça devrait être une matière à part entière à l’école. Le vrai pouvoir est là et c’est pour ça que je le fais. La mémorisation n’est pas une fin en soi, mais une étape pour accéder à la connaissance et exprimer pleinement qui on est et ce qu’on veut devenir. »

Une supermémoire : Les techniques infaillibles pour apprendre et se souvenir de tout

Sébastien Martinez

Éditions Édito

160 pages 

Entrevue Sébastien Martinez

Broder des histoires

Inventez une histoire pour relier les informations à mémoriser. Ajoutez-y des détails sensoriels : « Lorsqu’on encode une information en sollicitant ses cinq sens, ce sont cinq aires cérébrales différentes qui s’activent. Quand on voudra la retrouver, on aura cinq moyens d’y arriver », explique M. Martinez. Un exemple : Minsk est la capitale de la Biélorussie (l’information). Minsk sonne comme « Mink » (vison en anglais) ; Biélorussie comme « Belle Russe ». Donnez vie à ces images : représentez-vous une belle Russe en manteau de vison, en imaginant la sensation du froid, les rayons du soleil qui font étinceler la fourrure, les cloches qui sonnent sur son passage…

Entrevue Sébastien Martinez

5 minutes pour se souvenir

Pour consolider l’information, il suffit de la revisiter à intervalles réguliers : quelques heures, quelques jours, puis quelques semaines plus tard. Avec le temps, elle sera confortablement installée dans le cerveau. Pour acquérir des réflexes de mémorisation, on peut prendre quelques minutes chaque soir pour revoir ce qu’on a vécu et appris durant la journée.

Entrevue Sébastien Martinez

S’inventer un lieu de mémorisation

La « maison de mémorisation » repose sur l’impression visuelle et est utile pour mémoriser de longues listes. Le principe consiste à déposer des informations dans des endroits connus comme les différentes pièces de votre maison. Élaborez un parcours imaginaire, appuyé par un récit et alimenté par des sensations. Pour apprendre la liste des premiers ministres canadiens, par exemple, disposez-les dans différents lieux de votre maison. Associez-y des objets liés à votre histoire (Charles Tupper classant les contenants Tupperware de votre cuisine). Puis, retrouvez-les un à un, depuis la porte d’entrée, comme si vous y étiez.

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