Placements dans les paradis fiscaux

Pas d’engagement précis de la Caisse

La Caisse de dépôt et placement du Québec refuse de s’engager à réduire en deçà d’une cible précise ses placements dans les paradis fiscaux. Le président et chef de la direction de la Caisse, Michael Sabia, a toutefois affirmé, hier, qu’il allait faire des efforts pour diminuer ces investissements. L’institution a été la cible des parlementaires de l’opposition en raison de ses investissements dans des entreprises ayant recours à des paradis fiscaux, parce qu’ils sont passés de 14,8 milliards en 2013 à 26,2 milliards en 2016.

— La Presse canadienne

Analyse

Ne pas payer sa maison

L’histoire de Sean Cooper, ce Torontois ayant payé son prêt hypothécaire résidentiel en trois ans, a suscité l’émoi de plusieurs. Ce modèle est-il à conseiller ? Un peu extrême. D’un point de vue de gestion financière, l’important est d’investir. La maison n’est qu’un choix parmi tant d’autres.

Pendant que l’on propose de diversifier ses placements à tout prix, notre vie financière personnelle est souvent du type « all in ». Beaucoup de Québécois ont un employeur et leur principal « investissement » demeure leur résidence : une belle concentration de risques.

Un principe : l’effet de levier

Payer sa maison de façon accélérée demeure justifiable pour plusieurs raisons comme combattre l’anxiété liée à la dette ou être capable de vivre avec peu de ressources plus tard. Toutefois, une personne peut maintenir le même niveau d’épargne que Sean Cooper, mais investir son épargne ailleurs. Son actif net serait possiblement le même, mais il serait plus diversifié. En cas de pépin ou de hausse soudaine des taux, rien n’empêche de liquider les placements pour payer ses dettes.

Maintenant, la logique de ne pas rembourser son prêt hypothécaire rapidement est aussi basée sur l’effet de levier. Si on peut investir ses billes ailleurs et à un meilleur rendement que le coût de la dette, cela vaudra la peine. Par exemple, une personne a un taux marginal d’impôt combiné fédéral et provincial de 37,12 % et son prêt hypothécaire est négocié sur un terme de cinq ans fixe à 2,54 %. Cela veut dire que les placements doivent rapporter un rendement net supérieur au taux d’intérêt sur la dette pour justifier l’effet de levier. À ce moment, on fait de l’argent avec l’argent des autres. Évidemment, à ce point, on dira « oui, mais je fais moins de 1 % avec mon certificat de placement garanti ».

Généralement, il faut avoir une stratégie de placements à long terme plus exposés au risque pour viser 5 % ou 6 % de rendement annuel moyen. D’ailleurs, le placement garanti ne battant pas l’inflation, il ressemble à un plan d’appauvrissement garanti pour un jeune investisseur.

Par contre, si la personne a de l’espace dans son CELI, le rendement des placements serait à l’abri de l’impôt. On se retrouve avec un taux de rendement annuel exigé de plus de 2,54 % sur les placements pour battre le coût de l’endettement de la maison. Un tel rendement pour un jeune adulte est en dessous de la moyenne visée à long terme pour un portefeuille équilibré.

Vivre dans un immeuble à revenus

Dans un monde de logique financière familiale idéale, toute famille habiterait un immeuble à revenus. Ne pas avoir d’économie d’échelle dans la cohabitation, comme c’est le cas pour la maison unifamiliale détachée, est tout de même un luxe. Dans la logique d’un immeuble à revenus, les intérêts de la portion locative sont déductibles. Par exemple, dans le cas d’un duplex, disons que le locataire occupe 40 % de l’espace habitable, cela veut dire que la même proportion des intérêts est déductible des revenus locatifs. Donc, le coût net de la dette serait 2,16 % (1)

À ce moment, il devient complètement dérisoire, dans le contexte actuel, d’accélérer les paiements quand les intérêts réduisent l’impôt sur le revenu de loyer (d’un point de vue financier strictement). En accélérant les paiements, on perd de l’effet de levier. Il faut rembourser un jour, mais rien ne presse. Évidemment, ce mode de vie en rebute plusieurs : « si tu penses que je vais me faire marcher sur la tête ! » Il serait intéressant de calculer le coût d’isolation sonore du plafond. Cela fait, on se retrouve à gérer un revenu de loyer pour partager le coût de remplacement de la toiture, de rénovation du parement extérieur, etc.

La règle fiscale importante

À ceux qui voudraient louer une partie ou la totalité de leur maison temporairement, il faut être conscient d’un choix fiscal important. On peut louer sa résidence principale durant une période maximale de quatre ans sans être imposé sur le gain en capital, si et seulement si on fait un choix fiscal déclaré au fisc. Si on dépasse la période de quatre ans (2), le gain en capital devient généralement imposable.

En somme, les concepts à retenir sont l’épargne et l’investissement. Payer sa maison de façon précoce n’a pas nécessairement de plus-value dans toutes les situations. C’est simplement un choix d’allocation de ressources. La vraie question, êtes-vous du type à sortir la calculette ou à stresser avec les dettes ? De toute façon, avec une dette de consommation moyenne par personne de plus de 18 000 $ au Québec, on comprend que le remboursement anticipé demeure théorique pour bien des familles : le paiement de la carte de crédit est plus urgent.

1 (2,54 % x 60 % + 2,54 % x 40 % x (1-0,3712))

2 Si aucune déduction pour amortissement n’est demandée et que l’on déclare les revenus de location.

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