Tuerie de Polytechnique 30 ans plus tard

La société a commémoré vendredi la tuerie de Polytechnique dans laquelle 14 jeunes femmes ont perdu la vie il y a 30 ans.

Chronique

Ça fait encore mal

Voilà 30 ans que je cherche les mots pour dire à quel point ça fait mal.

J’utilise le présent, parce que ça fait encore mal.

J’essaie de vous écrire et les larmes sont là, pointues dans ma gorge, comme elles l’étaient le 6 décembre sur la colline de Polytechnique où j’avais été envoyée, minuscule jeune recrue, pour couvrir cette prise d’otage dont on ne savait pas que c’était, en fait, une tuerie de femmes qui avaient pas mal mon âge.

Ces larmes, elles étaient là aussi le lendemain et durant les jours, les semaines, les mois, les années qui ont suivi chaque fois qu’il était question du drame.

«  As-tu de la misère à en parler  ?  », m’a demandé quelqu’un récemment, avant de chercher une façon, n’importe quoi, pour me réconforter. Ça a fini par : «  Veux-tu un brownie vegan  ?  » 

Oui, je veux bien. La vie, c’est ça aussi. Heureusement. De petits gestes qui réchauffent à 1000 BTU.

Mais pour vous répondre, oui, j’ai du mal à en parler.

Oui, je suis triste dès qu’il est question du 6 décembre, même souvent quand j’arrive au carrefour de la côte de Polytechnique et de Decelles. Quand je dois aller à Polytechnique pour je ne sais quelle raison.

Et il n’y a pas de fond à cette tristesse, on dirait.

***

J’ai appelé Rose-Marie Charest, l’ancienne présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, pour en parler.

Je lui ai posé la question.

Pourquoi ai-je tant mal  ?

Elle m’a suggéré de chercher à l’écrire au crayon sur du papier blanc.

On a jasé.

Elle m’a trouvé des mots que je savais déjà. Mais c’est toujours rassurant, réconfortant, de savoir qu’on n’est pas seule à les manipuler, si souvent avec des pincettes.

J’ai compris avec les années, à force d’y penser, que l’immensité de ma peine n’est pas née le 6 décembre.

Elle est née un peu, beaucoup, chaque fois que j’ai fait face à des injustices liées au fait que je suis une femme. (Oui, père chose en 5e secondaire, c’est à vous que je pense ici, entre autres, à cause de la fois où vous m’aviez mise dans le cours de math facile en me disant que c’était parce que j’étais une fille, même si mes moyennes étaient excellentes.)

Elle est née un peu plus chaque fois que j’ai été agressée, chaque fois que j’ai été victime de harcèlement, parce que oui, ça m’est arrivé à #moiaussi. 

Cette peur, cette peine, elle s’est même incrustée un peu plus quand je suis allée chercher de l’aide, des appuis, des réconforts à travers toutes ces épreuves, et que je n’ai rien reçu en retour. 

Comprenez-moi bien, tout cela ne m’a jamais découragée d’avancer, de me battre, d’être féministe à travers des époques où c’était rare de le dire à haute voix comme je l’ai toujours fait.

Mais je suis arrivée le 6 décembre avec tout ça dans mon cerveau et mon cœur pour constater qu’un gars avec un fusil avait décidé de nous tuer.

Nous, les jeunes femmes qui voulaient vivre l’égalité.

C’était un terroriste. Un vrai.

Avec un ordre du jour politique très clair écrit dans une lettre.

Faire peur.

Assassiner le féminisme, tel qu’incarné par des jeunes femmes qui voulaient tout simplement être ingénieures. Des femmes à qui la société, leurs familles, leurs pairs, le système d’éducation, le Canada au grand complet avaient pourtant promis que c’était possible.

Lui est arrivé en disant que non, pas d’affaire. Et 14 femmes ont payé de leur vie pour que son terrifiant message soit entendu haut et fort.

Ça a fait mal, mais mal…

***

Ce qui a fait très mal aussi, c’est ce qui s’est passé le 7 décembre. Aujourd’hui, mais il y a 30 ans. Le lendemain.

Ce jour-là, on a commencé à entendre des gens, surtout des hommes, mais aussi des femmes, nous dire que ce qui s’était passé était bien plus psychiatrique que sociologique.

Des gens que j’adore et que je respecte m’ont tenu ce discours. M’ont dit qu’il n’y avait aucune leçon, conclusion, constatation plus vaste à tirer de cette tragédie immonde que le fait que c’était le geste d’un fou. Un fou solitaire et isolé du monde dans ses troubles mentaux.

Heureusement, par la suite et surtout depuis le mouvement #metoo, le monde s’est ouvert les yeux.

La société a commencé à nous croire et à comprendre l’ampleur du sexisme infiltré partout dans nos vies.

On a bien fini par le voir qu’il y avait un immense carrefour de violence entre l’axe des inégalités grandes et petites du quotidien et l’axe psychiatrique qui fait que certaines personnes deviennent violentes ou prennent carrément les armes.

Mais en 1989, on l’a nié beaucoup. Des disputes et encore plus de larmes ont suivi.

Et finalement, le geste terroriste a eu son effet.

Il a détraqué les discussions, l’avancement.

Une bombe est tombée sur nos consensus, notre cheminement, notre sentiment de sécurité créé par le fait que l’égalité soit garantie par la Charte des droits. Le tueur nous a fait comprendre que notre droit à l’égalité s’arrêtait là où commençait le canon de son fusil. Et le déni de notre souffrance dans tant de discussions sur la place publique nous a fait comprendre que le poids de notre liberté de parole disparaissait là où commençait celui des gens au pouvoir. Vraiment au pouvoir.

Le tueur a installé une nouvelle peur.

***

Ces jeunes femmes de mon âge je ne les connaissais pas, mais c’était mes sœurs, mes amies, mes voisines, les filles avec qui je suis allée au camp, à l’école, à l’université, mes jeunes collègues. C’était toutes les filles que j’ai croisées dans ma vie. Elles auraient aujourd’hui mon âge. 

J’ai connu après coup Suzanne Edward, la mère d’une des victimes, Anne-Marie Edward. On s’est liées d’amitié. J’ai croisé aussi Nathalie Provost, une blessée, avec qui j’ai jasé, chaque fois, comme si on s’était toujours connues. 

Aujourd’hui, j’ai envie de les voir, de les serrer, comme on garde probablement des liens profonds avec ceux qui ont partagé notre bateau de sauvetage dans un naufrage. 

Ça n’enlèverait pas la douleur. Bien sûr que non.

Mais parfois, on cherche les liens où on sait, sûr sûr sûr, qu’il n’y aura jamais la peur.

Tuerie de Polytechnique  30 ans plus tard

« Permettez-nous de vous aimer, toujours »

Éternellement jeunes femmes, victimes d’un féminicide impossible à oublier. Pour le 30e anniversaire de la tuerie de l’École polytechnique, 14 faisceaux lumineux ont à nouveau illuminé le ciel de Montréal vendredi soir pour souligner leur mémoire, en présence de membres de leurs familles, du public et de nombreux dignitaires. Et en cette commémoration toute particulière, le premier ministre Justin Trudeau a saisi l’occasion pour remettre de l’avant la délicate question du contrôle des armes à feu.

Vibrants témoignages

Première à prendre la parole, la gouverneure générale du Canada, Julie Payette, a ému la foule en rappelant qu’elle aussi était étudiante en génie, en décembre 1989. « J’étais à l’université, comme elles. Par choix, tout simplement. J’étais là non pas pour changer les statistiques ou défier les normes, ni par idéologie ou militantisme. J’étais là parce que j’aimais la profession et je voulais en faire une carrière. […] À la violence verbale et écrite que nous voyons si souvent dans les médias, dans les réseaux sociaux, que l’on entend, on se doit de dire non. […] Nous devons nous opposer [à la violence] pour que ces magnifiques jeunes femmes ne soient pas mortes en vain », a-t-elle poursuivi. Sœur de l’une des victimes (Geneviève Bergeron) et présidente du Comité Mémoire, Catherine Bergeron a d’abord parlé d’une « peine d’amour » pour décrire les événements d’il y a 30 ans. « Je me souviens que les histoires de vie de ces 14 femmes ont façonné notre histoire. Nous ne sommes pas elles, mais nous sommes assurément faits d’elles. […] Les 14 faisceaux qui s’allument nous disent où nous sommes. Mais surtout où nous en sommes. En cette 30e année de commémoration, nous devons nous promettre d’être les gardiennes et les gardiens vigilants de la place des femmes dans la société. Les lumières qui s’allumeront une à une vous sont dédiées, mesdames. Du fond du cœur, permettez-nous de vous aimer, toujours. »

Personnalités politiques

Présents à la cérémonie sur le belvédère Kondiaronk du mont Royal, animée par l’actrice et productrice Karine Vanasse, qui était de la distribution du film Polytechnique (2009), les premiers ministres canadien et québécois ont tenu à rappeler qu’encore aujourd’hui, un tel drame était possible. « Il a 30 ans ce soir, 14 femmes ont été tuées par un homme parce qu’elles étaient des femmes. Trente plus tard, nous avons encore beaucoup de travail à faire pour lutter contre la misogynie et la violence fondée sur le sexe », a dit Justin Trudeau. « Il y a 30 ans, le Québec a été attaqué dans l’une de ses valeurs les plus fondamentales : l’égalité entre les hommes et les femmes, a souligné François Legault. Ce soir, tous ensemble, nous avons un devoir de mémoire. Un devoir d’être unis, de ne jamais baisser la garde et de défendre cette valeur fondamentale. » De son côté, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a souligné qu’il était important de se souvenir, mais aussi d’agir pour « que plus jamais un geste comme celui-là, un attentat contre des femmes, ne se reproduise. Pour celles et ceux qui nous regardent, en ce moment, tous réunis, cela démontre notre solidarité, et aussi une volonté d’agir. Nous avons tous une responsabilité dans les petits gestes au quotidien pour combattre le sexisme ».

Un événement rassembleur

Outre les familles et proches des victimes, des personnalités politiques et publiques, ainsi que quelques centaines de personnes se sont rendues au mont Royal pour rendre hommage aux 14 victimes de ce drame qui a secoué et marqué à jamais le Québec. Phil Jones et sa femme tenaient à assister à cette 30e commémoration, eux qui étaient présents à la première. « J’ai deux filles qui étaient toutes petites le jour du drame, dit M. Jones. Nous avons été anéantis par cet événement. Trente ans plus tard, il y a encore trop de misogynie. Il faut faire quelque chose pour combattre cela, il faut nous battre pour elles. C’est pour ça que nous sommes là. » Ingénieure et employée de l’École polytechnique, Céline Roehrig a souligné qu’« en tant que femmes, en tant qu’ingénieures, on ne peut qu’être touchées. Chaque année, depuis que je travaille à l’École polytechnique, je souligne l’événement. Être ici ce soir est une forme d’affirmation ». 

Contrôle des armes à feu

À la fin de sa courte allocution, le premier ministre Justin Trudeau a vivement fait réagir les centaines de personnes présentes en réitérant son intention de « renforcer le contrôle des armes à feu en éliminant et en interdisant les armes à feu de style militaire ». « Je pense qu’il est temps qu’on agisse. Ça fait 30 ans que l’on parle du contrôle des armes à feu. Et là, nous avons décidé d’agir. Il y a un consensus au Canada à savoir que nous devons interdire les armes d’assaut. Et c’est exactement ce que nous allons faire », a ajouté Mélanie Joly, ministre du Développement économique, en entrevue avec La Presse. Le premier ministre François Legault s’est dit quant à lui heureux d’entendre M. Trudeau prendre « cet engagement devant plusieurs personnes ». Dans un contexte de gouvernement minoritaire à Ottawa, M. Legault a affirmé à La Presse que son gouvernement allait « essayer d’aider » celui de Justin Trudeau sur cet enjeu. 

D’un océan à l’autre

Des établissements de partout au Canada qui offrent des programmes de génie ont également tenu à souligner le 30e anniversaire du drame. Que ce soit l’Université de la Colombie-Britannique, à Vancouver, le Collège militaire royal de Kingston, l’Université Laval, à Québec, ou l’Université Dalhousie, à Halifax, tous ont joint leurs voix en soutien aux familles des victimes. « Cet attentat antiféministe, qui a ébranlé le pays tout entier et qui a connu un fort retentissement hors de nos frontières, demeure encore incompréhensible aujourd’hui. Trente ans plus tard, la volonté de Polytechnique d’honorer la mémoire des victimes perdure. En commémorant ce douloureux événement, elle tient aussi à saluer le courage, la solidarité et le dévouement dont les membres de sa communauté ont fait preuve », a de son côté écrit l’École polytechnique de Montréal sur la page d’accueil de son site internet. 

Les élus à Québec parlent d’espoir

Les leaders des quatre partis politiques ont rendu hommage vendredi aux 14 femmes assassinées lors de l’attentat antiféministe du 6 décembre 1989 à l’École polytechnique. Pour l’avenir, ils ont promis de ne « jamais baisser la garde », mais ils ont aussi témoigné de leur fierté face à la génération montante de femmes leaders qui brillent dans notre société. 

« Ce qui m’encourage, c’est de voir toutes ces femmes brillantes […]. Ça me rend confiant en l’avenir de voir qu’il n’y a jamais eu autant de femmes compétentes, de femmes décidées, qui n’ont pas peur d’avoir de l’ambition. C’est la meilleure réponse qu’on pouvait donner au 6 décembre 1989 », a dit le premier ministre François Legault, vendredi.

« Imaginez [à l’époque] ces parents regarder leurs filles partir pour l’université le matin. Ils étaient tellement fiers de leurs filles qui allaient devenir ingénieures. Ça prenait de l’audace, parce qu’en 1989, à peine 5 % des ingénieurs étaient des femmes », a rappelé le chef libéral, Pierre Arcand.

« “Plus jamais.” Nous l’avons dit la main sur le cœur, en espérant, en priant dire vrai. Pour toujours. Puis nous l’avons répété encore et encore. Plus jamais, sauf pour les 605 femmes assassinées au Québec entre 1997 et 2015. Sauf pour les femmes autochtones disparues ou assassinées. Plus jamais, sauf pour les 12 femmes tuées en 2018 par leur conjoint ou leur ex. Une par mois, comme à toutes les années depuis trop longtemps », a déploré la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé. 

« J’aurais pu être elles, elles auraient pu être moi. Elles auraient pu voir qu’après le choc, on s’est relevées. On a osé tranquillement mettre des mots sur la tragédie, comme enfin “attentat” et “féminicide”. On a milité, on a obtenu un registre des armes à feu. On a élu une première première ministre », a également souligné la péquiste Véronique Hivon. 

— Hugo Pilon-Larose, La Presse

Interdiction du Ruger Mini-14

La peur de la ruée vers l’arme

Ottawa — Si le gouvernement ne bannit pas immédiatement l’arme qu’a utilisée Marc Lépine lors de son carnage à Polytechnique et d’autres du même type, c’est par crainte qu’il y ait une ruée pour s’en procurer avant leur interdiction, dit le ministre Bill Blair.

Une rumeur voulant qu’Ottawa s’apprête à annoncer la prohibition du Ruger Mini-14 a circulé vendredi dans les corridors du parlement, après que Justin Trudeau eut évoqué dans un discours l’intention d’interdire « le type d’arme utilisé à l’École polytechnique ».

Surtout que le ministre Marc Garneau avait affirmé peu avant, en mêlée de presse, que « personnellement », il ne voyait aucune raison de justifier que l’arme utilisée par le tireur du 6 décembre 1989 continue à circuler dans les rues du pays.

Le ministre de la Sécurité publique a cependant remis les pendules à l’heure après la période des questions : le fédéral planche sur une liste d’armes d’assaut de style militaire dont la circulation sera interdite au Canada, mais elle n’est pas encore prête.

Et d’ici à ce qu’un décret ministériel soit pris, on ne communiquera pas publiquement les types d’armes qui feront l’objet d’une prohibition. Jusqu’à présent, le gouvernement en a déterminé un seul dans sa plateforme électorale : l’AR-15.

« Lorsque la liste sera rendue publique, on connaîtra très clairement les armes qui feront l’objet d’une interdiction. Mais ce dont je ne veux pas, c’est que des personnes se dépêchent d’acheter ces armes avant la publication de la liste. »

— Bill Blair, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

En mai dernier, avant que les libéraux ne fassent précisément mention de l’AR-15, le lobby proarmes avait fait circuler la rumeur que la prohibition était imminente, ce qui avait fait bondir les ventes dans les armureries du pays, comme l’a rapporté La Presse le 31 mai 2019.

Dans la plateforme électorale libérale de 2015, on promettait de « débarrasser nos rues des armes de poing et des armes d’assaut ». Il aura fallu attendre trois ans avant qu’une consultation ne soit lancée ; les résultats de l’enquête sont venus en avril dernier.

L’interdiction ne fait pas l’unanimité

L’interdiction des armes d’assaut de style militaire ne passe pas nécessairement comme une lettre à la poste au caucus libéral – car cela pourrait avoir des coûts politiques, tout comme ce fut le cas pour le registre des armes d’épaule, a reconnu une libérale.

« C’est évident. C’est évident, et c’est légitime », a laissé tomber la députée québécoise Alexandra Mendès lorsqu’on lui a demandé si certains de ses collègues s’opposaient à cette mesure de peur de perdre leur siège aux prochaines élections.

Comme partout au pays, les élus libéraux ne sont pas unanimes sur cette question et, s’« il y a des opinions plus fortes que d’autres », « on est plusieurs » à penser que le Ruger Mini-14 devrait être proscrit au Canada, a indiqué l’élue en mêlée de presse.

« Je suis l’une de ces personnes qui croient que les armes appartiennent aux forces de l’ordre, un point c’est tout. » 

— Alexandra Mendès, députée québécoise

Mme Mendès a ajouté n’avoir « jamais compris pourquoi on est revenus en arrière en éliminant le registre des armes à feu ».

Le registre adopté en 1995, sous le gouvernement de Jean Chrétien, a été enterré en 2012 sous les conservateurs de Stephen Harper. Il avait vu le jour en grande partie en raison des pressions exercées dans la foulée de la tragédie de Polytechnique.

Sur l’échiquier politique actuel à Ottawa, le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et le Parti vert appuient l’idée d’interdire les armes d’assaut. Des partis représentés aux Communes, le Parti conservateur est le seul à s’y opposer.

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