La faute du gouvernement ?

« L’austérité, ça tue », lance Amir Khadir, député de Québec solidaire.

« Le ministre [Gaétan Barrette] essaie de faire porter le blâme sur n’importe qui et il refuse de reconnaître que le problème, c’est d’avoir privé un hôpital d’un service de base. »

Comme lui, Diane Lamarre, porte-parole du Parti québécois en matière de santé, réclame une enquête publique.

On peut se demander, dit-elle, si la bavure n’est pas une conséquence « du désir de M. Barrette de tout contrôler ».

Le ministre Barrette a nommé les dirigeants d’organismes, dit-elle, mais sous eux, les équipes de direction ne sont toujours pas choisies. En raison de l’entrée en vigueur du projet de loi 10, signale-t-elle, le centre hospitalier de St. Mary n’avait plus de conseil d’administration quand la décision de ne plus procéder à certaines opérations vasculaires a été prise.

« Qu’est-ce qui explique la décision de ne plus réaliser certaines opérations à St. Mary ? Est-ce les compressions budgétaires ? L’absence d’un conseil d’administration, qui aurait pu empêcher qu’on modifie la mission de l’hôpital ? […] Est-ce que le décès malheureux d’un patient est, d’une quelconque manière, lié à cette décision et à la confusion qui s’en est suivie ? Pourquoi les dirigeants de l’hôpital ont-ils tenté de faire porter toute la responsabilité des délais de transfert du patient au médecin qui était de garde, et à qui le droit d’opérer a été retiré ? »

BARRETTE SE DÉFEND

En entrevue avec La Presse jeudi, le ministre Gaétan Barrette a martelé que ce qui est arrivé n’a absolument rien à voir avec la réforme ni avec les compressions. « C’est un événement isolé, dramatique, dans lequel une décision a été prise. La question, ici, est de savoir si la bonne décision a été prise dans ce contexte. Ça s’arrête là. »

Une enquête du coroner est en cours. Le ministre Barrette le relèvera souvent en entrevue, disant qu’il ne peut d’aucune façon interférer avec cette enquête.

Néanmoins, son idée sur ce qui est arrivé est arrêtée.

« Si j’étais le coroner, je pourrais écrire le rapport maintenant. »

— Gaétan Barrette

Si les coupes n’ont rien à voir, à son avis, avec ce qui est arrivé, il reste qu’on est en présence d’un hôpital qui offrait le service de chirurgie vasculaire il y a quelques mois et qui a cessé de l’offrir, lui a souligné La Presse.

Non, on ne peut pas affirmer que l’hôpital offrait un service de chirurgie vasculaire, a-t-il répliqué.

« À St. Mary, il y avait un chirurgien de garde pour un service vasculaire présenté comme étant continu [mais] avec un seul jour sur quatre. Pas par mauvaise volonté, mais parce qu’il n’y avait qu’un seul chirurgien. »

Si l’hôpital s’est réorienté, dit le ministre Barrette, c’est strictement en se basant sur sa capacité ou non à « maintenir des services adéquats à la population, sept jours sur sept, 365 jours par année ».

Dans ces conditions, pourquoi, à son avis, Louise Ayotte, directrice des services professionnels du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, a-t-elle justifié la fermeture du service de chirurgie vasculaire par les compressions et par la réforme dans une lettre envoyée au personnel en novembre ?

Le ministre Barrette ne répond pas à la question, et explique ne pas pouvoir le faire en raison de l’enquête du coroner en cours.

Selon un médecin interviewé par CBC en janvier et qui a demandé l’anonymat, jamais jusqu’à l’année dernière l’éventualité d’une rupture de services n’avait été soulevée. Si le Dr Carl Émond n’était pas disponible, un confrère du réseau de McGill était dépêché rapidement au centre hospitalier de St. Mary.

Un autre confrère du Dr Émond, le Dr Gerald Van Gurp, qui a longtemps travaillé au centre hospitalier de St. Mary, a lui aussi défendu le Dr Émond. « Émond est un médecin de la vieille école très dévoué qui n’habite pas loin de l’hôpital. Je ne me souviens pas d’une seule fois où il n’est pas rentré quand il y avait une urgence. »

LE RÔLE DE LA CORONER

En entrevue avec La Presse, la Dre Krystina Pecko, coroner responsable de l’investigation, explique que son rôle ne sera pas de voir s’il y a eu faute professionnelle ou pas. Son rôle, c’est d’étudier les questions situationnelles. Elle se penchera notamment, dit-elle, « sur les politiques et procédures, sur la communication ». Cela inclut de voir, précise-t-elle, si les compressions ont joué ou pas un rôle dans cette situation.

Elle a entrepris son enquête et les choses vont rondement, dit-elle. Elle assure avoir une bonne coopération de toutes les parties jusqu’ici.

Le Collège des médecins signale qu’il ne peut ni confirmer ni infirmer qu’une enquête officielle est en cours concernant un ou des médecins qui ont vu Mark Blandford. 

— Avec Denis Lessard

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