Jeux vidéo

Comment Ubisoft a inventé trois nouvelles langues

Ubisoft lancera demain Far Cry Primal, un jeu pour lequel ses créateurs ont poussé l’audace jusqu’à inventer rien de moins que trois nouvelles langues.

Primal est le nouvel épisode d’une série qui a pris bien du galon dans l’univers du jeu vidéo récemment, plus particulièrement depuis Far Cry 3, en 2012.

Traditionnellement campée dans des univers sauvages, mais actuels, la série se déplace cette fois 10 000 ans avant Jésus-Christ, ce qui a nécessité des efforts de création importants, notamment sur le plan du langage employé par les personnages.

« On a commencé avec un anglais simplifié, mais ça ne marchait pas », raconte Jean-Sébastien Decant, directeur narratif du jeu.

Les recherches historiques des créateurs les ont menés vers l’indo-européen commun, une langue préhistorique que l’on estime être à la base de la grande majorité des langues du Vieux Continent. De là, on a créé trois nouvelles langues qu’ont adoptées les trois tribus préhistoriques présentes dans le jeu.

C’est un linguiste de l’Université du Kentucky, Andrew Bird, spécialiste de l’indo-européen commun, qui a dirigé la création de ces langues.

« Quand Ubisoft m’a contacté au départ, je pensais que c’était un pourriel. »

— Andrew Bird, linguiste spécialiste de l’indo-européen commun

En tout, le dictionnaire développé par M. Bird et son équipe compte environ 1250 mots, qui servent à alimenter des conversations totalisant environ 40 000 mots. Et selon Ubisoft, il est fort probable que les joueurs finissent par être à l’aise dans ces langues, conçues pour être assez faciles à mémoriser, d’autant plus que tout est sous-titré.

« Au départ, certains de nos mots étaient trop longs, admet M. Bird. Il a fallu s’asseoir avec l’équipe de production pour déterminer quelle était la longueur maximale. Nous avons déterminé qu’il y aurait un maximum de quatre syllabes. »

« Les mots créent aussi des délais dans la livraison des émotions par les acteurs », ajoute M. Decant.

Parlant des acteurs, leur tâche n’a pas été simple. En plus d’apprendre de nouvelles langues et d’être capables de rendre des émotions dans celles-ci, ils ont dû réapprendre à bouger.

« Dès qu’on leur disait “préhistoire”, les acteurs allaient tous vers le simiesque, affirme M. Decant en imitant un gorille. Mais en 10 000 avant Jésus-Christ, ce n’était plus ça. Il a fallu embaucher Terry Notary, un spécialiste du mouvement. Chaque tribu bouge différemment. »

Pour les acteurs, l’adaptation allait jusqu’à devoir éviter de hocher la tête pour signifier son accord, puisque ce geste aujourd’hui instinctif ne serait apparu que plus tard dans l’histoire humaine.

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