Recherches

Des contaminants dans le lait maternel

Vous estimez offrir le meilleur à votre bébé en lui donnant le sein. Le meilleur, certes. Mais, sans le vouloir, vous lui transmettez aussi des substances toxiques qui pourraient avoir des effets néfastes sur sa santé.

Plusieurs recherches, dont une réalisée par l’Université Harvard en 2015, et publiée dans le journal Environmental Science & Technology, ont démontré la présence de contaminants toxiques, comme l’acide perfluorooctanoïque (APFO), chez des nourrissons allaités.

L’APFO est un composé perfluoré difficilement éliminé par le corps, signale Marc-André Verner, professeur au département de santé environnementale et santé au travail de l’Université de Montréal. « Il s’accumule pendant des années dans le sang de la mère et passe de la glande mammaire au lait maternel au moment de l’allaitement », explique-t-il.

Étant donné le poids du bébé, l’APFO se retrouve, au bout de six mois d’allaitement, à des concentrations quatre fois plus élevées chez le nourrisson que chez l’adulte. Le bébé serait ainsi plus exposé à ces produits chimiques que sa mère.

Des effets inquiétants

Le Canada n’a jamais été producteur d’APFO, mais les États-Unis l’ont produit et utilisé à grande échelle pour ses propriétés imperméabilisantes et antitaches dans plusieurs produits par le passé, dont les poêles antiadhésives, les emballages de maïs soufflé pour le micro-ondes, les tapis, les vêtements et les produits de soins personnels.

Depuis 2016, son utilisation est interdite chez nos voisins. Des traces dans l’environnement restent, toutefois. De ce côté-ci des frontières, on en trouve encore dans l’eau potable, la nourriture, la poussière des maisons et d’anciens produits de consommation.

La majorité des individus ont une concentration minime d’APFO dans le sang. Toutefois, même à ces concentrations, ce produit chimique peut avoir des effets néfastes sur la santé, d’après les résultats d’enquêtes épidémiologiques menées aux États-Unis et au Canada.

On l’associe à des problèmes du système reproducteur et du système immunitaire. Chez le nourrisson ou le fœtus, il pourrait engendrer un petit poids à la naissance et des retards de croissance. Des études laissent également supposer qu’il diminuerait la réponse à la vaccination.

L’allaitement, toujours un bon choix

Il n’y a pas lieu de contester l’allaitement pour autant, précise le chercheur de l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal, qui a dirigé une récente étude visant à mesurer les taux d’exposition acceptables à l’APFO. « L’allaitement est toujours recommandé. Notre objectif est plutôt d’arrêter l’exposition aux contaminants avant qu’ils se rendent dans le corps de la mère. »

Sur la base des recherches menées par l’équipe de l’Université de Montréal, une concentration convenable dans l’eau potable se situerait entre 2 et 14 ppt (nanogrammes par litre). Or, la valeur admise par Santé Canada est de 200 ppt.

La limite établie par l’agence canadienne ne tient pas compte de l’exposition du fœtus à l’APFO durant la grossesse ou lors de l’allaitement, indique le chercheur. Nos institutions sont-elles trop permissives ? « À la lumière des conclusions de notre étude, la réponse est oui », affirme-t-il, en encourageant la poursuite de recherches pour mieux comprendre les répercussions des contaminants persistants sur la santé publique.

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