Opinion Jocelyn Coulon

Macron en fait-il trop ?

Emmanuel Macron vient de terminer une visite aux États-Unis où sa rencontre avec Donald Trump a été marquée par le faste d’un dîner d’État exceptionnel et par les marques d’amitié, presque d’affection, échangées entre les deux hommes.

Le président français veut redonner à la France un rôle central dans les affaires du monde. Depuis son accession au pouvoir il y a exactement un an, Macron est sur tous les fronts : la Russie, la Syrie, l’Iran, les États-Unis, l’Union européenne, et l’Afrique, continent trop souvent oublié en Amérique, où se jouent pourtant d’importants enjeux de paix et de sécurité.

La visite aux États-Unis s’inscrivait donc dans cet activisme diplomatique où Paris lance à tout moment de nouvelles initiatives afin de faire bouger les lignes, de modifier les comportements, d’ouvrir des canaux de communications jusqu’ici bouchés. En ce sens, Macron ressemble beaucoup à son homologue américain. Il étonne, il bouscule, il surprend.

Le président français arrive de plus à un moment où l’époque se prête au rôle qu’il veut donner à la France sur la scène mondiale. Le Royaume-Uni est paralysé par sa sortie de l’Europe, l’Allemagne se cherche toujours un rôle à la mesure de sa puissance économique, la Russie joue les trouble-fête, la Chine reste discrète, et les États-Unis amorcent un repli doublé d’une volonté d’en découdre avec ses principaux partenaires commerciaux.

La géopolitique ayant horreur du vide, Macron s’y engouffre. Il a des idées, il a la volonté, il a des ressources. En même temps, on peut raisonnablement se demander si Macron n’en fait pas trop, compte tenu de la puissance réelle de la France et des intérêts bien sentis des autres puissances.

Jeu d'équilibre

Ainsi, entre les États-Unis et la Russie, il tente un équilibre même si la balance penche vers les premiers. En Syrie, Paris n’a pas hésité à emboîter le pas à Washington et à participer aux bombardements de quelques bâtiments soupçonnés d’abriter des usines de fabrication d’armes chimiques.

L’opération militaire a été perçue comme un message lancé directement à l’Iran et à la Russie, alliés du président syrien. En même temps, Macron a toujours gardé le contact avec le président Poutine, lui téléphonant quelques heures avant l’attaque. Ceci explique sans doute la faible réaction de la Russie.

Sur l’accord concernant le programme nucléaire iranien, autre dossier chaud, Macron a cette fois rallié le camp russe. Il a plaidé auprès de Trump pour que les États-Unis respectent leur signature au moins jusqu’en 2025, date à laquelle l’accord vient à échéance. Là encore, le président français a pris soin de discuter du dossier avec son homologue russe avant de s’envoler pour les États-Unis.

Ce jeu d’équilibre donnera-t-il des résultats ? Sur le nucléaire iranien, on le saura le 12 mai au moment où les États-Unis doivent décider s’ils se retirent ou non de l’accord. 

Quant à la Syrie, la France a déposé au Conseil de sécurité une résolution détaillant pour la première fois un plan de paix global.

Entre les États-Unis et la Russie, il y a l’unité européenne, le dossier qui sans doute tient le plus à cœur au président français. Défenseur d’un programme pro-européen pour lequel il a été élu, Macron nage dans une mer d’eurosceptiques. Le Royaume-Uni quitte en effet l’union l’an prochain, et de plus en plus de pays sont gouvernés par des partis populistes dont l’attachement à l’Europe se délite. Le président a beau multiplier les discours et avancer des idées concrètes sur la nécessité de préserver le « miracle européen », tout son art oratoire n’arrive pas à convaincre les intéressés. C’est son plus grand défi.

Macron est un des rares leaders occidentaux à faire preuve d’audace et de courage. Il sera bientôt en Russie pour poursuivre son dialogue avec Poutine. L’Iran est aussi sur son chemin. Partout le même message : discutons afin de parvenir à des solutions. C’est bien, même très bien. Il faut maintenant des résultats.

* Jocelyn Coulon vient de publier Un selfie avec Justin Trudeau – regard critique sur la diplomatie du premier ministre, chez Québec Amérique.

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