Québec débloque 1 million pour affronter l’« ouragan social »
Québec — Les dénonciations en rafale d’agressions sexuelles des derniers jours sont un « ouragan social » face auquel des « mesures exceptionnelles » s’imposent, a affirmé la ministre responsable de la Condition féminine Hélène David, hier. Anticipant que d’autres victimes se manifesteraient sous peu, Québec a débloqué 1 million pour aider les organismes communautaires à les appuyer.
Depuis le début de la semaine, de nombreuses victimes ont livré des témoignages percutants, accusant tour à tour Éric Salvail, Gilbert Rozon et Gilles Parent de les avoir agressées sexuellement. Ces révélations s’inscrivent elles-mêmes dans le sillage de l’affaire Harvey Weinstein, qui ébranle l’industrie du spectacle américaine.
« Nous sommes devant une situation exceptionnelle, a dit Mme David. Et à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles pour répondre immédiatement à ce qu’on pense être une augmentation des besoins par rapport à l’accompagnement. »
Mme David s’attend à ce que les dénonciations se multiplient « immédiatement » au Québec. Avec la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, elle a annoncé un fonds d’urgence de 1 million pour aider les organismes communautaires à composer avec la demande accrue.
La somme pourrait, par exemple, permettre à des groupes d’embaucher davantage de personnel ou d’allonger leurs heures d’ouverture.
« C’est quelque chose de dévoiler, de faire un hashtag, c’est une autre chose que d’être accompagné, a dit la ministre. Alors, il faut accompagner les gens qui le souhaitent. »
« C’est une sorte d’ouragan social auquel on fait face. Et cet ouragan social apporte généralement – et ça a déjà commencé – des demandes et des dévoilements. »
— Hélène David, ministre responsable de la Condition féminine
Il y a un an, le gouvernement Couillard a annoncé une stratégie pour contrer les violences sexuelles. Le plan en 55 actions comprenait une enveloppe globale de 200 millions sur cinq ans, mais ce budget ne prévoyait que 26 millions d’argent frais.
Le million supplémentaire annoncé hier constitue une mesure « à court terme ». Mais Mme David n’écarte pas la possibilité d’augmenter le financement des organismes communautaires de manière permanente.
Hausse des demandes d’aide
Les organismes communautaires observent déjà une recrudescence des appels, comme ce fut le cas dans la foulée du scandale qui a emporté l’animateur Jian Ghomeshi et, plus récemment, celui qui a touché le député Gerry Sklavounos.
C’est le cas à La Traversée, groupe d’aide aux victimes d’agressions sexuelles sur la Rive-Sud de Montréal. Or, cet organisme était déjà débordé. Sa liste d’attente compte 72 femmes et 30 enfants. Les victimes qui s’y présentent doivent attendre jusqu’à un an et demi avant d’être prises en charge.
L’organisme fonctionne avec un budget annuel d’environ 700 000 $, indique son directeur général, Philippe Angers. Il calcule qu’il lui faudrait à lui seul 400 000 $ – 40 % de l’enveloppe annoncée hier – pour éliminer rapidement ses listes d’attente.
« C’est sûr que ce n’est pas énormément d’argent, a convenu M. Angers. Il y a plusieurs autres organismes comme nous. Ce n’est pas énorme. »
La coordonnatrice du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, Maude Chalvin, rappelle que le milieu communautaire réclame 5 millions de plus chaque année pour faire face à la demande. Elle s’est réjouie de l’ouverture de Québec à réviser le financement des organismes.
« Elles ont tout à fait raison de penser qu’il va y avoir une hausse de la demande, a indiqué Mme Chalvin. Hier, on était en rencontre, il y avait des intervenantes d’une trentaine de centres différents, et on remarquait déjà une hausse des demandes, particulièrement des jeunes. »
Ils ont dit
« On est en train de vivre un changement social important. Des personnes en autorité, des personnes populaires, des personnes qui se croyaient dans une zone d’impunité apprennent que des gestes inacceptables seront désormais inacceptés. »
— Jean-François Lisée, chef du Parti québécois
« On est profondément choqués. On est ébranlés. Ça ne s’explique pas, ce genre de comportement. Il faut que les individus qui sont en position d’autorité et qui commettent ce genre de gestes paient pour ce qu’ils ont fait, paient pour ce qu’ils ont commis. »
— Simon Jolin-Barrette, député de la Coalition avenir Québec
« Il y a de sérieux problèmes au niveau du processus qui amène les femmes à pouvoir avoir un sentiment de justice par rapport à ce qu’elles ont vécu. Il y a des actes qui sont criminels, et le processus nous démontre clairement, depuis des années, qu’il ne favorise pas les victimes d’agressions sexuelles, de violence faite aux femmes de façon générale. »
— Manon Massé, députée de Québec solidaire