Éditorial

Le soleil brillera-t-il pour Hydro-Québec ?

Que diable vient faire Hydro-Québec dans l’énergie solaire alors qu’elle nage dans les surplus d’énergie propre ? C’est la première réaction qui vient à l’esprit à la suite de la décision de la société d’État de construire un parc solaire de 100 MW dans le sud de la province. Pourtant, même si des questions se posent, la décision d’Hydro de se tourner vers le soleil est loin d’être farfelue.

Il est facile de trouver des arguments contre le projet d’Hydro-Québec. La société d’État prévoit générer des surplus d’électricité pour au moins les 10 prochaines années. Il n’y a donc aucun besoin de nouvelle centrale électrique à moyen terme au Québec, qu’elle soit solaire ou autre.

Dans plusieurs pays comme les États-Unis et la Chine, l’énergie solaire est en forte croissance. C’est notamment parce qu’elle y remplace des sources de production polluantes et dispendieuses et génère donc des gains environnementaux ou économiques. Aucun de ces deux arguments ne tient chez nous. L’hydroélectricité nous fournit déjà de l’énergie propre, et encore à meilleur coût que celle qu’on pourrait tirer du soleil.

Autre point contre le solaire : la technologie des panneaux photovoltaïques est étrangère, notamment chinoise, et il serait très surprenant que le parc d’Hydro-Québec génère des occasions d’affaires importantes pour des entreprises québécoises.

Ces faits semblent plaider pour que le Québec passe sagement son tour devant la vague solaire. Mais c’est sans compter une situation qui change la donne : la volonté d’Hydro-Québec, annoncée il y a un an, de relancer ses activités internationales.

Propulsé par la baisse constante du coût des panneaux photovoltaïques, le boom international de l’énergie solaire est réel. En quatre ans, la production mondiale a plus que triplé. L’an dernier, un cinquième de la nouvelle capacité énergétique installée sur la planète provenait du soleil. Aux États-Unis et en Amérique du Sud, où Hydro-Québec dit vouloir faire des affaires, le solaire est en croissance. On peut comprendre la société d’État de vouloir construire un parc pour bâtir son expertise et sa crédibilité.

95 %

Croissance de la puissance solaire aux États-Unis en 2016

Il faut le dire clairement : l’aventure d’Hydro-Québec dans le solaire n’a rien à voir avec l’éolien. Dans ce dernier cas, la société d’État avait demandé à des promoteurs de développer des projets en leur promettant d’acheter leur électricité. On connaît la suite : Hydro s’est retrouvée à acheter à fort prix de l’énergie dont elle n’avait pas besoin, ce qui a contribué à la hausse des tarifs d’électricité.

Le parc solaire, au contraire, est un projet-pilote qui sera mené par la société d’État elle-même. « Le solaire sera développé par la division production et n’aura pas d’impact sur la division distribution et donc sur les tarifs », promet le porte-parole Marc-Antoine Pouliot.

Et il faut mettre les choses en perspective. La puissance du futur parc solaire équivaut à 3 % de la puissance éolienne installée au Québec… et à 0,04 % de la puissance totale du réseau d’Hydro-Québec.

Il reste que le projet coûtera environ 100 millions. Aurait-on pu faire encore plus petit ? Hydro-Québec rêve-t-elle en couleurs en pensant pouvoir s’imposer sur les marchés internationaux dans une technologie où d’autres acteurs sont déjà présents ? Ces questions se posent.

Le fait est cependant que la société d’État est à la croisée des chemins. Dans la province, ses possibilités de croissance sont limitées. Les ambitieux programmes d’efficacité énergétique qui devront bien finir par se mettre en place au Québec auront un effet sur la demande.

Ironiquement, le solaire à domicile, qu’Hydro-Québec prévoit compétitif avec ses tarifs dès 2024, incitera aussi les citoyens à s’équiper de panneaux photovoltaïques, ce qui risque aussi de diminuer l’appétit des Québécois pour son électricité.

Hydro-Québec a donc deux options : gérer la stagnation ou se tourner vers l’international, notamment en embrassant le solaire, pour chercher des occasions de croissance. Elle a choisi la deuxième voie. Encore ici, il est facile d’être sceptique. Le mois dernier, La Presse révélait qu’aucun projet d’acquisition à l’étranger n’a encore été jugé assez prometteur pour être soumis au conseil d’administration d’Hydro-Québec. Mais il semble bien tôt pour conclure à l’échec de la relance internationale, et il est sans doute préférable de voir Hydro-Québec attendre les bonnes occasions plutôt que de se précipiter sur la première venue.

Les tournesols se tournent vers le soleil pour croître. La décision d’Hydro-Québec de les imiter est certes un pari. Mais peut-on vraiment lui reprocher de faire un premier mouvement dans cette direction sans sombrer dans le défaitisme ?

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