Violence conjugale

De plus en plus de jeunes victimes

Depuis une dizaine d’années, la clientèle des maisons d’hébergement pour femmes rajeunit. Les moins de 30 ans qui vivent de la violence dans leur couple sont plus nombreuses à se tourner vers leurs services.

Augmentation rapide

En 2005-2006, les femmes âgées de moins de 30 ans représentaient 9 % de la clientèle des maisons d’hébergement pour femmes. En 2010-2011, cette proportion a grimpé à 18 %. Aujourd’hui, elles représentent près du tiers de la clientèle (29 %), selon des données fournies par la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, qui compte 109 établissements.

Entre 20 et 24 ans

À l’échelle canadienne, ce sont les personnes âgées de 20 à 24 ans qui ont affiché le taux le plus élevé de violence entre partenaires intimes (653,7 victimes pour 100 000 habitants ), selon des données de Statistique Canada datant de 2013.

Hausse des appels à l'aide

Chaque fois qu’une tragédie est médiatisée, les centres d’hébergement pour femmes reçoivent d’ailleurs plus d’appels de victimes ou de proches de victimes qui demandent de l’aide. Le meurtre de Daphné Boudreault n’y a pas fait exception. La maison pour femmes victimes de violence conjugale que Sylvie Langlais dirige en Montérégie a reçu quatre fois plus d’appels qu’à l’habitude dans les jours suivants le meurtre de la jeune femme de Mont-Saint-Hilaire.

des agresseurs tout aussi jeunes

Les organismes d’aide aux hommes violents voient aussi leur clientèle rajeunir depuis quelques années. Le tiers de la clientèle d’À cœur d’homme – un réseau de 29 organismes venant en aide aux hommes violents dans un contexte conjugal ou familial – a désormais moins de 30 ans. La banalisation de la violence dans l’espace public, notamment dans la pornographie, les vidéoclips et les jeux vidéo peut expliquer en partie le phénomène, croit le directeur général d’À cœur d’homme, Rémi Bilodeau. La majorité de ces jeunes hommes sont « judiciarisés ». Le Tribunal leur a ordonné de suivre une thérapie de gestion de la colère à la suite de leur arrestation.

manque de repères ?

Cela n’explique pas tout, affirme pour sa part Steven Bélanger, directeur général du centre Pro-gam – un autre organisme offrant des services d’aide aux hommes violents. « Les femmes sont aussi plus violentes qu’avant, soutient le psychologue d’expérience, et ce n’est pas toujours une violence de résistance dans un contexte de terrorisme conjugal, loin de là. » Les jeunes hommes d’aujourd’hui manquent de repères, ajoute M. Bélanger. « Ils idéalisent les vedettes avec des trains de vie souvent inatteignables et des valeurs parfois discutables plutôt que leur père ou leur professeur », croit le psychologue. La plupart des jeunes hommes envoyés par le Tribunal proviennent d’une famille dysfonctionnelle où la violence physique ou psychologique régnait, selon Clément Guèvremont de l’organisme Option.

des hommes « moins poqués »

Rémi Bilodeau d’À cœur d’homme observe cependant un changement important parmi sa jeune clientèle. « Les jeunes qui nous arrivaient il y a quelques années avaient des dossiers plus lourds, des parcours de vie très difficiles, décrit-il. Aujourd’hui, ils sont moins poqués. Ils viennent d’un bon milieu. Il ont un bon soutien familial. Ils sont plus éduqués, mais ils n’ont pas beaucoup de tolérance à la frustration et ils manquent d’habileté relationnelle. » Ces jeunes hommes arrivent en thérapie et ils disent : « Je ne me suis jamais fait dire non », explique M. Bilodeau.

Facebook comme arme

Après le meurtre de la jeune Daphné Boudreault à Mont-Saint-Hilaire, le psychologue Steven Bélanger du centre Pro-gam a visionné les deux vidéos qu’Anthony Pratte-Lops a publiées sur Facebook, où il déversait son fiel contre elle. « Je te souhaite tout le malheur du monde ! », lançait à la caméra celui qui est aujourd’hui accusé de meurtre prémédité.

L’impact d’une thérapie

Le risque de passage à l’acte diminue beaucoup lorsqu’on permet à quelqu’un d’exprimer son désespoir, fait valoir le psychologue. En 35 ans, après avoir vu des milliers d’hommes violents franchir la porte de son organisme, M. Bélanger affirme qu’un seul client – même si c’est un de trop – a assassiné sa conjointe après avoir suivi une thérapie.

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