ÉDITORIAL

Santé 2.0 :  le patient attend encore

Acheter un voyage organisé. Gérer vos finances. Échanger avec le service à la clientèle d’une entreprise. Vous pouvez faire tout cela, et bien davantage, sans sortir de chez vous, à l’heure qui vous convient, et ce, depuis des années. Il suffit d’un accès internet. Mais prendre rendez-vous chez le médecin ? Consulter votre dossier médical ou vos résultats de tests ? Communiquer avec votre clinique ou votre médecin par courriel ? Bonne chance !

Oui, il y en a qui utilisent les technologies de l’information pour faciliter la vie des patients. La question n’est pas là. La question, et le problème, c’est qu’ils sont encore l’exception.

Seulement 6 % des Canadiens ont accès à des informations sur leur santé (comme des résultats de laboratoire) par voie électronique, montre un sondage Harris Decima effectué cette année.

Les médecins sont à peine mieux lotis. Des dossiers médicaux électroniques ? De ce point de vue, on fait difficilement pire que nous. Le Canada arrive à l’avant-dernier rang des pays sondés par le Commonwealth Fund. Et quelle province arrive à l’avant-dernier rang au Canada ? Hé oui…

C’est dommage, parce que les patients, eux, sont très intéressés à utiliser les technologies de communication.

« Il y a un fossé significatif entre les services en ligne que les patients canadiens désirent et ceux qui leur sont offerts », a souligné récemment la première vice-présidente d’Inforoute Santé du Canada, Jennifer Zelmer, dans un séminaire web.

Ce fossé est apparu dès la conception des projets pharaoniques comme le DSQ (Dossier Santé Québec), qui visent à rendre les données des patients accessibles partout dans le réseau. Ce serait effectivement une bonne chose que les professionnels de la santé aient accès à vos informations de base (prescriptions, tests de labo et d’imagerie, etc.) peu importe où vous les consultez. Ça permettrait d’éviter des erreurs et des dédoublements, ainsi que des pertes de temps et d’argent. Mais si l’on prétend améliorer l’efficacité du système de santé, il faut inclure le patient. Or, c’est le grand oublié de ce virage technologique.

Vous voulez voir vos renseignements médicaux dans le fameux DSQ ? 

Impossible, toutefois, de le remplir en ligne. Vous devez obligatoirement l’envoyer par télécopieur ou par la poste.

Ça ne s’invente pas.

Évidemment, on peut toujours trouver des prétextes pour ne rien changer. La sécurité et la confidentialité ont le dos large. Laissons ça à d’autres et regardons plutôt ce qui se produit quand le système s’ouvre aux patients.

En Colombie-Britannique, près d’un demi-million de patients ont déjà accès à leurs résultats de labo en ligne. Et contrairement à ce qu’on aurait pu craindre, ils n’éprouvent pas plus d’anxiété lorsqu’ils en prennent connaissance par eux-mêmes. Ils ont aussi moins tendance à contacter le médecin ou la clinique dans l’attente des résultats, et ressentent moins le besoin de visiter leur médecin lorsqu’ils les reçoivent. Bref, tout le monde y gagne.

On a aussi demandé à des Canadiens qui ont accès à des services de santé en ligne ce que ça a changé pour eux. Résultat ?

Ce n’est pas étonnant. Ceux qui implantent des systèmes accessibles aux patients constatent souvent des retombées positives. Voici d’autres exemples canadiens donnés par Mme Zeller.

 – Des cliniques qui ont implanté un mécanisme de prise de rendez-vous électronique ont vu le nombre de rendez-vous manqués diminuer, grâce aux rappels envoyés automatiquement par le système.

 – Le portail internet MyChart, qui permet aux patients de l’hôpital Sunnybrook de gérer toutes sortes d’informations relatives à leur santé, a d’abord suscité des réticences au sein du corps médical, inquiet des effets sur la relation avec le patient. L’expérience s’est révélée tellement concluante que des médecins ont demandé que plus d’informations et de fonctions soient ajoutées.

Bref, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les craintes se dissolvent souvent au contact de la réalité. Mais pour en arriver là, il faut accepter de faire les premiers pas.

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