Critique

Fascinante thérapie familiale

DOCUMENTAIRE

Pinocchio D’André-Line Beauparlant

1 h 15

3 étoiles et demie

« J’ai choisi de voyager et de vivre mon rêve de bum à temps plein », raconte avec franchise Éric Beauparlant dans les premières minutes de Pinocchio, consacré au frère cadet de la directrice artistique (Incendies, Gaz bar blues) et réalisatrice André-Line Beauparlant, qui signe ici son quatrième documentaire.

Après Trois princesses pour Roland et Le petit Jésus, la documentariste explore une fois de plus l’intimité de sa famille et creuse afin de mieux cerner le personnage qu’est son frère. Un homme complexe, libre, sans aucune morale, mais néanmoins charismatique. Qui a tour à tour volé de braves gens sans vergogne, raconté les pires mensonges à ceux qui voulaient bien le croire, travaillé (ou pas) sur un bateau et croupi en prison au Brésil avant d’être expulsé au Canada.

Un peu comme Sarah Polley l’avait fait dans Stories We Tell, André-Line Beauparlant a puisé dans les archives familiales pour en extraire quelques photos et films de famille. On y voit un petit Éric heureux et insouciant au camping, dans la piscine, à Noël, en voyage. Mais également un jeune garçon déguisé en cowboy, fasciné par les trains. « À 7 ans, tu voulais déjà faire ça [voler des trains] », lui rappelle d’ailleurs sa sœur.

Appelés à se confier à la caméra, son père Jean, homme de peu de mots avec qui Éric n’a jamais été capable de communiquer, et sa mère Pierrette, écartelée entre son rôle de mère aimante et protectrice et son impuissance devant la situation, livrent de touchants témoignages. Souvent filmée de très près et sans artifices par Robert Morin qui cosigne la direction photo, la réalisatrice raconte généreusement, mais sans juger, son incompréhension, ses inquiétudes et ses questionnements à la caméra (« Est-ce qu’on est fraudeur à vie ? », « Est-ce qu’on a une morale ? », « Est-ce que tu es heureux ? »).

La réalisatrice, qui a travaillé sur ce film pendant sept ans, est allée au Brésil à la rencontre de son frangin.

Le montage parallèle, très efficace, alterne entre ces retrouvailles dévoilées par bribes, et les discussions téléphoniques avec un mystérieux homme. Celles-ci se transforment d’ailleurs en passionnante enquête. Qui est ce fameux Mark d’Ottawa qui réclame de l’argent à la famille, mais prétend être l’ami d’Éric ?

André-Line Beauparlant, qui tentait avec Pinocchio de mieux comprendre le mode de vie de son frère, n’a visiblement pas réussi à répondre à toutes ses interrogations. On sort donc de ce film trop court avec l’envie folle d’en apprendre davantage sur ce fascinant personnage.

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