Le français et l’anglais reculent
Le français perd du terrain…
« L’usage du français recule dans la sphère privée, et ce, tant dans l’ensemble du Canada qu’au Québec, principal foyer de la langue française au pays », a constaté Statistique Canada. Dans la province francophone, ce déclin s’observe à la fois sur le plan de la langue maternelle et sur celui de la langue parlée à la maison (respectivement de 79,7 à 78,4 % de 2011 à 2016 et de 23,8 à 23,3 %). « Le français est de plus en plus parlé conjointement avec une autre langue. Cette dernière observation reflète principalement la situation qui prévaut au Québec », a expliqué l’organisme. Dans l’ensemble du Canada, la population de langue maternelle française est passée de 22,0 à 21,3 % durant la même période.
… L’anglais aussi, sauf au Québec
Le poids démographique des Canadiens de langue maternelle anglaise diminue également à l’extérieur du Québec, la population anglophone représentait 72,9 % de l’ensemble de la population en 2016, en baisse de 1 point de pourcentage au cours des cinq dernières années. Le seul endroit où l’anglais n’a pas reculé est au Québec, où le poids relatif de la minorité de langue anglaise est passé de 13,5 à 14,5 % (une hausse d’environ 100 000 personnes) et où l’anglais est passé de 18,3 à 19,8 % en tant que langue d’usage à la maison. « Dans l’ensemble du Canada, la baisse du poids relatif de la population de langue maternelle anglaise est atténuée par la hausse observée au Québec », conclut Statistique Canada.
De plus en plus bilingue
Le Canada est aussi de plus en plus bilingue, et les deux tiers de cette croissance sont encore une fois attribuables au Québec, dont l’augmentation de 8,8 % (300 000 personnes bilingues de plus) correspond à 64 % de l’augmentation totale au Canada. L’organisme fédéral s’est réjoui de cette progression : « Témoignage de l’importance de la dualité linguistique canadienne, le taux de bilinguisme français-anglais au Canada est en croissance et atteignait 18,0 % en 2016. […] Le précédent sommet avait été observé en 2001 (17,7 %). » Le gros de cette augmentation est attribuable aux Canadiens de langue française, a noté Statistique Canada : le bilinguisme n’a augmenté que de 0,5 % chez les anglophones entre 2011 et 2016. On a tout de même observé une hausse de plus de 60 000 personnes bilingues chez les anglophones du Québec.
Diversité linguistique en hausse
Tout comme le bilinguisme, la diversité linguistique gagne elle aussi du terrain. On a observé une croissance de 14,5 % des Canadiens qui parlent une langue autre que le français ou l’anglais à la maison entre 2011 et 2016, soit près d’un million de personnes de plus. « Le nombre de personnes de langue maternelle française est en croissance au Canada. Toutefois, dans un contexte d’immigration diversifiée sur le plan linguistique, leur poids relatif diminue », a précisé Statistique Canada. Les principales langues issues de l’immigration parlées au Canada ont elles aussi évolué : les six principales étaient le mandarin, le cantonais, le pendjabi, l’espagnol, le tagalog et l’arabe. Le tagalog, l’arabe et le persan ont connu des croissances importantes au cours des cinq dernières années. En revanche, plusieurs langues européennes comme l’italien ou l’allemand ont connu un recul à travers le pays. À Montréal, les principales langues maternelles chez les personnes issues de l’immigration sont l’arabe (18 %), l’espagnol (12,9 %), l’italien (10,9 %) et les langues créoles (6,5 %).
« Un signal d’alarme »
Pour les partis de l’opposition à Québec, les données de Statistique Canada envoient un « signal d’alarme » que le gouvernement Couillard ne peut ignorer. « Il est temps de passer à l’action parce que si la tendance se maintient, dans 10 ans, il va être trop tard », résume la députée de la Coalition avenir Québec Claire Samson. Elle presse Québec de réviser la loi sur l’affichage et de rendre la francisation obligatoire pour tous les immigrants, et pas seulement pour les travailleurs et les enfants qui vont à l’école. Le Parti québécois se dit lui aussi « alarmé » par les données publiées hier. Le député Stéphane Bergeron lance la pierre au gouvernement Couillard, rappelant qu’il a coupé dans les programmes de francisation des immigrés.
Le ministre fortin se veut rassurant
Bien qu’il se dise « vigilant » dans le dossier linguistique, le ministre québécois de la Culture, Luc Fortin, assure que le français n’est pas en recul au Québec. Il fait valoir qu’il est impossible de tirer des conclusions sur l’usage du français à partir de données sur la langue maternelle. « Pour moi, les statistiques dévoilées [hier] ne viennent pas empirer la situation, a-t-il dit en entrevue. C’est le reflet d’un phénomène dont on est déjà conscients, pour lequel on pose déjà des gestes. » Le ministre souligne que Québec a haussé le budget consacré à la protection de la langue et légiféré pour que les commerces ajoutent une mention française à leur affichage extérieur. D’autres mesures pourraient suivre, dit-il, mais il écarte toute intervention dans la vie privée des citoyens.
Les personnes seules deviennent la norme
Les données rendues publiques hier portaient sur la langue, les ménages, les familles et l’état matrimonial des Canadiens. Outre la question linguistique, l’un des faits saillants est que « pour la première fois, en 2016, les ménages formés d’une seule personne sont devenus le type de ménage le plus répandu, dépassant les couples avec enfants ». Ces ménages formés d’une seule personne représentaient donc 28,2 % de l’ensemble des ménages canadiens, « la proportion la plus élevée depuis la Confédération en 1867 ». Les couples avec enfants forment 26,5 % des ménages, une baisse importante par rapport aux 31,5 % de 2016.
De plus en plus d’unions libres
Le Québec demeure la province championne des unions libres au Canada, mais celles-ci gagnent en popularité dans le reste du pays. Plus du cinquième des couples vivaient en union libre en 2016, soit 21,3 %. Il s’agit d’un bond important depuis 1981, la première fois où ces informations ont été enregistrées, et où la proportion était de 6,3 %. Le Québec reste en tête de palmarès à ce chapitre, avec 39,9 %, mais il est devancé par le Nunavut, où pas moins de la moitié des couples vivaient en union libre en 2016.