Analyse

Groenewegen avait la caisse

Quand le débat le plus chaud à l’issue d’une étape du Tour de France concerne l’identité du combatif du jour, on sait qu’elle ne passera pas à l’histoire, sinon pour être la plus longue cette année, une affaire de 231 km entre Fougères et Chartres.

Alors, Yoann Offredo ou Laurent Pichon ? Le jury a tranché pour le second, échappé pour la deuxième journée de suite sur ses terres bretonnes en cette septième étape, hier. L’escapade solitaire du coureur de Fortuneo, qui anticipait un coup de bordure, n’a duré qu’une quarantaine de kilomètres avant que le peloton ne fonde sur lui et ne mette la table à un sprint royal remporté par Dylan Groenewegen.

Ce court raid a valu à Pichon de monter sur le podium entre les deux hôtesses en robe rouge (ça existe encore), couleur du prix de la combativité.

Quoi ? a réagi Offredo en descendant de son vélo. Le vétéran de Wanty-Groupe Gobert, l’une des quatre équipes invitées (et seules attaquantes !) avec Fortuneo, Direct Energie et Cofidis, avait passé plus de 100 km en tête, esseulé lui aussi, au point de demander à la moto-caméra si ça ne lui tentait pas de faire la roue avec lui.

Samedi dernier, à la première étape, le Français de 31 ans avait été le tout premier à fuguer, acte de foi qui lui avait valu le bouquet de la combativité. N’était-ce pourtant pas le même homme, avant le Tour, qui avait confié à Philippe Brunel dans L’Équipe : « Je n’aime pas m’échapper » ?

Ce qu’il déteste surtout, Offredo, personnage parfois controversé (suspension à la suite de défauts de localisation, bagarre avec des automobilistes), c’est l’apathie, la résignation, les scénarios figés. « Qu’est-ce qu’on fait ? On se regarde les quéquettes, on attend l’arrivée et on se fait un sprint ? », a-t-il demandé, bien remonté après l’étape hier.

« Je n’avais pas prévu d’y aller. Moi non plus, ça ne m’intéressait pas plus que ça. Mais je me suis dit : pourquoi pas ? Si on pouvait être plusieurs, c’est toujours super d’être devant. »

— Yoann Offredo

À plus de 200 km de l’arrivée, ce n’était pas l’avis des autres coureurs dont il avait sondé l’intérêt dans le peloton. Les formations de sprinteurs lui ont dit qu’il pouvait prendre 15 minutes si ça lui chantait. Le fuyard s’est donné une avance maximale de près de neuf minutes avant d’être condamné par un coup de bordure – vite avorté – mené par AG2R et Trek.

« C’est le cyclisme moderne, a analysé Offredo. Mais toutes les équipes n’ont pas un sprinteur qui peut s’imposer ou un leader qui peut gagner le Tour de France. Pourquoi ne pas animer ce Tour ? Je pense qu’il y a de belles choses à faire en matière de communication. Il y a des heures d’antenne. Pour des équipes et certains coureurs, ça ne leur ferait pas de mal. Moi, ça me fait plaisir en tout cas d’être devant même si là, je n’ai pas ma tête des bons jours. »

« Je trouve ça complètement nul »

Offredo a jugé « navrant » qu’on ne le récompense pas avec le prix de la combativité. Pour le principe, a-t-il précisé. « Pourquoi le donne-t-on, ce prix ? C’est quelqu’un qui a gagné la course, c’est quoi ? À ce moment-là, il n’y a plus aucun intérêt à aller devant. Je trouve ça complètement nul et je ne retournerai pas dans les échappées si c’est comme ça. »

Un peu plus tard, accompagné de Richard Virenque, attaquant d’un autre genre, dans un studio d’Eurosport, Offredo a précisé sa pensée : « Je ne cours pas du tout après quelque prix. Le prix, je l’ai sur le bord de la route, avec les applaudissements, avec le public qui est reconnaissant. C’est quelque chose d’énorme. J’ai toujours rêvé d’être à la place d’un footballeur ou d’une rock star au milieu du stade de France. »

La vraie rock star, hier à Chartres, ce fut Groenewegen, vainqueur sur les Champs-Élysées l’an dernier. Sorti de la roue d’Alexander Kristoff, le surpuissant Néerlandais s’est offert le scalp de Fernando Gaviria (2e) et de Peter Sagan (3e), rien de moins. Bref, Groenewegen avait la caisse, mais ça, les lecteurs attentifs de cette rubrique dans La Presse+ le savaient avant le départ de l’étape.

Pour la première fois depuis le début du Tour, aucune chute, malchance ou cassure n’est venue perturber la journée des prétendants du classement général, toujours dominé par Greg Van Avermaet, qui a ajouté trois secondes à son avance à la faveur d’un sprint de bonification.

Ça ne risque pas de changer aujourd’hui sur les 181 km très plats entre Dreux et Amiens, où Arnaud Démare, quatrième hier, rêvera de s’imposer sur ses terres en cette fête nationale des Français. À ne pas manquer, demain, les 15 secteurs pavés vers Roubaix, mise en bouche tout indiquée avant la finale de la Coupe du monde.

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