Plein air

À l’aventure pour contrer les problèmes psychosociaux

L’être humain moderne se coupe de plus en plus de l’environnement naturel.

« Selon certaines théories, on a développé une tendance à l’anxiété et à la dépression parce qu’on s’est trop éloigné de notre milieu naturel, indique Virginie Gargano, doctorante en service social à l’Université Laval et chargée de cours. Le parallèle est peut-être un peu fort, mais c’est comme si on était un animal dans une cage. »

Selon ces théories, se replonger dans la nature permettrait de diminuer les symptômes liés à l’anxiété et à la dépression chez les personnes qui ont des problèmes psychosociaux, ajoute-t-elle.

C’est une des idées qui sous-tendent l’organisation d’expéditions en pleine nature pour des clientèles qui vivent diverses difficultés, comme des personnes souffrant de maladies mentales ou des jeunes blessés par la vie.

Cela fait une quinzaine d’années que Virginie Gargano travaille au sein de programmes d’intervention en nature et aventure. Elle a notamment cofondé une coopérative de solidarité qui se spécialisait dans de tels programmes. « À force de faire des programmes avec des jeunes, je me suis dit qu’il faudrait peut-être aller plus loin pour mieux comprendre les effets de la nature et de l’aventure sur le plan empirique, raconte-t-elle. J’ai fait une maîtrise dans ce domaine-là et maintenant, je termine mes études doctorales. »

Ces programmes ont divers effets positifs sur le plan personnel, comme l’augmentation de la confiance et de l’estime de soi et l’acquisition de compétences techniques. Mais le point fort de ces programmes, c’est l’acquisition de compétences interpersonnelles, affirme Mme Gargano.

« Les gens n’ont pas le choix, ils doivent s’aider. Ils sont en interdépendance en raison de la nature des activités. Par exemple, on ne peut pas monter une tente de type prospecteur tout seul. »

— Virginie Gargano

« Ces activités permettent de développer des habiletés de communication, de leadership et de socialisation », souligne-t-elle.

Les programmes d’intervention en contexte de nature et d’aventure sortent les participants de leurs milieux habituels, ce qui est déstabilisant tant sur le plan physique qu’émotif. « Les repères ne sont plus là, déclare Mme Gargano. La seule façon de recréer une stabilité, c’est de le faire avec les pairs avec qui on vit cette expérience. »

Si l’être humain moderne s’éloigne de plus en plus de la nature, il tend aussi à avoir moins besoin des autres. « Je pense qu’on a besoin de s’associer les uns aux autres, affirme Mme Gargano. Le fait d’être en groupe est un besoin fondamental. Je crois que les expéditions nous relient de façon naturelle à ces besoins fondamentaux. »

Ces expériences permettent aussi de revenir à l’essentiel : se nourrir, s’abriter. « Quand on réussit à survivre, on peut vivre et avoir du plaisir ensemble. Tout redevient plus simple. »

S’adapter à sa clientèle

Mais voilà, les programmes d’intervention n’ont pas tous la même efficacité. Il faut bien connaître les caractéristiques individuelles des participants pour leur offrir un défi à leur mesure. On ne peut pas offrir les mêmes défis aux adolescents qui ont un problème d’anxiété et aux jeunes toxicomanes qu’aux cégépiens sans problématique particulière.

« On peut penser que les jeunes de la rue, qui ont souvent été marginalisés, n’ont pas une estime de soi aussi élevée que les autres jeunes, note Mme Gargano. Si j’essaie de leur faire escalader une paroi beaucoup trop difficile, c’est contre-productif parce que je leur montre qu’ils ne sont pas capables de réussir quelque chose. »

De même, si la paroi est beaucoup trop facile, le jeune n’en tirera pas de bénéfices. « Il n’aura pas eu de déstabilisation, il n’aura pas eu cette douce incertitude qui survient lorsqu’on n’est pas certain de réussir. »

Il y a encore du travail à faire pour bien évaluer les résultats de ces programmes, indique Mme Gargano. « L’objet de ma thèse, ce n’est pas vraiment de reconnaître les bénéfices, qui sont déjà répertoriés, mais d’identifier les processus mis en place, les ingrédients actifs qui font en sorte que les programmes soient bénéfiques. »

Aux États-Unis, les programmes d’intervention en contexte de nature et d’aventure, chapeautés par quelques grandes organisations nationales, sont de plus en plus populaires. Or, ce sont souvent les parents qui paient pour les expéditions de leurs enfants. « C’est une certaine couche de la société qui a accès à ces programmes-là », observe Mme Gargano. Ils peuvent donc être inaccessibles pour les gens qui en ont le plus besoin.

Au Québec, ces programmes, organisés par des groupes communautaires ou des organisations comme Face aux vents ou la fondation Sur la pointe des pieds, sont généralement gratuits. « Le système québécois permet de faire en sorte que les gens qui ont moins de sous puissent bénéficier de ces programmes, indique Virginie Gargano. Par contre, ce n’est pas facile de trouver le financement. » Certains groupes communautaires devront attendre deux, trois ou quatre ans avant de dégager les fonds nécessaires. 

« On s’entend que les groupes communautaires, avant d’offrir un programme de plein air, vont payer leurs intervenants réguliers. »

— Virginie Gargano

Heureusement, une expédition n’a pas besoin d’être grandiose pour avoir des effets bénéfiques. « Si on parle de jeunes qui ont des problématiques de santé mentale, ce n’est pas nécessaire de partir vers l’Everest pour les déstabiliser et leur faire expérimenter la prise de risque, affirme Mme Gargano. Je peux aller cinq ou six jours dans les monts Valin ou les Chic-Chocs pour leur faire connaître le défi et le succès. »

Montréal sera un peu au centre du monde des interventions en contexte de nature et d’aventure cette semaine puisqu’il accueillera la conférence annuelle de l’Association de l’éducation expérientielle et le Symposium canadien de la thérapie par l’aventure.

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Source : Chaire de tourisme Transat, UQAM

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