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Le plaisir des chorégraphies

Danse en ligne au Festival de Saint-Tite, continental spontané dans un mariage, groupes de petites filles qui reprennent les gestes du clip Thriller de Michael Jackson ou cours de danse Bollywood dans un studio du Plateau Mont-Royal… Qu’ils se nomment Pina Bausch, René Simard, Paula Abdul ou monsieur Tout-le-Monde, tous les danseurs, pros ou pas, aiment mémoriser des chorégraphies. Regard sur un art populaire inclusif, qui unit les corps de tous les styles, âges et cultures.

Si la finale de la dernière cérémonie des Oscars a été une bombe échouée dans une chorégraphie bien huilée, sa scène d’ouverture avec Justin Timberlake – qui se déchaîne sur l’enlevante Can’t Stop The Feeling – était une fête de groupe, dans l’esprit du synchronisme gestuel des boys bands, ces descendants de Michael Jackson, Madonna, Paula Abdul…

Ce rayon de soleil vitaminé dans un contexte politique incertain annonce-t-il le grand retour de la chorégraphie de groupe ?

En créant le Grand Continental en 2009, le chorégraphe Sylvain Émard ne soupçonnait pas dans quelle mesure son intention de concevoir une grande chorégraphie de groupe allait rassembler et rayonner. Et ce, à l’échelle de la planète.

« À l’origine, c’était un projet que je croyais essentiellement montréalais, puisqu’il s’inspire de la danse en ligne », évoque celui qui, ces jours-ci, mène des auditions en vue de recruter 375 danseurs (pour les 375 bougies de Montréal) pour le Super Méga Continental qui se dansera en septembre 2017.

Or, à la grande surprise de Sylvain Émard, les Québécois ne sont pas les seuls à adorer se trémousser en rangs, comme dans une scène de Cruising Bar.

En exportant le concept dans différentes villes de plusieurs continents, le Grand Continental – qui ouvre ces jours-ci ses auditions aux corps de divers styles et origines – a assouvi une grande soif de danse collective.

« À Mexico, où la danse en ligne n’existe pas, où la danse en couple, comme la salsa, est plus populaire, les gens ont complètement embarqué. Ce fut la même chose en Nouvelle-Zélande, dans plusieurs villes des États-Unis, en Corée du Sud. Je me suis rendu compte que ce que tous les participants avaient en commun, c’était de goût de faire partie d’un projet artistique. »

— Sylvain Émard, chorégraphe

De ballet jazz en Bollywood

On ne compte plus les études scientifiques qui démontrent les bienfaits de la danse pour se prémunir contre l’alzheimer, la démence, les maladies cardiovasculaires… En 2013, un article publié dans le magazine scientifique libre d’accès (open access) Frontiers in Aging Neuroscience a rapporté les conclusions d’une étude réalisée sur une classe de danse composée de participants du troisième âge, qui a été comparée à un groupe qui ne dansait pas. Après six mois, des améliorations sur les plans de la posture, du temps de réaction, ainsi que des performances motrices, tactiles et cognitives ont été notées exclusivement chez le groupe de danseurs.

Avant d’enseigner la danse Bollywood dans divers studios montréalais, Véronic Morin a étudié entre autres le katakali, le katak, le yoga, en Inde et dans la communauté indienne de Toronto. Pour elle, le fait de danser en groupe permet aux gens de « retrouver l’unité d’être ensemble ». 

« Apprendre de nouveaux mouvements, ça permet de nouvelles connexions, c’est bon pour le système nerveux. Chacun vient dans un cours pour ses raisons et l’effet est différent d’une personne à l’autre, mais tout le monde en sort avec une énergie haute. »

Un pied dans la magie, l’autre dans la fiction

Se joindre à une chorégraphie, c’est un peu comme au cinéma, dans une scène de La La Land, quand le héros et l’héroïne d’une comédie musicale se mettent spontanément à chanter, danser la claquette et même voler dans l’espace… La popularité de jeux vidéo comme Just Dance (qui fait fureur dans les fêtes d’enfants !) confirme qu’on n’est jamais trop jeune (ou trop vieux) pour se prendre pour Britney Spears ou Katy Perry.

« C’est quelque chose hors de la vie. Il y a les couleurs, les costumes, des étincelles tout autour. C’est une façon d’honorer la vie à travers le mouvement. Dans la danse, on se permet de la fluidité, des textures, c’est un truc d’alignement collectif. On puise des forces inconnues pour créer de nouvelles connexions avec les autres. On partage l’énergie, on reçoit et on donne constamment. C’est un modèle de société », exprime Véronic Morin, qui a remarqué que la soif de joie de vivre est grande, ces jours-ci. « Il y a plusieurs danseuses contemporaines qui veulent apprendre le Bollywood ! »

Pour la chorégraphe Louise Lapierre, fondatrice de l’école de danse qui porte son nom, apprendre une chorégraphie fait partie d’un rêve, d’un désir de se réaliser, pour les danseurs amateurs de tous âges qui fréquentent ses studios de l’avenue du Mont-Royal.

Imiter Jennifer Grey qui s’envole vers les bras musclés de Patrick Swayze, telle est l’aspiration de bien des gens ordinaires, qui donnent le meilleur d’eux-mêmes à l’heure des loisirs. « Il y a évidemment la danse de mariage, où la fille lance le défi du siècle à son chum, pour surprendre les invités », témoigne Louise Lapierre, qui a passé sa vie à créer des séquences de mouvements pour des amateurs et des artistes non danseurs, comme René Simard et Céline Dion.

« Les gens sont étonnés eux-mêmes de ce qu’ils arriver à réaliser », dit Louise Lapierre.

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