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État de la situation

Les abeilles produisent plus de 75 millions de livres de miel chaque année au Canada. Plus encore, elles sont indispensables à la pollinisation des fruits, des légumes, des noix, du canola… Ces activités représentent plus de 4,6 milliards dans l’économie canadienne annuellement. Or, les colonies – malgré un récent accroissement de population – ont globalement vécu une baisse draconienne au cours des 10 dernières années. Depuis 2006-2007, les apiculteurs canadiens perdent en moyenne le quart de leurs colonies d’abeilles chaque hiver. Les éleveurs d’abeilles sont contraints de s’approvisionner en reines provenant de l’étranger. Des reines qui arrivent avec leurs maladies et leur bagage génétique non adapté à notre pays. Problème.

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Dépistage et immigration sélective

Puisque l’importation de reines demeurera inévitable, les scientifiques développent parallèlement un test de dépistage auquel seront soumises les abeilles introduites au pays. Cela permettra de repérer les individus à la génétique indésirable. « L’objectif, c’est de développer un test pour détecter le degré d’hybridation avec une abeille africaine, explique M. Giovenazzo. C’est sûr qu’on en a au Canada parce qu’on achète nos reines principalement en Californie, et il y a toujours de l’hybridation avec un peu d’[abeilles] africaines… même si ça ne devrait pas. » Les abeilles africanisées, que l’on appelle aussi abeilles tueuses ou abeilles meurtrières, sont issues d’un croisement entre des abeilles européennes et une sous-espèce d’abeilles africaines. Les abeilles issues de cette mutation effectuée en 1956 au Brésil sont parvenues à remonter jusqu’aux États-Unis. Elles sont plus agressives, attaquent en essaim et peuvent poursuivre leur ennemi sur un kilomètre. Des traits de caractère que les apiculteurs veulent éviter d’importer de notre côté de la frontière.

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Reproduction sélective

L’objectif du projet de recherche est de définir la génétique des abeilles qui s’adaptent le mieux aux conditions canadiennes. « La majorité de nos reines viennent de la Californie, mais on peut aussi en acheter en Nouvelle-Zélande ou à Hawaii », explique Pierre Giovenazzo, chercheur à l’Université Laval, à Québec. Il dirige le volet québécois du projet avec Nicolas Derome. « Nous, notre génétique, elle est mésadaptée à notre apiculture et un des objectifs, c’est d’essayer d’avoir un peu d’autosuffisance dans notre industrie ; d’aider les éleveurs à faire une sélection génétique et à produire des reines adaptées à notre climat, à notre apiculture et, surtout, qui sont résistantes à nos maladies d’ici. » Pour ce faire, les chercheurs vont préparer un programme d’élaboration génétique à partir des marqueurs génétiques et des marqueurs du protéome qu’ils détecteront chez les meilleures abeilles.

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L’étude

en bref

Projet de recherche : « Maintenir et garantir l’avenir des abeilles domestiques au Canada à l’aide des outils des sciences omiques »

Financé par

Génome Canada

Somme

7,1 millions

Durée

4 ans

Directeurs de recherche

Leonard Foster, Université de la Colombie-Britannique, et Amro Zayed, Université York à Toronto

Autres provinces participantes

Québec, Alberta et Manitoba

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Vols de données

Pour mener à bien leur étude, les équipes de chercheurs travaillent en collaboration avec des apiculteurs. Ici, au Québec, le centre de recherche de l’Université Laval dispose de 100 ruches. Les chercheurs étudient aussi 34 ruches de Miels d’Anicet, située à Ferme-Neuve, et le même nombre de ruches de Rustique Apiculture, situé à Sainte-Camille. Lors du vol survenu au début du mois de juin chez Miels D’Anicet, quatre ruches parmi la trentaine volées servaient à l’étude. « Des données avaient été prises, des colonies identifiées et du travail par des professionnels de recherche avait été fait, déplore le chercheur. La ruche vaut plus que 600 $, elle a une valeur de recherche inestimable. » « Ces ruches étaient destinées à un suivi génétique. La partie qui a été volée ne fera pas partie du programme de recherche, regrette le propriétaire de l’entreprise, Anicet Desrochers. C’est doublement plate, parce que tout le travail associé à tout ça, c’est pour la sauvegarde des abeilles et pour trouver [la source] des problèmes. » « Les voleurs, s’ils aiment l’industrie, ils doivent prendre conscience du tort incroyable qu’ils lui font », s’indigne M. Giovenazzo.

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EN QUÊTE DE L’ABEILLE « PURE LAINE »

Reproduire des colonies d’abeilles en santé, résistantes aux maladies et surtout aux hivers canadiens, permettrait d’assurer la protection et la pérennité de l’industrie apicole au pays. Logique, direz-vous. Or, mettre ce projet en application est un brin plus complexe. Depuis bientôt un an, des chercheurs canadiens unissent leurs efforts pour y parvenir grâce à un projet de recherche financé par Génome Canada. Au Québec, presque 200 ruches sont étudiées par une équipe de l’Université Laval.

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L’abeille-modèle

Les abeilles sur lesquelles se penchent les chercheurs, ici au Canada, sont celles qui survivent d’abord à l’hiver et qui se démarquent en se développant plus rapidement pour aller polliniser le bleuet en début de saison. « Ensuite, pour ce qui est de résister aux maladies, on va identifier des marqueurs génétiques qui, eux, vont nous indiquer à quoi l’abeille peut être résistante par un screening génétique, explique M. Giovenazzo. On a déjà cet outil dans l’industrie porcine ou encore en agriculture, mais pas en apiculture. On n’est pas rendus là dans les techniques modernes. » En amassant les données de toutes les provinces, les chercheurs pourront mettre au point des outils génomiques et protéomiques qui leur permettront de reproduire de manière sélective 12 caractéristiques importantes des abeilles les plus rustiques. « Les apiculteurs pourront ainsi reproduire, rapidement et économiquement, des colonies d’abeilles en santé, résistantes aux maladies, productives et mieux à même de survivre aux hivers canadiens rigoureux. Ces progrès permettront de réduire la nécessité d’importer des abeilles d’autres pays, mais ils ne l’élimineront pas complètement », peut-on lire dans le résumé du projet de Génome Canada.

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