Incident de la CSERies

Plusieurs hypothèses circulent

La direction de Bombardier avait encore peu de renseignements supplémentaires à révéler, hier, au sujet de l’incident impliquant un des moteurs d’un appareil de la CSeries survenu jeudi dernier. Plusieurs hypothèses circulent néanmoins sur Bay Street, et les analystes s’attendent à ce que Bombardier clarifie rapidement la situation.

Le moteur endommagé en fin de journée jeudi a été détaché de l’avion avant d’être envoyé, samedi, aux installations de Pratt & Whitney en Pennsylvanie pour être analysé. Le démantèlement du moteur a pu commencer dimanche.

« Nous analysons les causes possibles. L’avion a été endommagé, mais nous ne donnerons pas plus de détails sur l’événement, ni sur l’ampleur des dommages. »

— Marc Duchesne, porte-parole de Bombardier

L’analyste David Newman, chez Cormark Securities, souligne dans une note envoyée à ses clients que c’est le moteur gauche de l’avion qui aurait été sérieusement endommagé ou détruit au cours d’un incident « non confiné » (c’est-à-dire que des morceaux du moteur sortent de la nacelle, posant ainsi un danger pour le fuselage), ce qui a causé des dommages sur un côté de l’avion.

« Ce type d’incident [non confiné] est très rare et très sérieux. Si c’est effectivement ce qui est arrivé, ça pourrait entraîner un délai important dans le programme », dit un analyste, qui demande à ne pas être nommé.

David Newman fait par ailleurs valoir que les moteurs de l’appareil impliqués dans l’incident sont les deux premiers moteurs fabriqués par Pratt & Whitney et que des versions modifiées ont été installées sur les autres appareils utilisés pour les tests. « Les premiers moteurs ont apparemment un historique de consommation élevée d’huile, alors que la consommation d’huile des autres moteurs ne serait pas aussi importante. »

De plus, dit-il, la pompe à huile du moteur endommagé aurait été changée la veille de l’incident.

UNE EXPLOSION ?

Chez AltaCorp Capital, Chris Murray souligne de son côté que la thèse préliminaire de l’incident implique une section de la turbine du moteur, plutôt que la boîte de vitesses du ventilateur, une composante cruciale du moteur.

« L’enquête devrait prendre du temps, mais ce qui nous intéresse, c’est de savoir combien de temps il faudra afin de corriger ce problème. »

Turan Quettawala, de la Scotia, dit que le moteur semble avoir explosé. « À ce stade-ci, une explosion non contenue pourrait indiquer des ennuis non seulement avec le moteur, mais aussi avec la nacelle, ce qui pourrait nécessiter plus de travail. »

Bien qu’une grande portion des coûts directement associés à l’incident puisse revenir à Pratt & Whitney, un délai nuira assurément à Bombardier aussi, compte tenu de l’état précaire dans lequel se trouve son bilan, ajoute-t-il.

« Je soupçonne que les investisseurs ne sont pas d’humeur à donner le bénéfice du doute à Bombardier, dit Kevin Chiang, de la CIBC. L’exécution a été décevante depuis neuf mois et s’il ne s’agit pas d’un incident mineur, je crains que les investisseurs deviennent plus nombreux à lancer la serviette. »

De passage dimanche à Doha, au Qatar, pour participer à l’assemblée annuelle de l’Association internationale du transport aérien, le président et chef de la direction de Bombardier Aéronautique, Guy Hachey, a dit au cours d’une entrevue à un média spécialisé que les dirigeants avaient déjà une bonne compréhension de ce qui s’est produit et que c’était « très réparable ».

Plusieurs analystes ont toutefois indiqué que l’incident pouvait nuire aux efforts de vente et de marketing de la CSeries. « Le nouveau moteur de Pratt & Whitney était initialement perçu comme un facteur de risque lorsque le projet de CSeries avait été présenté », dit Walter Spracklin, de RBC.

« L’escompte lié au moteur avait largement disparu au cours des trois dernières années. La spéculation entourant la fiabilité du moteur pourrait maintenant refaire surface et nuire à l’obtention de nouvelles commandes. »

L’incident impliquant le moteur survient alors que Bombardier s’apprête à participer, le mois prochain, au populaire Salon aéronautique de Farnborough. L’entreprise révèle généralement deux semaines avant le Salon quels appareils y seront présentés. « Les ennuis avec le moteur pourraient mettre la CSeries sur la glace », dit David Newman.

Le PDG de Bombardier, Pierre Beaudoin, qui assistait hier à un événement public à Montréal, a accepté de commenter la situation. « Nous sommes en période de tests, c’est normal de vivre des événements [du genre] durant les essais en vol. J’aimerais rappeler que le moteur [de Pratt & Whitney] a reçu la certification des autorités concernées. »

Le titre a cédé 1,36 %, à 3,64 $, à la Bourse de Toronto hier.

— Avec La Presse Canadienne

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