Rentrée scolaire

Financer l'école par des collectes de fonds

La pression financière est forte sur les commissions scolaires et leurs écoles. Le réseau des commissions scolaires aurait subi des compressions de près de 800 millions depuis 2010. La facture pourrait-elle être refilée aux parents par un accroissement du nombre de campagnes de financement ? Des intervenants du milieu se prononcent.

Septembre 2010. L’école primaire Plein-Soleil de Candiac ouvre ses portes. Une campagne de financement est lancée afin de recueillir des dons auprès de parents et d’entreprises locales. L’objectif : construire un parc récréatif et éducatif. La campagne, qui remporte un franc succès, mènera à la construction du parc dans les prochains mois.

Pourquoi opter pour une campagne de financement ? « Ici, les parents sont surtout issus du privé. Ils sont habitués de faire des campagnes de financement et d’avoir des réalisations presque immédiates. Ils ne voulaient pas nécessairement attendre 10 ans avant que le parc soit réalisé », explique Andrew Tanner, directeur adjoint de l’école.

Le cas de l’école Plein-Soleil n’est pas unique. La diminution du financement public de l’éducation publique pousserait les écoles québécoises à recourir davantage aux campagnes de financement, selon les observations de la Fédération de l’enseignement (FSE-CSN).

« Les besoins demeurant constants, à mesure que le financement diminue, on n'a pas d'autre choix que d’aller chercher l’argent ailleurs. »

— Jacques Tondreau, conseiller au dossier éducation à la Fédération de l’enseignement

Si les campagnes de financement permettant le réaménagement d’une cour d’école ne sont pas une pratique nouvelle au Québec, Jacques Tondreau rappelle que certaines ont servi à financer des biens nécessaires à l’apprentissage. Il cite l’exemple d’une collecte de fonds d’une école de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys de Montréal où des élèves ont vendu du chocolat pour financer l’achat de pupitres.

La pression financière s’est intensifiée au cours des dernières années, constate Gaston Rioux, président de la Fédération des comités de parents du Québec. Les surplus des écoles qui pouvaient jusqu’alors être injectés dans certains services, activités ou infrastructures relèvent de l’histoire ancienne. « Les commissions scolaires et les écoles n’ont plus cet oxygène. »

En effet, la moitié des commissions scolaires sont déficitaires et de nouvelles compressions sont à prévoir. Le premier budget du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, présenté en juin dernier, prévoit une nouvelle réduction de 150 millions dans le budget alloué aux commissions scolaires.

« Je ne veux pas être prophète de malheur, mais je crois que nous allons traverser des mois et des années difficiles », dit Gaston Rioux, notant que les parents devront « rester vigilants » pour que la facture ne soit pas refilée par des initiatives comme les campagnes de financement.

CHANGEMENT DE PARADIGME

Le président de l’Association des cadres scolaires, André Lachapelle, estime pour sa part que les compressions amèneront des établissements à revisiter leur mode de financement.

Il cite l’exemple des cours d’école pour lesquelles les communautés pourraient devoir contribuer davantage : « La situation pourrait mener à l’accélération de campagnes de financement auprès d’entreprises de la région ou d’activités de financement comme la vente de chocolat ou l’organisation de soupers-bénéfice. C’est envisageable, mais pour l’instant, ce n’est pas ce qu’on constate. »

Tous s’entendent sur un aspect : le recours aux campagnes de financement pourrait faire accroître les inégalités entre les écoles.  

« Les ressources financières des parents, mais également les ressources organisationnelles et leurs réseaux de contacts, ne sont pas les mêmes selon qu’on se trouve dans un milieu aisé ou défavorisé. »

— André Lachapelle, président de l’Association des cadres scolaires

À ce sujet, une enquête publiée en 2006 par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et la FSE-CSN mentionnait ce risque. Selon les données recueillies, les écoles du Québec amassaient en moyenne 14 000 $ grâce aux campagnes de financement. Toutefois, les sommes recueillies variaient de 300 $ à 200 000 $ selon les écoles.

« C’est un écart notable. La mécanique sociale étant ce qu’elle est, les écoles favorisées le seront encore plus. En milieu défavorisé la capacité de mobilisation et de réseautage n’est pas la même. Du coup, les sommes amassées sont moindres », résume Jacques Tondreau de la FSE-CSN.

Il souligne que la « commercialisation des écoles du Québec » serait moins forte que celle observée dans le reste du Canada. En s’appuyant sur l’enquête, il dit : « Ici, à l’exception des campagnes de financement, il n’y a que d’une façon marginale des programmes incitatifs, des commandites et des publicités dans nos écoles. Ces méthodes ne font pas partie de notre culture. »

CAMPAGNES DE FINANCEMENT AU CANADA

73 % des écoles s’y livrent pour des excursions scolaires.

49 % de toutes les écoles collectent des fonds pour l’achat de livres de bibliothèque (dont 60 % des écoles primaires).

92 % des éducatrices dépensent pour du matériel de classe et des activités scolaires pour leurs élèves.

Source : enquête 2006 de la FCE, CCPA

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