La Voix

Yama, la diva en ballerines

Pincez-la quelqu’un ! Tel que prévu depuis plusieurs semaines, la timide mais talentueuse Yama Laurent a été couronnée hier soir plus belle voix du Québec avec 60 % du vote populaire.

À l’annonce du résultat par Charles Lafortune, la chanteuse de 27 ans, née en Haïti, n’a pas bronché et n’a pas versé de larmes, comme sonnée par la nouvelle. Son discours a été succinct, quasiment chuchoté. Pour elle, cette victoire, c’est « comme une adoption » par les Québécois.

En six saisons de La voix à TVA, c’est la première fois qu’une concurrente née à l’extérieur du pays se sauve avec les plus grands honneurs. D’ailleurs, les quatre finalistes d’hier avaient tous des origines diverses, soit arménienne (Miriam), soit dominicaine (Jonathan), soit haïtienne (Yann et Yama). Les cinq autres éditions de La voix ont toutes été remportées par des artistes dits « de souche ».

Depuis son impressionnante audition à l’aveugle (Forever Young de Bob Dylan), Yama et sa voix basse ont conquis le cœur des téléspectateurs. Son histoire personnelle difficile a également remué ses fans.

Survivante du tremblement de terre de 2010, elle a traversé une enfance difficile avec son père, dont elle parle très peu. Elle a plus tard renoué avec sa mère, qui habite toujours en Haïti et qui lui a transmis hier un message d’encouragement par vidéo. Encore ici, Yama a encaissé le choc de voir sa maman sans ciller.

Yama Laurent, qui a entamé des études de médecine à l’Université de Santiago, en République dominicaine, est l’antistar par excellence. Elle fixe souvent ses ballerines et soutient difficilement le regard du public. Sa timidité extrême pourrait, par contre, devenir un gros obstacle si elle ne la dompte pas.

Le parcours de Yama a été sans faute à La voix. De Let It Be en duel avec Kelly Bado, en passant par Ils s’aiment de Daniel Lavoie et A Change Is Gonna Come, elle n’a jamais craqué sous la pression.

En choisissant Garou comme coach, parce que ses chansons l’ont accompagnée dans des moments de turbulences, Yama lui a offert un premier gain à sa première participation à La voix québécoise.

La chanson que Garou a composée pour sa protégée, Un peu de nous, renfermait des sonorités rétro intéressantes. Yama l’a bien maîtrisée, souvent sans accompagnement musical, mais n’a pas été aussi touchante et vibrante que d’habitude.

Alex Nevsky et Lara Fabian ont offert à leurs candidats deux excellentes pièces, les deux meilleures du lot : Amanda pour Yann Brassard, 24 ans, et Je veux donner pour Miriam Baghdassarian, 19 ans. Amanda est une chanson pop remplie de soleil, qui colle parfaitement à l’énergie de Yann, un as de la danse comme son idole, Michael Jackson.

On détecte dans Je veux donner le sens aiguisé de la mélodie de Lara Fabian, qui a composé elle-même plusieurs de ses plus grands succès.

Quant à la ballade déchirante Ouvre-moi, cosignée par Éric Lapointe et Michel Rivard, elle manque de « oumpf » et on avait de la difficulté à bien entendre les paroles chantées par Jonathan Freeman, 25 ans.

La super soirée d’hier a été outrageusement dominée par les femmes. Miriam a terminé au deuxième rang (20 %) du concours, suivie de Yann (13 %) et de Jonathan (7 %)

C’est Ginette Reno qui a amorcé cette finale explosive de 2 h 30 min avec un pot-pourri de L’essentiel, Fais-moi la tendresse et Je ne suis qu’une chanson. La grande dame du showbiz québécois a été impériale, impeccable et élégante.

Ç’a l’air si facile pour Ginette Reno, qui décroche encore toutes les notes difficiles. Et ce n’était pas évident pour les quatre candidats d’accoter une telle voix puissante et juste. Mission impossible, même. Le fossé était énorme entre les recrues et la pionnière.

Lara Fabian a refait Je suis malade en compagnie de Geneviève Leclerc, demi-finaliste pour Marc Dupré à La voix 4

C’est fou à quel point on avait oublié que Lara Fabian chantait en ti-péché. Un solide numéro.

Étoile montante de la pop québécoise, Hubert Lenoir, 23 ans, membre du groupe The Seasons, a fait Fille de personne II, un ver d’oreille quasi instantané. Il a le sens du spectacle, ce théâtral Hubert Lenoir avec son look androgyne, sa chienne de garagiste extra-large et ses mouvements explicites. Mais un brin de provocation n’a jamais tué personne. Et vive la diversité.

Éric Lapointe a renoué avec son champion de l’an dernier, Ludovick Bourgeois, sur Desert Song. Lapointe a également chanté La belle folie, extraite de son nouvel album Délivrance. Et il a tout donné, notre Éric.

Cœur de pirate et Alex Nevsky ont croisé leurs chansons Prémonition et Amour immodéré, et ce fut fort joli. Patsy Gallant a suivi la troupe de Saturday Night Fever avec son classique Sugar Daddy, qui a mis le feu en studio.

Tout roulait à fond de train jusqu’à ce que Corneille en arrache, sur sa propre chanson, Parce qu’on vient de loin. Heureusement, Garou a remis tout ça sur les rails avec son charisme et son aplomb naturels.

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