Montréal, 375 ans d’histoire

Les racines des rébellions patriotes

Le 15 février 1839, cinq patriotes sont pendus à la prison du Pied-du-Courant, ce qui porte à 12 le nombre de personnes exécutées à cet endroit à la suite des rébellions de 1837 et de 1838. Or, les racines de ces tragiques événements trouvent leur source dans les querelles de l’automne 1837 opposant les groupes paramilitaires Doric Club (partisans de la Couronne britannique) et Fils de la liberté (partisans patriotes). Querelles qui dégénèrent dans une bagarre survenue le 6 novembre 1837 et depuis passée à l’histoire.

Déclaration officielle

Le 4 octobre 1837, les Fils de la liberté, groupement francophone proche du Parti patriote, publient une déclaration officielle inspirée des idéaux de la Révolution américaine. « Ils défendent le droit des peuples à choisir leur gouvernement et réclament une importante réforme politique pour la colonie », expose l’historien Martin Landry, de l’organisme Montréal en histoires. Il faut comprendre qu’à l’époque, la Chambre d’assemblée du Bas-Canada est contrôlée par le Parti patriote, mais elle a les mains liées par le droit de veto du gouverneur en poste.

Doric Club

Le groupe des Fils de la liberté a été précédé par celui du Doric Club en 1836. Cette organisation est formée de jeunes Montréalais, en majorité anglophones et conservateurs. Ils soutiennent la Couronne anglaise et le British Party qui, minoritaire à la Chambre d’assemblée, est néanmoins proche du gouverneur. Et donc, du pouvoir ! Le Doric Club s’oppose entre autres aux 92 Résolutions, texte du Parti patriote réclamant des réformes profondes du système parlementaire afin de donner de réels pouvoirs au peuple.

6 novembre 1837

Le lundi 6 novembre 1837, au terme d’une réunion dans une cour du Vieux-Montréal, les Fils de la liberté sont attaqués par les membres du Doric Club. « Une violente bagarre s’engage, rue Saint-Jacques », écrivent les auteurs de l’ouvrage Québec-Canada (1534-2015). Ce sont les Anglais qui ont le dessus, ajoutent-ils. Des bâtisses sont saccagées, dont celle du journal anglophone Vindicator, proche des… patriotes. Le calme revient après l’intervention de l’armée.

Dans Le Canadien

L’affaire rebondit dans les journaux de l’époque. Et on est divisé ! Par exemple, dans son numéro du 8 novembre, le journal Le Canadien, proche de la cause patriote, écrit que les Fils de la liberté « étaient réunis paisiblement » avant d’être attaqués. « Quand les tories furent en grand nombre, ils commencèrent à lancer des pierres dans la cour et à frapper la porte en apostrophant les Fils de la liberté de toutes sortes d’épithètes et principalement celle de lâches », lit-on.

Dans L’Ami du peuple

Loyal à l’autorité britannique, L’Ami du peuple offre une vision opposée à celle du Canadien. Le 8 novembre, en parlant des Fils de la liberté, ce journal écrit : « Leurs orateurs ordinaires leur firent des discours inflammatoires, les excitant à la révolte et aux violences de tout genre ; en sortant de leur assemblée, excités par ces discours et par le whiskey, ils se ruèrent sur une cinquantaine de constitutionnels [les tories]… » Autre journal d’influence, le Montreal Herald soutient de près les actions du Doric Club.

Au Pied-du-Courant

L’émeute du 6 novembre 1837 conduit à l’insurrection patriote des semaines suivantes et à celle de 1838. Chez les anglophones, le général John Colborne forme une milice de quelque 2000 volontaires dont plusieurs viennent… du Doric Club. Le 16 novembre, le gouverneur Gosford signe des mandats d’arrêt contre 26 chefs patriotes. On connaît la suite. « Le conflit se termine par l’arrestation de plus d’un millier d’hommes, dont 12 sont pendus et une soixantaine sont exilés », rappelle Martin Landry.

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