Voiture électrique

Le dilemme environnemental

L’ePrix de Montréal fait sa promotion. Les constructeurs automobiles prennent le virage vert. Mais la voiture électrique est-elle vraiment moins polluante que les voitures à essence ?

Au Québec, il n’y a pas de débat possible, grâce à l’abondance d’hydroélectricité, une source d’énergie verte et renouvelable. Mais dans la majeure partie des États-Unis, une voiture électrique est actuellement plus néfaste pour l’environnement et la santé humaine qu’une voiture à essence. Alors que c’est un match nul en Allemagne, la voiture électrique subit une défaite sans équivoque en Chine, selon plusieurs études universitaires.

« Ce n’est pas la solution miracle, ça ne résout pas tout à travers le monde », dit Pierre-Olivier Roy, associé de recherche au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) de Polytechnique Montréal et auteur d’une étude sur les impacts environnementaux des véhicules électriques en 2016 pour le compte d’Hydro-Québec.

À la demande d’Hydro-Québec, le CIRAIG a étudié en profondeur tous les impacts environnementaux des voitures électriques et des voitures à essence. L’organisme a divisé le parc automobile québécois de 2013 en deux : voitures électriques et voitures à essence. Et il a fait le calcul suivant : après 10 ans et 150 000 km (la durée moyenne d’utilisation des autos au Québec), quelle est l’empreinte environnementale des deux catégories de véhicules ? La voiture électrique québécoise l’a emporté haut la main (de 29 % à 65 %) dans quatre des cinq catégories. Elle est en moyenne 29 % moins nuisible pour la santé humaine, 58 % moins nuisible pour la qualité des écosystèmes et émet 65 % moins de gaz à effet de serre qu’une voiture à essence au Québec.

Le seuil critique : six ans

L’étude du CIRAIG met toutefois un autre phénomène en relief : au Québec, une voiture électrique doit rouler au moins six ans (85 300 km) pour qu’elle soit véritablement plus verte qu’une voiture électrique en matière d’impact sur la santé.

En matière d’émissions de gaz à effet de serre, une voiture électrique devient avantageuse sur le plan environnemental après environ deux ans d’utilisation (29 000 km).

Un véhicule électrique a une plus grande empreinte écologique qu’une voiture à essence lors de la fabrication, mais une empreinte minime lors de son utilisation.

Si la voiture électrique est aussi avantageuse au Québec lors de son utilisation, c’est que l’électricité québécoise provient à 95 % de l’hydroélectricité, une source d’énergie renouvelable et peu polluante. Or, ce n’est pas le cas dans tous les pays. Le chercheur Pierre-Olivier Roy a mesuré les impacts environnementaux d’une voiture électrique en Allemagne et en Chine. Résultat : match nul en Allemagne et défaite pour la voiture électrique en Chine (voir onglet suivant).

États-Unis : l’ouest contre l’est

Aux États-Unis, une voiture électrique est généralement plus polluante qu’une voiture à essence. Selon une étude du National Bureau of Economic Research (NBER) publiée en 2015, la voiture électrique est plus polluante lorsqu’elle est achetée dans 38 États sur 50. Sur l’ensemble du pays, une Ford Focus électrique a une empreinte environnementale supérieure de 0,49 ¢ par mille parcouru à celle d’une Ford Focus à essence.

« Les voitures électriques sont généralement moins polluantes dans l’ouest du pays, où il y a davantage d’énergies renouvelables, et généralement plus polluantes dans l’est du pays, où il y a beaucoup de charbon. »

— Nicholas Muller, professeur en économie et ingénierie à l’Université Carnegie Mellon et coauteur de l’étude du NBER

L’étude du NBER utilise les données de 2011, dernières données disponibles.

Une autre étude de l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh en 2016 a comparé plusieurs modèles de voitures électriques et à essence. « La plupart des voitures électriques sont plus vertes qu’un véhicule typique à essence, mais pas plus vertes que le véhicule à essence le plus écologique », dit Jeremy Michalek, professeur en ingénierie et en politiques publiques à l’Université Carnegie Mellon, où il dirige le groupe d’étude sur l’électrification des transports.

Le problème n’est pas le véhicule électrique lui-même. Localement, un conducteur de voiture électrique du Midwest américain (la région de Chicago à Washington) pollue très peu sur sa route. C’est par la pollution régionale – parfois même dans d’autres États –, attribuée aux centrales de charbon et autres sources d’énergie polluantes, qu’il en vient à rattraper l’empreinte environnementale d’une voiture à essence. L’étude a été réalisée avec les données environnementales de 2010.

Étude dissidente

En 2015, l’Union of Concerned Scientists (UCS), une ONG scientifique, a publié une étude avec une conclusion différente. Selon cette étude de l’UCS, une voiture électrique produit moins de 50 % des émissions de gaz à effet de serre qu’une voiture à essence produit aux États-Unis. L’étude de l’UCS compte uniquement les gaz à effet de serre, et non les autres critères liés à la santé humaine. 

« Nous comptons toutefois tout le cycle de vie du pétrole. Si vous ne comptez pas le pétrole dès la raffinerie, vous excluez beaucoup de pollution. »

— David Reichmuth, ingénieur senior du programme des véhicules verts à l’UCS

L’étude du NBER ne compte pas tout le cycle de vie du pétrole, mais il ne compte pas non plus tout le cycle de vie des autres ressources pour fabriquer la voiture, comme la batterie d’une voiture électrique. « Même en incluant ces deux éléments, les conclusions ne changent pas », dit le professeur Nicholas Muller.

Bref, le débat n’est pas simple à l’extérieur des frontières du Québec. « Le fait que le Québec ait de l’hydroélectricité est un immense avantage, mais les conclusions obtenues au Québec ne tiennent pas la route ailleurs », dit le chercheur québécois Pierre-Olivier Roy.

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