FAVORISER LA SANTÉ MENTALE EN MILIEU DE TRAVAIL

La fréquence des problèmes de santé psychologique au travail a augmenté en flèche au cours de la dernière décennie. On estime qu’environ 500 000 Canadiens s’absentent chaque jour du travail pour des raisons de maladie mentale. S’attaquer à la prévention de la santé mentale au travail revêt une importance vitale pour les organisations canadiennes.

« Si le milieu de travail peut être un élément clé du bien-être psychologique quand il est une source d’épanouissement et de valorisation sociale, il peut aussi contribuer à l’apparition de troubles mentaux quand il est une source de stress important », affirme le Dr Mario Messier, directeur scientifique de Groupe entreprises en santé. Les exigences liées au travail — seules ou conjuguées à celles de la vie personnelle – peuvent en effet avoir des conséquences néfastes sur l’individu et mener à des problèmes de santé mentale. « Une récente enquête menée par Morneau Shepell révèle qu’un travailleur canadien sur trois affirme souffrir ou avoir souffert d’un problème de santé mentale comme la dépression ou un trouble d’anxiété », raconte Claudine Ducharme, associée en santé et en assurance collective chez Morneau Shepell. Or, les répercussions de la maladie mentale en milieu de travail sont énormes. « En plus des conséquences sur l’individu, les troubles mentaux au travail ont un impact négatif sur les organisations, que ce soit en terme d’absentéisme, de présentéisme, de baisse de productivité et de taux de roulement du personnel », explique Mme Ducharme. « La maladie mentale représente près de 30 % des prestations d’assurance invalidité et 70 % des frais totaux », ajoute le Dr Messier. D’après la Commission de la santé mentale du Canada, les problèmes de santé mentale coûtent à l’économie canadienne la somme stupéfiante de 51 milliards de dollars par année.

Pour toutes ces raisons, il est important d’accorder aux problèmes de santé psychologique au travail autant d’importance qu’aux problèmes de santé physique.

« Les problèmes de santé mentale représentent 30 % des coûts associés à l’invalidité, mais les études montrent que le fait de prendre des mesures efficaces donne des résultats. Il est possible de réduire de 15 % à 33 % les coûts associés à la santé psychologique en mettant en place des politiques et des programmes efficaces et appropriés. »

— Claudine Ducharme, associée en santé et en assurance collective chez Morneau Shepell

PLUSIEURS FACTEURS EN CAUSE

« Les problèmes de santé mentale liés au travail ont souvent des causes multifactorielles », indique le Dr Messier. Outre les facteurs individuels comme les difficultés personnelles et familiales, plusieurs facteurs reliés au travail lui-même peuvent être responsables de leur apparition. Parmi ceux-ci, on trouve : la surcharge de travail, la faible reconnaissance, les relations pauvres ou tendues en milieu de travail (incluant le harcèlement psychologique), le manque de participation aux décisions et une circulation déficiente de l’information. « La surcharge de travail est souvent la cause principale », souligne le Dr Messier. Celle-ci peut être soit quantitative – il y a beaucoup de choses à faire dans un laps de temps trop restreint ou avec peu de ressources —, soit qualitative – la personne sent qu’elle n’a pas les compétences nécessaires pour accomplir son travail ou que les exigences de productivité sont trop élevées. « Le manque de reconnaissance est aussi souvent en cause », poursuit le Dr Messier. Une étude québécoise a d’ailleurs conclu que le risque de développer une détresse psychologique est 2,9 fois plus élevé lorsque la reconnaissance au travail est faible. « Le manque de respect et le harcèlement psychologique sont aussi des facteurs qui sont très nuisibles pour la santé mentale et qui augmentent le risque de problèmes de santé psychologique », note Mme Ducharme.

MIEUX VAUT PRÉVENIR…

Étant donné que les problèmes de santé mentale au travail sont de plus en plus fréquents et qu’ils ont des répercussions importantes, tant chez le travailleur que chez l’employeur, il est primordial d’établir de meilleures stratégies de prévention. Il faut, entre autres, convaincre les dirigeants d’appuyer l’objectif de favoriser un milieu de travail propice à une saine santé mentale. « Si on veut améliorer la santé psychologique au travail, la mobilisation des employés et des gestionnaires est essentielle », assure Mme Ducharme. Pour intervenir efficacement, il est donc impératif de mettre en place des solutions tant au niveau organisationnel qu’individuel. « Il faut notamment former les gestionnaires », indique le Dr Messier. Il faut en effet démystifier avec eux les troubles de santé mentale, mais aussi s’assurer qu’ils en connaissent les signes et symptômes, et qu’ils savent quelles ressources sont à leur disposition. Une autre mesure consiste à mettre à la disposition des employés un Programme d’aide aux employés (PAE) ou un Programme d’aide aux employés et à leur famille (PAEF). « Ce type de programme donne entre autres accès à de l’information et à différentes formes d’aide telles que des rencontres individuelles ou de groupe », précise Mme Ducharme. « Mettre en œuvre, en tout ou en partie, la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail est un autre type d’intervention possible », poursuit le Dr Messier. Cette norme, qui a été élaborée en collaboration avec l’Association canadienne de normalisation (Groupe CSA) et le Bureau de normalisation du Québec sous l’égide de la Commission de la santé mentale du Canada, propose une série de mesures, d’outils et de ressources qui visent la promotion de la santé mentale des employés et la prévention des préjudices psychologiques susceptibles d’être causés par des facteurs liés au travail. « Il s’agit de la toute première norme du genre au monde », souligne le Dr Messier.

« Lorsqu’un employé souffre d’un problème de santé mentale au travail, il est important d’intervenir rapidement pour réduire les risques d’une invalidité prolongée et l’impact parfois dévastateur sur la vie de la personne touchée. »

— Dr Mario Messier, directeur scientifique de Groupe entreprises en santé

LA STIGMATISATION : UN GROS OBSTACLE

« Aujourd’hui, la stigmatisation demeure de toute évidence une source de préoccupation en vue d’améliorer la santé mentale en milieu de travail », soutient Mme Ducharme. Celle-ci est en effet encore présente dans de nombreuses entreprises, et ce, tant au niveau des employeurs que des employés. « Notre enquête montre que, dans plusieurs cas, les employés sont en fait plus durs envers les personnes aux prises avec une maladie mentale que leurs employeurs, puisqu’un employé sur cinq croit qu’une personne atteinte de maladie mentale exerce un plein contrôle sur sa maladie », mentionne Mme Ducharme. Or, il est reconnu que la stigmatisation (y compris l’autostigmatisation) associée à la maladie mentale dissuade fortement les personnes visées de chercher de l’aide au moment où elles en auraient grandement besoin. En effet, de peur d’être critiqués, jugés ou étiquetés, les employés éprouvant des symptômes souffrent en silence et peuvent aggraver leurs troubles ou être plus sujets au présentéisme que ceux qui reçoivent un traitement approprié.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Plus de 1100 participants sont attendus au Palais des congrès les 25 et 26 mai prochains dans le cadre du Rassemblement pour la santé et le mieux-être en entreprise. Cette initiative — du Groupe entreprises en santé organisée en collaboration avec l’APST — est le seul événement au Québec qui réunit les leaders du domaine de la santé en milieu de travail et qui en aborde tous les aspects, notamment la promotion, la prévention, la réadaptation et la gestion d’invalidité. Le Rassemblement propose de grandes conférences et des ateliers – dont plusieurs touchent à la problématique de la santé mentale en milieu de travail — intégrant les dernières tendances issues de la recherche ainsi que des expériences pratiques d’employeurs. De plus, un grand Salon des exposants permet aux employeurs de découvrir des fournisseurs de produits et de services innovateurs.

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