Course à la direction du Parti conservateur

Le candidat qui parle cinq langues… mais pas (encore) le français

Ottawa — Deepak Obhrai rit de bon cœur de sa nouvelle célébrité au Québec, acquise au débat en français dans le cadre de la course à la direction du Parti conservateur la semaine dernière. Le candidat-conservateur-qui-parle-un-français-incompréhensible. « J’ai vu une vidéo [de l’émission Votre beau programme, animée par Véronique Cloutier] qui riait de moi. J’ai trouvé ça drôle. J’avais pratiqué mes lignes [avant le débat], mais je savais que ma prononciation était horrible… »

Deepak Obhrai promet de se défaire de cette étiquette d’ici la fin de la course, en mai. « Apprendre une nouvelle langue n’est pas si difficile pour moi », dit-il.

Il en parle déjà… cinq.

Né en Tanzanie de parents d’origine indienne, il parle anglais, swahili (langue parlée en Afrique de l’Est), ainsi que trois langues indiennes, l’hindi, le panjabi et le gujarati. « Je n’ai pas de langue maternelle. On parlait anglais à l’école, swahili à la maison, j’ai fini mon école secondaire en Inde, j’ai étudié à l’université en anglais au Royaume-Uni », dit-il en entrevue avec La Presse.

Il revient ensuite en Tanzanie, où il est contrôleur aérien. « Mais en Afrique de l’Est, les Asiatiques n’étaient pas bienvenus, je n’avais pas d’avenir là-bas », se rappelle-t-il. À 27 ans, il met le cap sur Calgary, au Canada. 

« En Tanzanie, je travaillais dans un aéroport international. En arrivant à Calgary, c’était un vieil aéroport, un vieux shack. Je croyais que j’étais dans le mauvais pays ! »

— Deepak Obhrai, candidat à la direction du Parti conservateur

« Comme tous les immigrés, j’ai travaillé pour subvenir aux besoins de ma jeune famille. Ma femme et moi exploitions un établissement de nettoyage à sec, je travaillais [comme fonctionnaire] à la Ville et j’étais impliqué dans les associations communautaires. » Il a été élu député du Parti réformiste du Canada à Calgary en 1997. Après 20 ans à la Chambre des communes, il est aujourd’hui le doyen du caucus conservateur.

Il s’est lancé dans la course à la direction conservatrice pour tenter d’élargir la base d’électeurs du parti. « Ça a été ma première tâche quand j’ai été élu député, alors que le mouvement conservateur était divisé [en deux partis]. Et durant la dernière campagne électorale, notre message n’a pas eu autant de résonance chez les néo-Canadiens et chez d’autres personnes qui ont cessé de nous appuyer. Quand j’ai vu la vision des candidats [à la direction], j’ai pensé que c’était nécessaire d’avoir la voix de l’expérience, une voix qui appelle à élargir le parti. »

Apprentissage du français

En 20 ans à Ottawa, le député – l’un des plus multilingues à Ottawa – n’a pas appris le français. « Au départ, ma première tâche était d’élargir la base du parti [il voyageait partout au pays]. Quand nous avons formé le gouvernement, je voyageais toujours hors du pays comme secrétaire aux Affaires étrangères. »

Déterminé à apprendre une sixième langue, M. Obhrai a commencé ses cours de français avant les élections ou même la campagne à la direction. Il a fait deux séjours linguistiques à Québec depuis. « Je regarde Le téléjournal, TVA, des documentaires en français. À force de continuer à parler et à écouter le français, ma prononciation va s’améliorer. »

Selon lui, tout candidat au poste de premier ministre du pays doit « absolument » parler anglais et français. 

« C’est important parce que nous avons une partie de la population qui parle français. Vous devez pouvoir communiquer en français. L’identité francophone fait partie de l’identité canadienne. »

— Deepak Obhrai, candidat à la direction du Parti conservateur

Contrairement à Kevin O’Leary qui a attendu le lendemain du débat en français pour annoncer officiellement sa candidature, Deepak Obhrai tenait à être sur l’estrade à Québec. « Tous les candidats auraient dû y être. Vous ne représentez pas une partie de la population, vous représentez le pays au complet. »

Durant sa campagne, le doyen des députés conservateurs entend mettre de l’avant deux enjeux principaux. Primo, son programme économique visant à équilibrer le budget tout en créant des emplois et en diminuant le fardeau fiscal. Il tient aussi à ce qu’Ottawa respecte les compétences des provinces. En immigration, il veut qu’Ottawa réduise d’un milliard de dollars le soutien à l’établissement des immigrés (hormis les réfugiés) et propose de baisser les seuils d’immigration de 300 000 à 275 000 personnes par an. « Nous avons besoin de l’immigration pour faire croître notre économie, dit-il. Au bout du compte, l’immigration doit être bénéfique au Canada. C’est ainsi que le Canada s’est construit. »

Et sur le plan personnel, le député de 66 ans promet de maîtriser une sixième langue d’ici mai. Même s’il ne parlera jamais français avec l’aisance d’un francophone. « Mais je n’ai pas de langue maternelle », fait-il remarquer.

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