Analyse

Comment faire fondre un iceberg de 3 milliards ?

QUÉBEC — Un éléphant, ça se mange une bouchée à la fois, assure le proverbe. Mais quelqu’un a-t-il la recette pour faire fondre un iceberg ? Le gouvernement Legault est activement à la recherche d’une méthode pour faire fondre le surplus de 3 milliards apparu dans la dernière mise à jour mensuelle des finances publiques.

Aussi, les mandarins de plusieurs ministères ont eu à défiler au Conseil exécutif – le ministère du premier ministre – pour suggérer des mesures susceptibles de faire disparaître cette embarrassante cagnotte. Embarrassante, puisqu’elle donne l’impression que le gouvernement Legault est assis sur des centaines de millions – les attentes sont nombreuses.

Le 3 décembre, toutes les souffleuses de Québec convergeront vers l’iceberg. Le Conseil du trésor a envoyé des mémos à bien des ministères pour savoir si un coup de râteau dans les classeurs permettrait de découvrir des mesures politiquement intéressantes laissées en plan par le précédent gouvernement.

Et il faut prévoir que dans sa mise à jour économique, le ministre des Finances, Éric Girard, constatera, en affichant une déception factice, que la montagne a disparu, que le surplus de 3 milliards se ramène à bien peu de choses. Pas de mesures fiscales, expliquait spontanément Éric Girard à La Presse mardi. « Pas de mesures législatives », faisait-il préciser par la suite. Les apparatchiks politiques font flotter des nuages ; l’économie québécoise était robuste cet été, mais des signes de ralentissement sévère se profilent pour l’automne. Pourtant, la mise à jour économique de Bill Morneau, publiée mercredi, prédisait 2 % de croissance pour 2019, un peu mieux que le 1,6 % anticipé au budget du printemps 2018. Tout se met en place pour préparer le public à une quasi-disparition des 3 milliards sur l’exercice 2018-2019.

Mais il ne faut pas oublier qu’on est dans une bien meilleure situation que prévu : le rapport préélectoral de la vérificatrice générale prévoyait un déficit de 637 millions.

Le gouvernement est en bonne situation pour annoncer des mesures à long terme, en tablant sur la croissance économique. 

La fin du régime Couillard aura été marquée par beaucoup de décisions ponctuelles, des investissements immobiliers, par exemple, qui n’ont pas la récurrence de changements dans la fiscalité des Québécois.

De son côté, le premier ministre Legault a publiquement fait savoir qu’il comptait bien « remettre de l’argent dans les poches des familles » à la première occasion. Et le recours à la fiscalité est incontournable. En campagne, la CAQ avait promis de bonifier le crédit d’impôt offert aux parents. On voulait doubler l’allocation familiale à partir du deuxième enfant pour les familles qui gagnent 107 000 $ ou moins. On visait à ce que le montant minimum passe de 630 $ à 1000 $, quel que soit le revenu. Au total, un retour de 760 millions pour les parents, mais il ne faut pas perdre de vue que c’est le niveau atteint après quatre années. L’application des nouveaux barèmes sera progressive.

Aussi, au centre de son énoncé, se retrouveront les engagements de campagne électorale de la Coalition avenir Québec. Les taux de taxes scolaires seront nivelés sur tout le territoire, engagement qui à terme coûtera 700 millions par année au gouvernement, au terme du mandat de quatre ans. Dans toutes les régions, le taux sera identique – les libéraux de Philippe Couillard avaient opté pour des taux planchers différents selon le territoire. 

En campagne électorale, le chef caquiste avait parlé de 10 cents du 100 $ d’évaluation. Certaines régions, les Laurentides, par exemple, sont déjà au plancher. La Capitale-Nationale n’est pas loin, mais on trouve des commissions scolaires où le taux est de 31 cents. Toutefois, si la déclaration du 3 décembre fixera le coût global de ces mesures, elle ne détaillera pas la mécanique nécessaire pour retourner l’argent aux contribuables. Pas d’urgence, les taxes scolaires sont payables seulement en août prochain.

L’énoncé du ministre pourrait aussi contenir des surprises. On évoque notamment une bonification de la politique de main-d’œuvre lancée en fin de mandat par le gouvernement Couillard. Du côté du Conseil des partenaires du marché du travail, on rapaillait des mesures fiscales susceptibles de favoriser les travailleurs ou les entreprises. La Fédération des Chambres de commerce, dans une étude, vient de remettre au centre du débat la nécessité de retenir les travailleurs « d’expérience » découragés par la fiscalité afin qu’ils restent actifs, passé le moment de la retraite.

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