les affamés

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Nombre de prix qu’a obtenu le film qui a gagné le plus de prix au Gala Québec Cinéma. Après les cinq prix remportés lors du Gala Artisans Québec Cinéma, mardi, l’équipe des Affamés a ajouté trois prix à sa récolte hier soir : meilleur film, meilleure réalisation (Robin Aubert) et meilleure interprétation féminine dans un rôle de soutien (Brigitte Poupart).

La Presse

Chronique

Bon départ, bad finale

Ce 20e Gala Québec Cinéma a été tranquille, limite beige. Il a débuté en force, puis s’est essoufflé à mi-parcours, connaissant un long passage à vide, et n’a jamais pu récupérer son tonus du départ.

Comme Mickaël Gouin, on comptait sur André Forcier pour pimenter cette soirée d’une déclaration-choc ou imprévisible. Eh non. Le réalisateur de 70 ans, qualifié d’enfant terrible du cinéma d’ici, a lu ses feuilles sur un ton monocorde pendant plus de trois minutes, ne regardant jamais la salle. Comment décrire ce moment de télé ? Ordinaire, pour demeurer poli.

Derrière lui, plusieurs de ses comédiens favoris fixaient le vide. Pas très réussi, cet hommage, ni très senti. À la fin de son discours peu enflammé, André Forcier a tout de même été élégant en déclarant : « Courez voir le dernier Arcand, c’est notre plus grand. »

Avec sa configuration similaire à celle des Golden Globes dans le studio 42 de Radio-Canada, ce gala se voulait sympathique et décontracté. Et il l’a été grâce au talent et à la complicité de ses deux animatrices, Édith Cochrane et Guylaine Tremblay. Sans elles, le temps aurait été doublement plus long.

Leur vignette de départ, où elles s’inséraient dans les scénarios de films québécois de la dernière année, a été efficace et comique. Oui, ce procédé est souvent employé dans les galas, mais il décroche des sourires à tout coup. Pourquoi s’en priver ?

Le monologue d’ouverture qui a suivi a renfermé plusieurs blagues juste assez acides, qui n’ont pas sombré dans la mesquinerie. 

Les auteurs ont fourni à Édith Cochrane et Guylaine Tremblay du matériel bien baveux à propos, notamment, des deux films de zombies en compétition, celui de Robin Aubert (Les affamés) et celui de Bernard Émond (Pour vivre ici), où Élise Guilbault joue une morte-vivante. Excellent gag, un des plus réussis de cette émission de 2 h 15 min.

Les remarques sur le clivage entre les films d’auteur et les films populaires ont visé juste. En rapprochant physiquement ces deux clans dans la salle, peut-être que les films d’auteur vont finir par être le fun à regarder et peut-être que les films populaires vont finir par être bien écrits, a lancé Édith Cochrane. Encore une fois, bien envoyé.

Le reste du matériel des deux copilotes du gala n’a pas été extraordinaire. Le faux film La défriche n’a pas volé haut et le segment sur les commentaires « des gens du milieu » n’a pas été rigolo. C’était bourré de clichés.

La laideur du trophée Iris n’aide pas non plus. Sérieusement, c’est ce tibia de Robocop que les lauréats exposeront sur leur manteau de cheminée ? Autre truc pas joli : l’écran bleu qui défilait derrière les présentateurs. À ne plus refaire.

Le discours de remerciement de Robin Aubert (Les affamés) a été un de mes préférés. Pas de fla-fla, il a salué ses deux mentors, André Forcier et Robert Morin, qui ont « des caractères de marde ».

Devant leurs pairs, Maude Guérin et Théodore Pellerin, du film Chien de garde, ont été éloquents et émouvants. En fait, la majorité des lauréats ont été brillants au micro hier, de Brigitte Poupart (Les affamés) à Emmanuel Schwartz (Hochelaga, terre des âmes), rien à dire là-dessus.

Sur la petite scène, la scénariste Nicole Bélanger, des Rois mongols, a dévoilé une très belle nouvelle : en plus de son prix, elle est guérie de son cancer.

Une des grosses surprises de cette fête du septième art a été le prix du public gagné par Junior majeur. On s’attendait tous à ce que De père en flic 2 ou Bon Cop, Bad Cop 2 sorte de l’enveloppe.

Comme vous, j’imagine, plusieurs des films finalistes d’hier ne me sonnaient pas beaucoup de cloches. Boost ? Isla Blanca ? Les faux tatouages ? We’re Still Together ? Pas vu, presque pas entendu parler.

Intéresser des téléspectateurs à un gala où les nommés ont presque tous glissé sous le radar médiatique s’avère toujours ardu. Surtout rendu en juin, après une saison de galas passablement chargée.

Les organisateurs plaident que cette soirée sert de vitrine pour exposer des œuvres à un plus large public. Oui et non. Le triomphe des Affamés se traduira certainement en nouveaux fans. Pour les autres, l’effet Iris ne propulsera pas leur carrière de façon miraculeuse.

Règle générale, on regarde un gala pour prédire les vainqueurs, pour encourager nos favoris et pour, ultimement, gagner son « pool ». Et les cérémonies qui cartonnent tournent systématiquement autour d’un grand film qui a rallié la critique et le public, comme l’année de Mommy, par exemple.

D’où l’importance d’avoir deux animatrices allumées comme Guylaine Tremblay et Édith Cochrane, qui naviguent aisément entre le pointu et le populaire avec une bonne rasade d’autodérision. Il ne faudrait pas les perdre, ces deux-là.

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