La fée marraine

Une garde-robe qui fait du bien

Quoi de neuf, fée marraine ?

En juin, nous vous avons parlé d’une enseignante d’une école secondaire de Saint-Léonard qui avait entrepris de constituer une garde-robe de tenues de soirée pour permettre à ses élèves les plus démunies d’aller elles aussi à leur bal de fin d’année, en beauté.

La fée marraine tenait là une bonne idée, beaucoup de bonne volonté, mais des moyens assez limités. Ses robes, dont certaines étaient tachées ou démodées, étaient accrochées tristement dans un placard de fortune, au fond d’une salle de professeurs qui ne payait pas de mine.

Cela, c’était avant. Depuis ? La déferlante. Sitôt l’article paru, la fée marraine – Linda Blouin, pour les intimes – a reçu des tonnes de courriels de femmes des quatre coins de la province prêtes à se défaire de leur robe de bal ou de soirée.

« Encore cette semaine, dans une grosse boîte rouge, j’ai reçu une magnifique robe avec un petit mot très touchant ! »

— Linda Blouin

De grandes entreprises sont entrées dans la danse. Une boutique haut de gamme a donné 40 robes neuves.

« J’ai répondu à chaque courriel, à chaque coup de fil, en disant à chacune : “Gardez-moi vos robes. Je vous reviens d’ici Noël.” »

RÈGLE DE DISCRÉTION

La fée marraine comprenait que cela devenait gros, que ça allait dépasser le cadre de son école. Mais ce à quoi elle tenait ferme, c’est que jamais cela ne vire à de bons samaritains qui, tambours battants, donnent à des pauvresses. « Au bal, l’an dernier, à un moment donné, je me suis retrouvée entourée de filles que j’avais toutes habillées et qui, même entre elles, ne le savaient pas. Tout le monde ignorait qu’elles n’avaient pas payé leurs robes. Si le projet devait grossir, me disais-je, cette règle de discrétion absolue devait être maintenue », insiste Mme Blouin.

Un de ses anciens élèves l’a interpellée. Le petit appel à tous qu’elle avait lancé sur Facebook, ça n’allait pas, lui a-t-il fait comprendre. Ce qu’il lui fallait, c’était un site internet en bonne et due forme et une carte professionnelle design. Reconnaissant par rapport à l’aide qu’elle lui avait apportée des années plus tôt, il allait lui faire cela gratuitement. « Simple retour du balancier », lui a-t-il dit.

Puis, il y a eu l’intercession du vice-président d’une grande entreprise, qui l’a mise en contact avec la (très) haute société.

Et voilà que s’est constitué un conseil d’administration de 13 femmes « qui, pour certaines, ont travaillé jusqu’à 35 heures par semaine sur le projet ».

Le placard de fortune de départ est aujourd’hui constitué de 300 robes. Linda Blouin est maintenant à la tête d’un organisme à but non lucratif qui, bientôt, sera constitué en organisme de bienfaisance et qui pourra délivrer des reçus d’impôt. Et cela, « grâce aux conseils légaux d’un avocat d’un gros cabinet qui m’a fait cela pro bono ».

Le projet, feesmarraines.ca, dépasse maintenant les limites de sa seule école (Antoine-de-Saint-Exupéry) et de sa seule commission scolaire (Pointe-de-l’Île). (Et sans le dire trop fort, à la petite semaine, Mme Blouin travaille aussi à trouver de beaux habits aux garçons !)

ÉNERGIE FUTILE ?

À la suite de la recommandation d’un enseignant ou d’une travailleuse sociale certifiant les moyens très limités de leurs parents, des filles provenant de diverses écoles sont conviées ces jours-ci à leur séance d’essayage dans cette « boutique hyper chic » qu’elle n’aurait pas les moyens de fréquenter elle-même !

Si Linda Blouin est celle qui a remué ciel et terre pour que tout cela soit possible, c’est l’une de ses finissantes, Geneviève Peel, qui lui a donné l’impulsion de départ. C’est cette jeune fille, aujourd’hui au cégep, qui ne lui a pas donné le choix de mettre son idée de départ à exécution lorsqu’elle lui a apporté sa propre robe.

En cours de route, Linda Blouin admet s’être posé des questions, s’être demandé si toute cette énergie déployée pour un simple bal de finissants n’était pas un peu futile. Et puis, non.

« Il y a de moins en moins de rites de passage dans la société, et le bal, c’est l’un des rares qui a survécu et c’est l’un des rares jours où tout le monde peut être sur un pied d’égalité. »

— Linda Blouin

« C’est clair que notre projet ne va pas régler la faim dans le monde et qu’on n’est pas en train de bâtir une école en Afrique, conclut Geneviève Peel. Mais ce projet, c’est ce que l’on est capable de faire à notre échelle, à l’échelle d’une école. Et qui sait si notre idée ne va pas inciter d’autres gens à faire quelque chose de plus grand encore ? »

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