Personnalités de la semaine

Éric Cohen et Mariana Bego

Éric Cohen est virologue moléculaire. Mariana Bego est chercheuse en rétrovirologie humaine. Ensemble, ils essaient de comprendre pourquoi le VIH réussit à s’installer dans un organisme même si le corps dispose d’un mécanisme pour le bloquer. Le mois dernier, ils ont trouvé une piste. Ce sont nos personnalités de la semaine.

La communauté scientifique enquête sur les mécanismes d’infection et de propagation du sida depuis 1983, quand des chercheurs ont démontré que le VIH causait la maladie. Éric Cohen est là depuis le tout début, ou presque. Il a commencé à étudier le sida en 1986.

« C’est un combat de longue haleine et les défis sont importants », reconnaît le chercheur.

Même si les avancées majeures sont rares, il garde espoir et demeure déterminé à trouver des réponses pour contribuer au combat contre la maladie.

« J’ai du recul. Quand j’ai commencé, le sida était fatal. Au fil du temps, les découvertes ont mené collectivement au développement de traitements. La maladie, on peut maintenant la maîtriser. »

« Je garde le moral parce qu’on fait toujours des découvertes. On avance. »

— Éric Cohen

Éric Cohen dirige aujourd’hui l’Unité de recherche en rétrovirologie humaine de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), centre de recherche affilié à l’Université de Montréal.

Sa collègue, Mariana Bego, est une chercheuse en rétrovirologie humaine originaire de l’Argentine. Elle est arrivée au Canada en 2008 après avoir passé quelques années aux États-Unis à étudier entre autres le cytomégalovirus humain, une forme d’herpès, et l’hantavirus, une fièvre hémorragique.

« J’ai finalement décidé de me consacrer à l’étude du sida. Je crois qu’il faut trouver des traitements plus abordables et plus accessibles avec moins d’effets secondaires. Ultimement, on doit trouver un traitement qui mènera à une guérison définitive. »

MORCEAU PAR MORCEAU

Il reste encore des obstacles au développement d’un médicament qui pourrait mener à une rémission, mais Éric Cohen et Mariana Bego croient avoir trouvé une pièce importante du casse-tête.

« Généralement, quand un individu vient d’être infecté par un virus, son corps produit de l’interféron, explique Éric Cohen. C’est une molécule qui limite la propagation du virus. »

En théorie, l’interféron devrait donc limiter la propagation du VIH.

« Ce qu’on a découvert, c’est que la protéine virale du VIH nommée “Vpu” bloque la réponse à l’interféron. Le virus esquive ainsi cette première étape de défense et s’installe dans des cellules humaines d’où on est incapable de le déloger. »

La découverte, publiée dans la revue scientifique américaine PLOS Pathogens, suggère qu’il serait possible de rétablir la réponse normale du corps à l’interféron en bloquant la protéine virale Vpu.

« On pourrait ainsi limiter l’infection initiale par le VIH », indique Éric Cohen.

C’est une percée importante parce que les traitements actuels ne sont pas en mesure de faire reculer la maladie une fois qu’elle a jeté ses bases.

« Il aura fallu trois ans de travail pour comprendre ce mécanisme », dit Mariana Bego. 

« Les bons résultats nous alimentent parce qu’en sciences, seule une petite fraction de nos recherches finissent par mener à une découverte. »

— Mariana Bego

Elle est consciente que son travail ne permet pas, à lui seul, d’élaborer le remède miracle.

« Mais nous espérons toujours, en tant que chercheurs, que nos découvertes aideront les gens touchés par le VIH. Morceau par morceau, nous complétons le casse-tête. »

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