Pourquoi la Chine censure Winnie the Pooh

Les Chinois ont été si nombreux à diffuser des images de Winnie the Pooh sur les réseaux sociaux depuis dimanche que les censeurs sont intervenus : les images de l’ourson qui aime le miel sont désormais bloquées. Le public protestait contre la décision du président Xi Jinping de faire sauter la limite de deux mandats à la tête de l’État. Explications.

« Système féodal »

Les Chinois se sont moqués cette semaine de leur président Xi Jinping en diffusant des images de Winnie the Pooh sur les réseaux sociaux Weibo et WeChat. Si bien que les censeurs ont mis fin à la pratique en effaçant les images « offensantes », ainsi que les billets contenant les expressions « Je proteste », « proclamé roi », « Winnie the Pooh » et « système féodal ». Un slogan attribué à Winnie the Pooh, « Find what you love and stick with it » (Trouve ce que tu aimes et restes-y fidèle), a lui aussi disparu des réseaux sociaux.

« Comme la Corée du Nord »

Les Chinois protestaient contre l’annonce, dimanche, de l’intention du Parti communiste chinois de changer la Constitution du pays pour en retirer l’obligation pour le président de quitter son poste après deux mandats de cinq ans. Ce changement permet au président Xi Jinping de rester au pouvoir aussi longtemps qu’il le désire. « Argh, nous allons devenir la Corée du Nord », a écrit un utilisateur sur Weibo peu impressionné par la nouvelle directive… La comparaison entre Winnie the Pooh et M. Xi remonte à 2013, lorsque le personnage et son ami Tigrou avaient été utilisés en juxtaposition à une photo montrant Xi Jinping et Barack Obama. Depuis, les images de Winnie employées pour rire de M. Xi redeviennent périodiquement sur les réseaux sociaux chinois.

Consolider sa position

La décision de faire sauter la limite de mandats « n’est pas surprenante », explique en entrevue Benoit Hardy-Chartrand, chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques de l’Université du Québec à Montréal, actuellement en poste au Japon. « Durant son premier mandat à titre de président, Xi Jinping a déployé tous les efforts pour consolider sa position au sommet de la hiérarchie politique chinoise, en établissant de nombreux comités et organisations qu’il dirige lui-même, concentrant le pouvoir entre ses mains, note-t-il. L’élimination annoncée de la limite de deux mandats comporte certains risques pour la Chine, alors que le système sera davantage soumis à la volonté du président [comme c’était le cas sous Mao Zedong]. »

Opposition à Trump

À long terme, cela veut probablement dire que la Chine continuera à s’imposer sur le plan international, note M. Hardy-Chartrand. « Xi Jinping exprime maintenant ouvertement sa volonté de faire de la Chine un modèle alternatif au modèle occidental. La rivalité avec les États-Unis va donc s’intensifier, avec toutes sortes de conséquences potentielles sur la stabilité internationale. Déjà aux États-Unis, on voit de moins en moins la Chine comme un partenaire, mais plutôt comme un “compétiteur stratégique”, comme elle a été étiquetée dans la toute première “Stratégie de sécurité nationale” de l’administration Trump, publiée en décembre. Ces tendances risquent fort de s’accentuer. »

Intolérable

Pour la presse progouvernementale chinoise, les inquiétudes soulevées en Occident cette semaine au sujet de la fin de la limite de deux mandats à la présidence chinoise sont motivées par une haine de voir la Chine réussir. En éditorial, le quotidien Global Times a écrit : « La première raison derrière tout cela est que la montée de la Chine a atteint un point critique, au point où certains Occidentaux ne peuvent plus la supporter psychologiquement. Ils veulent voir un malheur arriver au pays. »

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