Les clés de la natalité
Le gouvernement parle d’amputer des programmes qui fonctionnent au-delà des espérances. Est-ce sa façon d’être « réaliste » ?
Valérie Harvey
Candidate au doctorat en sociologie à l’Université Laval
Grâce au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et au coût des garderies subventionnées, le Québec est l’endroit en Amérique qui supporte le mieux la venue d’un enfant. Évidemment, ce n’est plus le cas quand on se compare au reste des pays développés, car plusieurs pays supportent beaucoup mieux la mère (la France) ou le père (l’Islande).
En 2000, lors de l’implantation des garderies subventionnées, la baisse de la natalité (1,45 enfant par femme) s’est arrêtée et la courbe s’est lentement tournée vers le haut. En 2006, juste après l’implantation du RQAP, on ne pouvait pas conclure si la brusque remontée était due au programme ou à une coïncidence.
Or on sait maintenant que la combinaison entre les garderies subventionnées et les congés parentaux ont eu un impact significatif sur la fécondité des Québécoises. Car huit années après l’arrivée du régime québécois d’assurance parentale, les statistiques continuent d’être encourageantes (1,65 enfant en 2013). Selon l’Institut de la statistique du Québec, la fécondité depuis 2006 est à un niveau supérieur à ce qui a été enregistré entre 1980 et 2006 !
Cette natalité a des effets imprévus. Plus d’enfants signifient que le programme RQAP coûte plus cher, que les garderies sont surchargées, que les écoles ne savent plus où mettre les nouveaux élèves et que les employeurs doivent développer des mesures de conciliation travail-famille pour conserver leurs employés. Ces effets sont tous des signes clairs que les mesures mises en place depuis 2000 (garderies subventionnées et RQAP) fonctionnent.
Et on n’a même pas abordé les changements positifs apportés par ces programmes. Ma thèse de doctorat s’intéresse justement aux pères. Depuis l’instauration du RQAP, ils utilisent massivement les congés parentaux et ils prennent souvent plus de semaines que le seul congé de paternité. Quels seront les effets de cette présence du père dans la vie des enfants ? Sur le partage des tâches et des soins ? Quel impact aura cet appui du conjoint sur les mères ?
Certains dénoncent ces programmes, jugés trop généreux. Or, avant leur application, le nombre d’enfants par femme n’était que de 1,45 et il était en pente descendante depuis 1980. Si le budget familial n’est pas le seul critère qui détermine la venue d’un enfant, il a toutefois deux effets bien documentés : il peut retarder la venue du premier enfant et il diminue également le nombre de bébés dans une famille.
Souhaitons-nous diminuer une natalité qui n’est toujours pas suffisante pour remplacer la population actuelle (il faudrait 2,1 enfants par femme) ? Avons-nous vraiment compris que le programme des garderies subventionnées est plus qu’autofinancé par les impôts de ces femmes qui retournent au travail après la naissance ? Et si on diminue la durée du congé parental de 2-3 mois, qui s’occupera de ces poupons qu’on gardait à la maison ?
Le parent qui opte pour un congé parental d’une année voit son revenu diminuer de 30 % pour quelques semaines, puis de 45 % pour au moins la moitié du congé. Peut-on vraiment dire que le programme est généreux ? Sommes-nous plusieurs à renoncer à près de 50 % de notre salaire pour six mois, un an ?
Le gouvernement libéral parle donc d’amputer des programmes qui fonctionnent bien au-delà des espérances. Est-ce vraiment sa façon d’être « réaliste » ?