Agriculture

Être une jeune agricultrice au Québec, en 2018

Si on mange chaque jour, c’est grâce à leur travail. Pourtant, on connaît – et on valorise – peu les agricultrices. À son arrivée à la présidence du Conseil du statut de la femme en 2017, Me Louise Cordeau a demandé si l’organisme s’était déjà intéressé à la place des femmes en agriculture. La réponse négative l’a motivée à demander une étude à ce sujet, qui paraîtra en 2019.

En guise d’amuse-gueule, le Conseil fait paraître dès aujourd’hui La relève agricole féminine au Québec – Remuer ciel et terre, un document qui brosse le portrait de trois agricultrices de moins de 40 ans. En voici un aperçu.

Un milieu masculin

Près de 12 000 femmes détiennent actuellement des parts dans une entreprise agricole au Québec, selon le ministère de l’Agriculture (MAPAQ). Elles représentent 27 % des propriétaires de ce type d’entreprise, ce qui est peu. Plus rares encore (à peine 6,4 % !) sont les entreprises agricoles détenues entièrement par une femme.

Avec une population agricole qui vieillit et une baisse constante du nombre de fermes, la relève féminine est essentielle pour assurer l’avenir de l’agriculture québécoise, selon le Conseil. Or, l’avenir ne s’annonce pas tellement féminin. Les femmes forment seulement 30 % de la relève – un terme qui rassemble les agriculteurs de moins de 40 ans détenant au moins 1 % des parts d’une ferme.

Maude Tremblay en solo

Une de ces jeunes agricultrices est Maude Tremblay, propriétaire d’une ferme spécialisée en bovins de boucherie à Sainte-Florence, dans la vallée de la Matapédia. « Elle est agricultrice en solo, donc elle rompt avec le modèle traditionnel qui est de s’établir avec son conjoint, dans le format familial », note Nathalie Bissonnette, professionnelle de recherche et auteure des trois portraits. Après avoir étudié en production et en santé animales, elle a commencé à travailler pour l’ancien propriétaire de l’exploitation. Dans les coulisses, des gens demandaient à ce dernier ce qu’il allait faire avec une fille dans sa ferme…

Maude Tremblay s’est bien débrouillée, car son employeur (sans lien de parenté) lui a proposé de racheter le cheptel et la machinerie. L’agricultrice a aussi bâti une expertise en génétique bovine, dont elle fait la promotion sur les réseaux sociaux. « Elle est très visible, ce qui est nouveau par rapport aux femmes des générations précédentes en agriculture », indique Nathalie Bissonnette.

Audrey Bogemans, femme d’affaires

Benjamine d’une famille de quatre filles, Audrey Bogemans a fait un détour par le marketing et la publicité avant de reprendre la ferme familiale avec son mari. Elle gère aujourd’hui l’entreprise spécialisée dans la culture de maïs, de soya et de blé à Saint-Sébastien, en Montérégie, en plus de faire la location d’un centre de grains d’une capacité de 15 000 tonnes.

Audrey Bogemans a parfois de la difficulté à être prise au sérieux, par exemple quand un agronome ou un vendeur de tracteurs demande à la voir avec son père. Ce n’est « pas une question d’âge, c’est une question de sexe, clairement », affirme-t-elle dans le rapport. Son mari n’a pas droit au même traitement. C’est en faisant doubler l’activité du centre de grains qu’elle a fait ses preuves.

« Audrey Bogemans est présidente de la Chambre de commerce et de l’industrie du Haut-Richelieu, souligne Me Louise Cordeau. Elle se définit comme une entrepreneure. » Mère de deux enfants, l’agricultrice sait faire l’objet d’une certaine désapprobation dans son milieu, en n’incarnant pas le modèle traditionnel de la bonne mère présente.

Véronique Bouchard, fermière de famille

Copropriétaire avec son conjoint de la ferme biologique Aux petits oignons de Mont-Tremblant, dans les Laurentides, Véronique Bouchard fait partie des femmes qui ont dû créer une ferme pour en vivre. Près de 45 % des femmes qui s’établissent en agriculture le font par démarrage d’entreprise, contre 32 % des hommes – à qui on transfère plus souvent la ferme familiale.

« Ce qui est admirable dans son cas, c’est que c’est une entreprise pleine de sens, de valeurs, dont la réputation dépasse les frontières du Québec », estime Nathalie Bissonnette. Fait remarquable, la ferme Aux petits oignons a mis en place une politique familiale pour ses employés. Les parents de jeunes enfants bénéficient ainsi d’horaires plus flexibles et sont en congé les 24 juin et 1er juillet, quand les garderies sont fermées.

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