Changements climatiques soccer

Chaleur extrême à Orlando

En ce mois d’octobre 2016, l’enjeu est élevé pour l’Impact, qui vise une place en séries. Le thermomètre l’est tout autant puisqu’il dépasse les 32 ºC au Camping World Stadium d'Orlando. Le soleil de plomb qui tape à 13 h, l’humidité et le terrain synthétique rendent les conditions particulièrement suffocantes pour les deux équipes. 

À l’heure actuelle en MLS, Orlando, Houston et Dallas dominent le palmarès des destinations difficiles sur le plan météorologique. Les changements climatiques accentueront encore cette position, puisque les États de la Floride et du Texas seront particulièrement touchés par la hausse des températures. À quoi ressembleront les événements sportifs dans le sud des États-Unis ? L’Impact en a eu un aperçu lors de ce match.

« À chaque micro-arrêt, tu ressens vraiment l’atmosphère. Tes pieds chauffent à cause du synthétique, ton front brûle parce que le soleil, à 13 h, est au-dessus de toi, et tu es complètement en sueur », décrit Wandrille Lefèvre, titulaire en défense centrale. 

Les joueurs présents sur la pelouse cette journée-là n’ont pas oublié LE match à Orlando. Comme Lefèvre, Patrice Bernier est en mesure d’en rappeler chaque détail : la préparation, l’enjeu, les effets de la chaleur, la physionomie du match… Il a déjà connu des conditions extrêmes en sélection canadienne, lors d’un match disputé l’après-midi en Jamaïque, mais ce déplacement floridien reste unique dans sa carrière en club. 

« On marchait quasiment sur le terrain parce qu’on devait ressentir 40 ºC. Tout ce que tu respirais, c’était de l’air chaud et c’était difficile d’avancer. Tu n’as pas le choix de gérer tes efforts et de choisir tes courses, surtout contre un adversaire qui est habitué à jouer dans ces conditions-là. » 

— Patrice Bernier, ex-capitaine de l’Impact

Première interrogation : pourquoi les deux équipes ont-elles joué à 13 h alors que la température serait descendue à 25 ºC en soirée ? Tout simplement parce que le réseau ESPN avait choisi de diffuser ce match sur le plan national. 

« Comme joueur, on savait que c’était stupide de jouer à 13 h à Orlando. Mais il y avait le facteur [Didier] Drogba [il n’a finalement pas joué] contre Kaka, et le diffuseur n’a pas voulu changer d’horaire, regrette Bernier. On n’a pas pensé au bien-être des joueurs. Ce n’est pas bon pour le spectacle. On veut donner le meilleur divertissement au public, mais ces conditions ne permettent pas de le faire. » 

Des points perdus

Cette semaine-là, les joueurs de l’Impact ont effectué des séances matinales sous des températures oscillant entre 6 et 12 ºC. S’ils étaient particulièrement au courant des conditions extrêmes attendues, le choc a tout de même été rude sur place. 

« Quand tu finis l’échauffement et que tu retournes dans les vestiaires, tu sais que tu as déjà puisé dans beaucoup d’énergie, raconte Lefèvre. Mentalement, tu sais que ça va être très difficile parce que tu es en sueur, trempé et un peu déshydraté. » 

À chaque arrêt de jeu, les joueurs se ruent sur des bouteilles d’eau. À la mi-temps, ils placent rapidement des serviettes trempées d’eau sur le cou et la tête. Ils boivent quelques gorgées et certains changent leur équipement au complet, y compris les souliers. L’Impact l’a finalement emporté 1-0 grâce à un but de Dominic Oduro, mais ce match est l’exception qui confirme la règle. Combien de points l’Impact a-t-il perdus, depuis 2012, à cause de ces variations de température et du climat montréalais pas toujours avantageux ? 

« Quand il fait 12 ºC à Montréal et qu’il en fait 20 de plus dans le sud des États-Unis, c’est un facteur à considérer. Il y a un choc sur le corps, répond Bernier. Je pense aussi que l’Impact paye le prix en début de saison quand tu t’entraînes à 0 ºC alors qu’il fait une vingtaine de degrés ailleurs. Ce n’est pas une excuse, mais ce sont des facteurs qui nuisent à la concentration pendant 90 minutes. » 

Des ajustements

Selon les prévisions, la Floride et le Texas devront notamment composer avec des températures plus extrêmes et des dépressions tropicales plus intenses. La ville de Miami, où une équipe se joindra à la MLS dans deux ans, sera aux prises avec la montée des eaux. La chaleur et l’humidité seront plus présentes dans ces villes du Sud. Mais comment bien les apprivoiser maintenant ? « Dans ces matchs-là, c’est difficile d’opposer jeu contre jeu. Quand on voulait mettre en place un jeu de possession, on se faisait démonter », dit Lefèvre par expérience. La victoire à Orlando reste d’ailleurs un modèle du genre avec un bloc bas et bien synchronisé, un jeu de transition efficace, ainsi qu’une solidarité à toute épreuve. La préparation, elle, peut être adaptée en cas de chaleur extrême. Les joueurs disposent, par exemple, de sachets d’électrolytes à dissoudre dans des bouteilles d’eau. « Il faut que les équipes planifient ces choses-là même si ce n’est pas simple, reconnaît Jonathan Tremblay, professeur agrégé au département de kinésiologie de l’Université de Montréal. Il y a plein d’optimisations à faire pour influencer la performance du joueur. Ça peut se faire avec des boissons selon le niveau de perte de liquide. Selon les positions de jeu et le rythme du jeu, on peut aussi individualiser la nutrition. Il y a aussi la possibilité, à Montréal, de simuler les environnements chauds. » 

Les bienfaits de la chaleur

Selon Jonathan Tremblay, la température permettant des performances optimales varie en fonction des conditions. « En soccer, c’est optimal quand il fait autour de 15 à 20 ºC. Mais ça peut dépendre du niveau d’ensoleillement. Si c’est nuageux, ça peut être un peu plus autour de 25 ºC, mais si c’est très ensoleillé, c’est davantage autour de 10-15 ºC. » Qu’en est-il, par ailleurs, du fameux avantage dont bénéficient les équipes évoluant dans des marchés où le soleil est plus présent ? « S’exposer à un environnement chaud peut améliorer la forme physique et certains paramètres de la condition physique. Le VO2 max [volume maximal d’oxygène utilisé par les muscles] va être amélioré un petit peu. Cela augmente le volume sanguin. »

Des pauses d’hydratation

Les joueurs de l’Impact et d’Orlando ont bénéficié de deux pauses d’hydratation, vers les 30e et 75e minutes, au cours de ce match d’octobre 2016. Selon les règlements de la MLS, celles-ci sont en vigueur lorsque le thermomètre affiche plus de 82 ºF (27,7 ºC). La MLS utilise l’Indice de température au thermomètre-globe mouillé (Wet Bulb Globe Temperature), qui prend en compte la température, l’humidité, mais aussi la vitesse du vent, l’angle du soleil et la couverture nuageuse. En cas de chaleur extrême, les arbitres peuvent mesurer la température jusqu’à trois fois : une heure avant le match, après l’échauffement et durant la mi-temps. Si la température est supérieure à 92,3 ºF (33,5 ºC), la partie est arrêtée jusqu’au retour de conditions plus favorables.

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