ÉLECTIONS PROVINCIALES

CADRES FINANCIERS DES PARTIS POLITIQUES Prévoyez des revenus et ils apparaîtront

Les cadres financiers des partis ont au moins une chose en commun avec Marcel Proust : beaucoup en parlent, mais peu les lisent. Pour la plupart des citoyens, ils se résument en trois lettres : zzz…

Pourtant, c’est à partir d’eux que les promesses sont construites. Si cette fondation est faible, tout risque de s’écrouler.

Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir des dernières élections québécoises. Philippe Couillard promettait d’investir en éducation et en santé, puis il a comprimé certains services. Les libéraux disaient ne pas avoir le choix à cause du « trou » laissé dans les finances publiques par le précédent gouvernement.

Cette année, aucun parti n’aura cette excuse. La vérificatrice générale a dévoilé un portrait indépendant des finances publiques. Son constat : elles sont désormais en ordre. D’ailleurs, le chômage, le poids de la dette ou la lutte contre le déficit ne figurent plus au cœur des débats.

Tout aurait dû être en place pour des cadres financiers crédibles. Or, ils sont un peu trop créatifs.

Dans l’ensemble, les partis ont le mérite de maintenir un coussin pour intervenir lors de la prochaine récession. Mais ils restent très optimistes sur les revenus qui financeraient les promesses.

Le coût des promesses à terme (2022-2023)

PLQ : 2,449 milliards

CAQ :  2,678 milliards

PQ :  2,668 milliards*

QS : 12,905 milliards

* Excluant les économies espérées par la renégociation promise avec les médecins.

Éditorial

PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC
Croissance dopée

Les libéraux n’ont pas joué selon les règles qu’ils avaient eux-mêmes fixées.

Les partis devaient utiliser comme point de départ les projections financières de la vérificatrice générale. Or, les libéraux ont ajusté à la hausse la croissance économique anticipée, et ce, pour chaque année d’un nouveau mandat. En un coup de crayon, ils ont ainsi dégagé 5,2 milliards pour payer des promesses.

D’un point de vue économique, cette projection de croissance peut se défendre. Ces hypothèses sont toujours imprécises, surtout à long terme. Le gouvernement sous-estime habituellement les revenus par prudence. Cette fois, les libéraux font un peu le contraire.

Le problème est que cette manœuvre est injuste pour leurs adversaires. Les libéraux ont demandé aux autres partis d’utiliser les projections de la vérificatrice générale afin que chacun finance ses promesses à partir des mêmes revenus. Puis eux déplacent les virgules afin de faire apparaître de l’argent à distribuer.

Quant aux projections de dépenses, dans l’ensemble, elles sont raisonnables. En les analysant à la loupe, un détail gênant s’observe toutefois : elles gonfleront cette année, juste à temps pour les élections. Les troupes de Philippe Couillard ont même pigé dans leurs marges de manœuvre pour dépenser plus, même si l’économie s’emballait. Cela ressemble autant à une stratégie de réélection qu’à un plan économique.

Éditorial

COALITION AVENIR QUÉBEC Ciseaux miracles

La Coalition avenir Québec (CAQ) gonfle aussi la croissance économique prévue par la vérificatrice, mais moins que les libéraux (1,05 milliard en quatre ans).

C’est plutôt dans les réductions de dépenses que les caquistes exagèrent. Ils croient récupérer rien de moins que 4 milliards en quatre ans.

François Legault mise entre autres sur une meilleure gestion des contrats informatiques (526 millions) et de l’ensemble des approvisionnements (1,476 milliard). De plus, il abolirait les postes de 5000 fonctionnaires après leur départ à la retraite (987 millions).

C’est énorme… À titre de comparaison, durant la période de compressions libérales, le gouvernement Couillard a économisé nettement moins. Et ce, avec les dommages collatéraux que l’on connaît.

Pour couper dans tout ce « gras » sans ronger l’os, les caquistes devront utiliser un scalpel d’une précision inouïe.

Autre faiblesse : la CAQ estime à 249 millions le coût à terme de la construction de maternelles 4 ans. Pour arriver à ce chiffre, elle présume que des locaux seront trouvés, que des enseignants seront embauchés malgré la pénurie, et que tous les parents suivront, ce qui générerait des économies ailleurs dans les services de garde. Cela fait beaucoup de si…

Par contre, la CAQ a joué de prudence sur deux autres aspects. Même si elle promet de renégocier les ententes avec les médecins, elle n’inclut pas ces sommes espérées dans son cadre financier, au cas où elles ne se concrétiseraient pas. Et contrairement aux libéraux, elle ne pige pas dans la réserve de stabilisation, ce qui lui laisse une marge de manœuvre si ses réductions de dépenses ne se concrétisent pas.

Éditorial

PARTI QUÉBÉCOIS Croire à l’« humanisme »

Les péquistes ont respecté les règles. Ils ont repris les projections de la vérificatrice générale et ils ont fait valider leur cadre financier par des économistes, comme le veut la coutume.

Par contre, ils ont fait leurs calculs les doigts croisés. Leur chef Jean-François Lisée prévoit que les médecins accepteront de renégocier leur faramineuse entente et qu’ils redonneront à l’État pas moins de 3,46 milliards d’ici quatre ans. M. Lisée mise sur leur « humanisme » pour créer un « très beau moment social ». Il n’exclut pas non plus de recourir à une loi spéciale. Cet énorme point d’interrogation plane au-dessus de ses calculs.

Pour le reste, le cadre financier péquiste contient peu de surprises. Il n’offre pas de baisses d’impôts ou de réductions de dépenses comme celui des caquistes. Il s’applique plutôt à protéger les services en pigeant dans la réserve de stabilisation pour compenser son déficit prévu en 2019-2020.

Éditorial

QUÉBEC SOLIDAIRE Vivre dans son aquarium

Dans leur dernière année de mandat, les solidaires dépenseraient plus que les trois autres partis réunis ! Ils réduiraient de moitié les tarifs des transports collectifs, et rendraient gratuits les soins dentaires des mineurs ainsi que l’école de la garderie à l’université.

Le parti de gauche mise sur une plus grande contribution des riches, sur la lutte contre l’évasion fiscale ainsi que sur la hausse du salaire minimum et des redevances minières et aquifères. Il croit en retirer pas moins de 12 milliards. Dans ce calcul, il oublie toutefois que le Québec ne vit pas dans un aquarium.

Certes, l’évasion fiscale est une injustice honteuse et la concurrence fiscale entre les États a réduit la contribution des entreprises et des riches aux programmes sociaux. Mais si nos impôts augmentent, certains trouveront une façon de déplacer leur argent – cela s’est observé avec la récente baisse d’impôt aux États-Unis et avec la hausse au Canada pour les plus nantis.

Même chose pour le salaire minimum à 15 $. Cela augmentera le pouvoir d’achat des travailleurs et stimulera l’économie. Mais en contrepartie, cela pourrait nuire à certains petits entrepreneurs. Les solidaires ne calculent que les retombées positives en omettant les conséquences négatives.

Politiquement, ces décisions peuvent se défendre. Mais cela ne justifie pas de sortir ses lunettes roses quand vient le temps de les chiffrer.

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