Martine Delvaux

Auteure féministe, elle a publié « Justin, nouveau “sex-symbol” » dans Le Devoir, au lendemain des élections fédérales.

À froid, que pensez-vous d’un article pareil ?

« Je trouve ça un peu banal, ça se lit comme on lit n’importe quel truc de vedettes, dit-elle. Dans son cas, ça nous dit que puisqu’il est jeune et beau, on lui accorde plus d’attention. » Le Madame Figaro le compare carrément à JFK, ce qui n’est pas anodin. « On ne parle pas de la même manière d’Angela Merkel. Mais est-ce qu’il mérite toute cette attention ? Est-ce qu’on la mérite jamais ? »

Est-ce l’ultime démonstration de l’importance de l’apparence en politique ?

« Oui. L’importance de l’apparence fait que les personnalités politiques sont des personnalités tout court. Au même titre que les vedettes. Dans les derniers mois de Barack Obama, c’était un peu devenu ça aussi… », fait valoir Martine Delvaux.

N’est-ce pas un peu prendre les lectrices pour des cruches ?

« Eh oui, on nous prend pour des dindes, c’est sûr. Ça me heurte parce qu’ensuite, on ne parle que des femmes par ailleurs fortes qui deviennent autour de lui des potiches », dit-elle, citant l’actrice Emma Watson, féministe affirmée, entre autres fans de notre premier ministre.

Et si ça avait été une femme, aurait-on osé en parler ainsi ?

« Le double standard est là, s’insurge la féministe. Lui, ça le valorise. Une femme, on ne réagirait jamais comme ça. Si on mettait l’accent sur la beauté d’une femme, est-ce que ça viendrait asseoir sa puissance ? Je ne pense pas. On la rabaisserait au statut de femme-objet. » N’empêche qu’on traite ici Justin Trudeau en homme-objet, non ? « Bien sûr », répond-elle. « Pour un homme, c’est valorisant. Il est intelligent, puissant, et en plus il a du sex-appeal. Il est parfait ! »

Est-ce à dire que pour les femmes, ce n’est pas un atout d’être sexy en politique ?

Oui, dit-elle, « ça me semble possible de poser les choses comme ça ». Mais nuance, dit-elle, parce que ce n’est tout simplement jamais arrivé ! « Est-ce qu’on a un exemple d’une première ministre jeune et belle ? Il n’y en a pas. Ce qui en dit beaucoup. Est-ce qu’une femme, une mère, jeune et jolie, serait élue ? Je ne pense pas. Hillary Clinton n’a pas été élue, alors… » Morale ? « On a du chemin à faire », conclut Martine Delvaux.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.