Notre choix

Des héros méconnus

Traces de mocassins
Louis Rémillard
Moelle Graphik
116 pages
Quatre étoiles

L’histoire avec un grand H a la mémoire très sélective : les récits tout à l’honneur des vainqueurs et des colonisateurs laissent trop souvent dans l’ombre les exploits des autres, en particulier lorsqu’il est question des membres des Premières Nations. Véritable pionnier de la BD québécoise, Louis Rémillard a décidé d’y remédier en faisant revivre sur papier de remarquables oubliés (pour utiliser l’expression consacrée par l’anthropologue Serge Bouchard et l’écrivaine Marie-Christine Lévesque). Après l’excellent album Le retour de l’Iroquois, le bédéiste a lancé récemment Traces de mocassins, le deuxième tome d’un triptyque qui rend hommage aux Premières Nations.

C’est l’occasion de découvrir le rusé Pieskaret, la débrouillarde Kamaka, Savignon et d’autres héros hurons ou algonquins méconnus de l’histoire du Québec. Découpé en six courtes histoires, Traces de mocassins nous guide du lac Champlain à la rivière des Outaouais, en passant par Ville-Marie et même Paris. Au XVIIsiècle, le danger est partout et prend souvent les traits de l’ennemi iroquois…

Si la trame narrative s’avère moins forte que celle du Retour de l’Iroquois, Traces de mocassins reste une lecture passionnante qui nous renvoie douloureusement à notre ignorance collective et à nos livres d’histoire pleins de trous. Le trait très assuré de Louis Rémillard, son sens du découpage, sa solide recherche historique : tous les ingrédients qui composent une grande BD sont ici rassemblés. L’album est d’ailleurs en nomination pour le Prix des libraires du Québec, catégorie BD. C’est mérité.

L’accident de chasse

David L. Carlson, Landis Blair

Sonatine

472 pages

Quatre étoiles

Sortir du noir

Dans le Chicago des années 50, un jeune garçon qui vient de perdre sa mère emménage avec son père, devenu aveugle après un accident de chasse dans sa jeunesse. Du moins, c’est l’histoire officielle que Charlie Rizzo a toujours entendue de la bouche de son paternel. La vérité est plus sombre et étend ses ramifications jusqu’à Leonard et Loeb, deux des criminels les plus célèbres de l’histoire des États-Unis. Le procès pour meurtre de ces deux fils de bonne famille a en effet secoué l’Amérique dans les années 20… Inspiré de faits véridiques, ce roman graphique – le premier du scénariste américain David L. Carson – se veut, derrière sa prémisse sombre, une ode remarquable à la puissance rédemptrice de la littérature. Cette œuvre coup de poing est magnifiquement mise en image par le dessin hachuré et tout en texture de Landis Blair. Ce dernier a consacré quatre ans de travail à cet album hors norme, qui rappelle la fulgurance de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, d’Emil Ferris. Un sérieux prétendant pour le Fauve d’or du meilleur album au prochain festival de la bande dessinée d’Angoulême. À ne rater sous aucun prétexte…

Temps libre

Mélanie Leclerc

Mécanique générale

176 pages

Trois étoiles et demie

S’accrocher ou renoncer

Après un premier album (Contacts) qui a ravi les critiques et le public, Mélanie Leclerc remet ça avec Temps libre, un album délicieux qui trouvera écho chez tous ceux qui se voient déchirés entre leurs rêves et les aléas du quotidien. Mère de trois enfants et employée à temps partiel dans une bibliothèque, Mélanie aspire à devenir réalisatrice. Elle veut consacrer son prochain film à sa tante Louise, une comédienne frappée par la maladie d’Alzheimer. Le temps presse pour capter sur pellicule les derniers lambeaux de mémoire de sa marraine, mais pour Mélanie, des questions se posent : comment aller au bout du projet et rester fidèle à sa vision artistique avec les miettes de temps libre que la vie lui laisse ? Cet album tendre et délicat, porté par le fin coup de crayon de la bédéiste québécoise, aborde une question cruelle, mais essentielle : faut-il s’accrocher à tout prix à nos rêves ou accepter parfois de les laisser filer ?

Le menhir d’or

René Goscinny et Albert Uderzo

Éditions Albert René

48 pages

Trois étoiles

Une rareté dépoussiérée

En 1967, alors que les aventures d’Astérix le Gaulois sont plus populaires que jamais, René Goscinny et Albert Uderzo publient un livre-disque inspiré d’une histoire originale. Son titre : Le menhir d’or. Le récit s’articule autour du barde Assurancetourix qui décide de participer à un grand concours de chant, convaincu qu’il est de remporter le prestigieux trophée. Connaissant son entêtement et son manque de talent, Astérix et Obélix décident de l’accompagner pour lui éviter des ennuis… Plus de 50 ans après sa publication d’origine, cette histoire, quasi introuvable, renaît avec la publication d’un album illustré, où les dialogues sont accompagnés d’illustrations grand format ayant été entièrement restaurées. S’il est émouvant de tenir entre ses mains une histoire inédite du petit Gaulois, il faut admettre que cette aventure est bien mince, avec une fin particulièrement précipitée. Qu’importe, diront les fans de la série. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut renouer avec le génie d’Uderzo et surtout, de Goscinny, tous deux aujourd’hui disparus. À savoir : un enregistrement audio à télécharger est aussi offert avec l’album.

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