Chronique

Le boss Coderre

Pas de doute : le boss, c’est lui.

Denis Coderre impose son rythme (infernal), son agenda (trop rempli), son style (débonnaire), son leadership (autoritaire) et son tempérament (bouillant). Vous avez intérêt à vous coucher de bonne heure pour le suivre. Mais Denis Coderre, c’est Denis Coderre, un homme proche de ses électeurs qui tweete plus vite que son ombre. Il ne changera pas à 53 ans. D’autant plus qu’il a un gros fun noir à faire ce qu’il fait depuis trois ans.

« Je suis heureux. Je trouve que Montréal est une ville extraordinaire, dit-il. J’y ai trouvé ma niche. Le courant passe avec la population. C’est ma 11e campagne électorale. »

Il a gagné sa 10e, en 2013, avec la plus faible majorité de l’histoire. Parions qu’il gagnera sa 11e, dans un an, avec un plus grand nombre de votes.

« Je suis en élections tout le temps », admet-il.

Il nous a reçus, jeudi midi, entre deux conférences de presse et quelques poignées de main, dans son vaste bureau décoré de boiseries de l’hôtel de ville où je mettais les pieds pour la première fois. Un bureau vintage dans des tons de beige et de brun qui fait penser aux années Drapeau, sans doute parce qu’il n’a pas beaucoup changé depuis 60 ans, mais aussi parce que celui qui l’occupe a de grandes ambitions pour sa ville.

Son bilan ? « Assez bon ! »

Des trois années qu’il vient de passer dans le fauteuil de maire, Denis Coderre est particulièrement fier d’avoir contribué à faire de Montréal une ville « pertinente et cohérente » qui joue un rôle de premier plan sur la scène québécoise, canadienne et internationale. Montréal, dit-il, a été nommé ville verte par excellence au Canada et ville intelligente de l’année, en 2016.

« C’est pas rien ! Des fois, on a de la misère à croire qu’on est bon. Mais on est bon ! » — Denis Coderre

« Aux Nations unies, Montréal joue un rôle de premier plan en diplomatie urbaine. On est devenu incontournable parmi les grandes villes. Ça fait l’envie du monde. »

C’est vrai que les Montréalais, moi la première, sont plus fiers de leur ville aujourd’hui qu’en 2013.

Le maire se vante aussi, avec raison, d’avoir mis de l’ordre dans la maison, après des années de corruption et de scandales, d’avoir créé des ponts avec Québec et Ottawa, d’avoir mobilisé le milieu des affaires et lancé de grands projets : la rue Sainte-Catherine, le recouvrement partiel de l’autoroute Ville-Marie, l’amphithéâtre naturel au parc Jean-Drapeau, le boulevard Bonaventure, le square Viger, l’aménagement d’une plage dans le Vieux-Port, la rénovation du Biodôme, le réaménagement de la place Jacques-Cartier, la promenade fleuve-montagne…

Tous ces grands projets ne connaissent pas un succès égal. Plusieurs sont en retard sur l’échéancier, voire reportés. Mais le maire a bon espoir d’arriver à ses fins. Si ce n’est pas dans ce mandat, ce sera dans le prochain. Et n’allez surtout pas le contredire, il pourrait mal le prendre.

Même chose pour les transports en commun, un de ses points faibles, selon ses opposants qui lui reprochent d’en faire trop peu, trop tard.

« J’ai sauvé BIXI ! », lance-t-il quand on lui fait remarquer qu’il accorde plus d’importance à la réfection des rues qu’aux transports en commun. « BIXI, ça s’en allait nulle part. Moi, j’ai une vision macro de l’ensemble des dossiers. Je ne travaille pas pour une personne en particulier. Je travaille pour l’ensemble. Tu ne peux pas parler de l’autopartage sans avoir une stratégie pour le centre-ville et le stationnement. »

Et le prolongement de la ligne bleue du métro ?

Ça va se faire, assure-t-il. « C’est une priorité pour moi. »

En attendant, son autre priorité, c’est de réparer les rues et les égouts de la métropole qui en ont un urgent besoin : 45 % des voies sont dans un état grave ou très grave. Ça, ça veut dire qu’ils menacent de s’écrouler à tout moment. Les travaux routiers, comme on sait, vont doubler pendant les 10 prochaines années.

Le protecteur de la circulation qu’il va nommer devrait contribuer à calmer le jeu. Mais ce n’est pas lui qui recevra les plaintes des automobilistes furieux. « J’aime mieux les recevoir moi-même », dit-il.

Pour le 375e anniversaire de Montréal, il promet toutefois « un break au centre-ville pour qu’on puisse fêter un peu ».

Ai-je besoin de vous dire que le maire Coderre aime être au cœur de l’action, qu’il est heureux quand ça brasse, que les crises ne lui font pas peur et qu’au contraire, il y prend plaisir ?

« Moi, quand je suis arrivé, je ne suis pas allé à l’école, clame-t-il. J’ai été ministre. J’ai été ministre de l’Immigration à Ottawa après les événements du 11-Septembre. Je me suis occupé de crises, j’ai géré des crises, je carbure à ça. »

« Quand il y a des difficultés, j’aime être sur la ligne de feu, travailler pour rassembler, s’assurer que les gens puissent faire partie de la solution. »

— Denis Coderre

Denis Coderre a de grandes ambitions pour Montréal, mais il a aussi du pain sur la planche. D’abord, l’an prochain, avec les fêtes du 375e anniversaire de la fondation de la ville. Ensuite, pour les quatre années suivantes, s’il est reporté au pouvoir.

Dans cinq ans, la ville à laquelle il rêve fera l’envie du monde entier. Elle aura son REM, le train électrique de la Caisse de dépôt, son nouveau pont Champlain et son équipe de baseball. « Montréal, dit-il, va être une plaque tournante exceptionnelle en sciences de la vie, une ville du savoir encore plus forte. Les gens vont passer par Montréal. Et vous savez quoi ? C’est déjà commencé. »

Pas de doute : le boss Coderre a du fun.

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