Éditorial Alexandre Sirois

SYSTÈME D’ÉDUCATION
Le général Roberge et sa cavalerie

Le dynamisme dont fait preuve le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge et le désir du nouveau gouvernement de faire de cet enjeu une priorité demeurent flagrants, huit mois après la victoire électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ).

En témoigne l’annonce, la semaine dernière, de l’ajout de 850 professionnels et enseignants au sein du réseau scolaire. C’est ce que permettra l’injection de quelque 70 millions, somme prévue en vertu du plus récent budget.

La préoccupation première du ministre semble bel et bien être la réussite des élèves, mais aussi le sort de l’ensemble des acteurs du réseau. Cet ancien enseignant sait très bien à quel point les deux vont de pair.

Ce qui frappe aussi, chez Jean-François Roberge, c’est un optimisme débordant. « Gardez espoir, la cavalerie s’en vient », a-t-il lancé mardi dernier lorsqu’il a donné le feu vert au recrutement de 850 professionnels et enseignants.

La stratégie du général Roberge est la bonne. Recruter des centaines de professionnels – des orthophonistes, des psychologues, des psychoéducateurs, etc. – est incontestablement un pas en avant pour le réseau.

Miser sur ces précieuses ressources se devait de figurer en tête des priorités, car ce sont ces professionnels, rappelons-le, qui ont été les plus touchés par les restrictions budgétaires des dernières années. L’existence d’un ratio enseignant/élèves, qui doit être respecté dans le réseau de l’éducation, protège les enseignants contre les suppressions de postes. Les professionnels ont pu être sacrifiés plus facilement puisqu’ils ne bénéficiaient pas d’une telle protection.

Ce qui risque cette fois de faire une différence, c’est qu’on parle d’une véritable bonification. Dans la foulée des mesures d’austérité, sous les libéraux, 375 postes de professionnels avaient été abolis. Or, on vient tout juste de terminer le rattrapage et de revenir au niveau d’avant les compressions.

On parle ici du réseau dans son ensemble. Certaines commissions scolaires ont fait des efforts notables, mais d’autres n’ont hélas pas encore embauché assez de professionnels pour pourvoir les postes éliminés.

Le Ministère aurait tout avantage à veiller à ce que, cette fois, les sommes injectées soient utilisées spécifiquement pour faire grimper le nombre de professionnels et non pour satisfaire d’autres besoins.

Par ailleurs, il y a une différence entre les objectifs, les moyens qu’on se donne pour les atteindre et la réalité. Plusieurs l’ont souligné : dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, recruter autant de nouveaux professionnels et d’enseignants ne va pas se faire en criant lapin.

Voyons voir combien de nouveaux postes seront véritablement créés dans le réseau d’ici la fin de l’année. Si les résultats sont décevants, Québec devra trouver des moyens, en collaboration avec le milieu, de remplir cette promesse si cruciale.

On parle beaucoup de valoriser la profession d’enseignant – qui en a bien besoin –, notamment en améliorant leurs conditions salariales. Pourquoi ne pas mener une réflexion similaire au sujet des professionnels ?

Voyons voir aussi quel sera l’impact de l’arrivée de ces renforts dans le réseau et si certaines écoles demeureront malgré tout incapables de répondre à la demande.

Ce n’est pas impossible. La Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec estime qu’au bas mot, il en faudrait 2000 de plus pour répondre à tous les besoins.

Interrogé à ce sujet sur les ondes de Radio-Canada, le ministre a dit être « ouvert à dialoguer avec le syndicat » et « à répondre aux besoins des élèves ».

En fait, son ouverture pourrait bien faire partie de l’équation visant à rendre le milieu de l’éducation plus attrayant. Le ministre n’a pas de baguette magique, mais valoriser l’ensemble des acteurs du milieu et prouver qu’il est sérieux lorsqu’il dit que l’éducation est une priorité est une bonne façon de mettre toutes les chances de son côté pour enfin remettre notre système sur les rails.

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