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Santé Canada donne son feu vert à l’héroïne d’ordonnance

Une étude est en cours en vue d’implanter des cliniques au Québec

L’héroïne d’ordonnance et l’hydromorphone injectable peuvent maintenant être utilisées au pays pour le traitement des dépendances aux opioïdes, a annoncé hier Santé Canada. Une annonce bien accueillie au Centre intégré universitaire de santé et de service sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, qui mène actuellement une étude afin de guider le réseau de la santé québécois dans l’implantation d’éventuelles cliniques offrant ces nouveaux traitements.

« C’est difficile pour l’instant de savoir quels seront les impacts directs de l’annonce de Santé Canada. Mais c’est une excellente nouvelle », affirme la Dre Marie-Ève Goyer, chef médicale des continuums de services en dépendance et en itinérance au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Deux nouveaux traitements

Hier matin, la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a annoncé que Santé Canada approuvait désormais l’utilisation de l’hydromorphone injectable, un médicament déjà utilisé dans le réseau de la santé, pour traiter les troubles graves liés à l’utilisation d’opioïdes chez les adultes. De plus, la diacétylmorphine (héroïne d’ordonnance) a été ajoutée à la Liste des drogues utilisées pour des besoins urgents en matière de santé publique.

La Dre Suzanne Brissette, membre du service de médecine des toxicomanies du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), voit cette annonce comme une « bonne nouvelle basée sur la science ».

« En gros, cette annonce vient légitimer le fait qu’on puisse utiliser cette médication dans la lutte aux dépendances. »

— La Dre Suzanne Brissette, du CHUM

Les deux produits s’ajoutent ainsi à la méthadone, à la suboxone et au kadian, les trois médicaments jusqu’à maintenant autorisés dans la lutte contre les dépendances aux opioïdes au pays.

« Nous savons que les traitements actuels sont inefficaces dans certains cas. L’annonce d’aujourd’hui permet aux personnes atteintes de troubles liés à la consommation d’opioïdes d’accéder à deux nouvelles options de traitement qui sont fondées sur des données probantes », a dit la ministre Petitpas Taylor.

Écouter la science

Au cours des dernières années, plusieurs études ont démontré l’efficacité de l’héroïne d’ordonnance dans la lutte contre la dépendance aux opioïdes pour les patients réfractaires aux traitements traditionnels. « On parle d’une minorité de patients. Mais une minorité qui a la vie dure », note la Dre Brissette.

La spécialiste a participé de 2005 à 2008 à l’étude NAOMI, qui a prouvé l’efficacité d’un traitement à l’héroïne d’ordonnance chez 251 patients qui avaient échoué à au moins deux tentatives de traitements à la méthadone.

« Des données probantes, on en a à la tonne. C’est un traitement qui sauve des vies et qui coûte moins cher en autres soins. »

— La Dre Marie-Ève Goyer, du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

La Dre Brissette explique que ce n’est que lorsque les traitements plus usuels ont échoué qu’un patient peut être dirigé vers un traitement à l’héroïne d’ordonnance. Pour recevoir ce traitement, les patients doivent se présenter de deux à trois fois par jour dans une clinique spécialisée.

La Dre Brissette reconnaît que plusieurs préjugés peuvent entourer ce traitement. « Mais plusieurs études coût-bénéfice ont démontré que c’est beaucoup plus rentable que de ne rien faire. Si tu ne les traites pas, ces patients contractent l’hépatite C, le VIH, des infections de la peau qui doivent se soigner par des semaines et des semaines d’antibiotiques. Ces gens sont plus susceptibles d’être emprisonnés. Le traitement a aussi un impact majeur sur la santé des patients », énumère la Dre Brissette.

Des cliniques au Québec

La Dre Goyer et son collègue Michel Perreault, du Centre de recherche Douglas, ont été mandatés afin de produire un « guide clinique pour les équipes qui voudraient faire des traitements de dépendance avec des médicaments injectables », comme l’héroïne d’ordonnance et l’hydromorphone, au Québec. L’analyse doit également déterminer les conditions d’implantation d’un tel projet.

De janvier 2016 à septembre 2018, 10 337 personnes ont perdu la vie à la suite d’une surdose liée aux opioïdes au Canada. « Derrière la crise des opioïdes, il y a des enjeux de stigmatisation. Si on avait 10 000 décès causés par le SRAS, ce serait la panique au pays », affirme la Dre Goyer, qui plaide pour un accès plus facile aux traitements de la dépendance aux opioïdes dans leur ensemble. Un plaidoyer partagé par la Dre Brissette : « La dépendance est une maladie. Ce n’est pas juste un problème de comportement ou de moralité. »

Crise des opioïdes

Demande d’action collective de 1,1 milliard contre des pharmaceutiques

Les sociétés pharmaceutiques canadiennes se sont enrichies aux dépens de patients vulnérables en faisant la promotion illégale et trompeuse d’opioïdes entraînant une forte dépendance – et qui ont tué des milliers de personnes ces dernières années –, soutient-on dans une demande d’action collective. La demande, déposée hier devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, réclame plus de 1,1 milliard de dollars en dommages divers auprès d’une vingtaine de sociétés, dont de grands noms comme Apotex, Bristol-Myers Squibb, Johnson & Johnson et le Groupe Jean Coutu. La Cour supérieure devra maintenant déterminer si l’action collective pourra aller de l’avant. La poursuite, intentée au nom de patients devenus dépendants aux opioïdes vendus sur ordonnance, vise également à obtenir une déclaration selon laquelle ces entreprises ont fait preuve de négligence dans la façon dont elles ont mené la recherche, le développement et la commercialisation des opioïdes à partir des années 90.

— La Presse canadienne

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